La Turquie, c’est fini

Autant le dire maintenant, car ça commence à se savoir de partout, nous sommes en Bretagne depuis plus de trois semaines ! Entre ceux qui se demandent pourquoi nous ne donnons plus signe de vie, ceux qui scrutent la carte Ouskison en espérant percevoir enfin un mouvement, ceux qui croient halluciner en nous voyant passer dans notre fourgonnette de location, il y a du monde à rassurer : Oui, nous sommes encore vivants, non, nous ne sommes plus à vélo mais oui, nous allons repartir prochainement.

Nous avons toutefois publié nos articles précédents comme s’ils avaient été rédigés en Turquie car à l’époque où nous vivions ces mémorables événements que furent la Caverne du Monstre de Fer et la Côte de la mort qui tue, nous ne savions pas encore que nous serions amenés à rentrer si vite.

Ce sont des événements familiaux qui ont déterminé notre date de retour, alors que nous crapahutions sur des chemins pas possibles; devant rejoindre un aéroport dans la semaine qui suivait, nous avions pile poil le temps de rejoindre la côte puis obliquer vers l’Est afin de décoller d’Adana. Ca nous fait tout bizarre, vu qu’on comptait longer la méditerranée vers l’ouest jusqu’à Antalya, mais les imprévus font partie du voyage, n’est-ce pas ?

Flashback sur ce dernier épisode en Turquie

On quitte nos hôtes Selimaz et Salim à contre coeur le mercredi 15 octobre. Selimaz nous a préparé un super petit déj’ à la Turque avec en plus de la viande de mouton hachée délicieuse, du miel qu’on en mangerait à la louche et du fromage de chèvre tout frais (Joël n’apprécie pas, pourtant il fait des efforts).

Salim est d’une générosité étonnante ; il est allé chercher une tente qu’il avait en stock et nous l’offre de bon coeur. Nous devons décliner bien sûr, vous nous imaginez transporter une tente chacun ?
Adieu chers hôtes de la maison bleue sur la colline, nous sommes remplis de joie de vous avoir rencontrés.

En revenant sur des petites routes de campagne asphaltées, on savoure le confort et la facilité pour rouler, ça fait du bien, même si les 25 km qui nous séparent de la nationale sont de temps à autres pentus, on se délecte encore des rencontres et des vues sur les monts du Taurus, croisant ici et là des troupeaux de chèvres gardés par les bergers et leurs chers chiens kangals, toujours prêts à se précipiter sur d’appétissants cyclistes… Grrrrr.

Un motard va nous doubler, puis s’arrêter, c’est un beau jeune homme, très élégant dans son saroual. il s’avère qu’il est est le fils d’une des dames avec qui nous avons passé la soirée hier, il nous passe sa mère sur son portable, elle est toujours aussi joyeuse, elle nous souhaite un bon voyage, on ne comprend rien mais on sait à l’entendre qu’elle nous gratifie de milles et unes choses gentilles. Irène (qui a du goût) trouve que décidément son fils est très, très beau !!!!

Les petits villages que nous croisons nous retiennent encore, on s’attarde dans un café avec autour de nous les hommes qui viennent discuter, on s’y sent bien et on se sert de notre tablette pour la traduction c’est sacrément commode.

 

En descendant des montagnes du Taurus nous prenons conscience que nous quittons des paysages superbes, la tranquillité des lieux, les ruines des forteresses de Kizlar kulesi (la tour des filles) se dressent sur les collines  et nous retiennent encore et encore ;  nous n’avons tout bonnement pas envie de retrouver l’agitation des villes, on pédale à petite vitesse, se délectant autant qu’on peut des dernières vues sur ces petites montagnes si accueillantes.

On a beau flâner on arrive tout de même en vue de la fameuse nationale qui passe à Pozanti et va sur Atalia. Celle que nous aurions du prendre si nous n’avions décidé d’aller crapahuter dans les chemins de chèvres !!! Dire que c’était si facile, ça descendait tout le temps, on n’aurait mis deux jours à parcourir quelques kilomètres, mais qu’est-ce qu’on aurait raté aussi…

Changement de rythme, pas d’autre route pour aller vers Tarsus, la circulation des véhicules à moteur reprend ses droits, nous filons donc vers cette ville de 200 000 habitants qui regorge de vestiges anciens mis à nu au coeur de la vieille cité. Nous nous trouvons un petit hôtel avec une bonne connexion pour pouvoir faire nos réservations de billets d’avion au plus vite à partir d’Adana. Nous aurions bien aimé pouvoir partir à la découverte de la ville, nous n’en visitons qu’une petite partie, pour aller chercher de quoi nous sustenter, d’ailleurs nous avons la chance de manger les meilleures brochettes turques jusqu’içi.

Une bonne nuit plus tard, lessive faite à l’hôtel, nous quittons Tarsus pour une cinquantaine de kilomètres vers Adana.

Enfin un chien qui ne nous court pas après !
Enfin un chien qui ne nous court pas après !

 

Rien à dire sur cette route complètement rectiligne et plate, bordée d’entreprises dont certaines très importantes. La région est prospère, l’agro alimentaire ici se porte bien. La circulation est dense mais la bande d’arrêt sur laquelle nous roulons est super large, donc pas de problème de sécurité ; un seul inconvénient: le bruit. A l’occasion d’une pause on se fait interpeller par un pompiste qui nous invite à venir boire un « tchaï », on ne refuse pas,  comme nos vélos sont plutôt crades, le jeune qui nous a invité nous les passera au karcher. Encore un service spontané plein de gentillesse.

Nous longeons la banlieue d’Adana et commençons à envisager de trouver notre papier bulles afin d’envelopper nos destriers pour le voyage en soute de ces deux montures précieuses. Avisant un panneau « emballages » on va y trouver notre bonheur dans un bric à brac bien organisé. entre les caisses de boulons, les boissons réfrigérées, les harnais et autres bassines et pots en tout genre.

Ne sachant pas comment expliquer ce qu’on veut, on retire de l’appuie tête du vélo d’Irène un morceau du papier bulles en question et là miracle, un jeune homme monte au premier étage et revient avec un énorme rouleau dans les bras. On est tout contents, c’est léger quoique qu’un peu encombrant, on en prend à peu près 7 mètres (mesurés aux pas) au passage on achète aussi 4 grands sacs de non-tissé pour emballer nos sacoches, le tout pour 20 liras, vraiment pas cher. On ficèle le tout sur le vélo d’Irène et on file vers l’aéroport s’enquérir du transport de nos montures. Il nous en coutera 55€ par vélo, un prix correct compte tenu de la distance.

Les rois de l'emballage
Les rois de l’emballage

Nous sommes dans la banlieue sud d’Adana et n’avons pas trop de difficulté à trouver un hôtel pour la nuit. On ne vous décrira pas la chambre, ça ferait des jaloux… Mais comme la nuit suivante, on sait qu’on va la passer dans l’aéroport, alors on en profite.

 Dernier jour

Le vendredi 17 octobre est notre dernier jour en Turquie. Nous sommes triste de devoir quitter trop vite ce pays et ses habitants qui nous ont si généreusement chouchoutés.

Le personnel de l’hôtel nous offre de laisser nos bagages et vélos dans une pièce sous leur surveillance. Nous allons nous plonger dans le marché qui se tient quelques rues plus loin et profiter de l’odeur d’épices et des couleurs des étals des marchands ambulants.

Au passage on se régale d’une bonne friture aux halles du marché aux poissons. Attablés dans un petit coin de la boutique, on suit les va et vient des clients et la dextérité des vendeurs qui n’ont pas les deux pieds dans le même sabot. Ils hachent et coupent les tomates et les salades avec une rapidité incroyable avant de garnir généreusement les assiettes ou les sandwichs. Nous sommes les seuls européens dans le coin, on se plonge avec délectation dans le quotidien des travailleurs turcs, l’ambiance est chaleureuse, ça bouge de partout, ça sent bon le poisson et la friture, ça nous va bien.

S’attarder devant le fournil d’une boulangerie n’est pas incongru ici. On assiste à la cuisson des bazlama, pains plats qui se mangent chauds. La boutique est dans le fournil, ou le fournil est dans la boutique, c’est comme on veut puisque de toute façon on y cuit et y vend que ce type de pain. Les gars sont très sympas, ils nous proposent de les filmer, allument la lumière pour ça, et finissent par nous offrir un pain sortant du four. Pas sûr que ça se passerait comme ça en France, on risquerait même de se prendre un pain…

 

Les Renault 12

Au passage, un petit mot sur les voitures qu’on croise en Turquie. En général, le parc est très semblable à ce qu’on voit chez nous, à une exception notable près : Les Renault 12 ! Du fait qu’elle a été produite en Turquie durant près de trente ans, cette voiture est encore omniprésente, parfois dans un état de délabrement avancé, mais souvent fort bien conservée. Et en tout cas, ça roule toujours, comme quoi à l’époque Renault faisait des voitures moches mais robustes et faciles à maintenir. Le contraire d’aujourd’hui.

Le départ

Chaque fois qu’on prend l’avion avec les vélos, c’est la même appréhension à propos de la réaction du personnel en nous voyant arriver. Mais il ne faut pas oublier que nous sommes en Turquie, dont la devise nationale officieuse est « No problem ». Allez hop, on place les vélos sur le tapis du scanner avec le tas de sacoches, ça ressort illico à l’autre bout, tout le monde se marre, c’est cool.

Il ne reste plus qu’à emballer tout ça, on a le temps car il n’y a qu’une salle dans laquelle il sera absolument impossible de dormir, alors autant consacrer une bonne partie de la nuit à une activité manuelle plutôt que de rester affalés sur les sièges. Comme il n’y a pas foule, on s’étale allègrement, monopolisant toute une rangée de sièges et l’espace qui est devant ; ça fait de la distraction pour les autres voyageurs et le personnel, ils n’ont sans doute jamais vu ça.

Assez rapidement, il s’avère que nous n’aurons pas assez de papier bulle ni de carton pour protéger les endroits sensibles. Voilà donc Joël parti errer dans la nuit à la recherche de cartons, d’abord dans les poubelles de l’aéroport puis dans le quartier environnant, mais la pluie étant passé par là, la récolte fut maigre. Tant pis, on fait avec ce qu’on a.

Le jour se lève, l’enregistrement des bagages commence, est-ce qu’on ne va se faire jeter parce qu’on n’a pas mis les vélos DANS des cartons comme le demande la compagnie aérienne, au lieu de mettre quelques bouts de cartons autour des vélos ? Ben non, aucun problème, juste un moment de surprise quand le type veut peser les vélos : comme ils sont trop grands pour le plateau de la balance, la pesée n’a aucun sens mais ça ne le perturbe pas plus que ça.

Une brève escale à Istambul, pas le temps de faire un tour au grand bazar ni d’aller revoir les mosquées, humer l’air des quartiers, il faut se dépêcher. Longs corridors, couloirs interminables, voyageurs pressés, l’ambiance aseptisée des grands aéroports, les boutiques de luxe, quel changement ! Comme on était bien dans nos montagnes paumées, avec les gens si chaleureux !

Retour en France

Déjà Orly, ça va trop vite : Plus de six mois pour l’aller, quelques heures pour le retour. Les vélos sont là, en bon état, rien ne manque ; après récupération de la fourgonnette de location pour emmener tout ça en Bretagne, on se paume dans les embranchements d’autoroutes, les bretelles et même les jarretières, on ne sait plus trop comment s’y prendre, il faut se réadapter.

Mais c’est une autre histoire, une parenthèse de quelques semaines dans le voyage.
A bientôt pour la reprise des aventures !!!

Petit bilan Turquie

  • 660 km parcourus à vélo.
  • 32 jours de voyage.
  • 37 km en moyenne par jour de déplacement (on roule de moins en moins, surtout sur la fin…)
  • 15 jours sans rouler (on s’arrête de plus en plus…)
  • 9 nuits sous tente, 23 nuits sous un toit (on s’embourgeoise…)
  • Toujours aucune crevaison, mais un pneu avant bien usé.
  • Matériel : Un compteur volé à Istambul.

10 Comments

  1. J’espère que votre retour n’est pas pour une raison trop grave… Merci pour le dernier récit toujours interessant. Surtout donnez nous de vos nouvelles pour la suite de votre aventure autour du monde pour qu l’on puisse rêver !

    Bon courage et merci pour vos commentaires très agréables.

    • Un « heureux événement » est survenu, évidemment un grand plaisir de découvrir un nouveau petit enfant. Et puis, à l’autre extrémité de la vie, une dégradation soudaine qui a motivé notre retour.
      La conjonction des deux événements est le fruit du hasard, mais donne à réfléchir sur le sens de la vie.

  2. Bonjour
    Merci encore pour toutes ses belles étapes…elles s’inscrivent comme des étoiles de voyage qui illuminent un peu notre vie au quotidien…Kénavo et à Bientôt…Bernard F6BCC..Rochefort sur Mer

  3. Depuis Dubrovnik nous suivons régulièrement votre périple (merci d’ailleurs pour le bouquin laissé sur la table du petit déjeuner, ma fille de 18 ans l’a dévoré). La prochaine fois que vous faites une escale à Orly, si vous avez besoin d’assistance technique, n’hésitez pas à nous faire signe, on habite à côté.
    Bon courage pour la suite. Vous lire est toujours un moment de bonheur.
    Sylvie et Laurent.

  4. Bonjour Irène et Joël,
    Je savais bien sûr que vous étiez rentrés, les copines sont bavardes!!!!….et heureusement…on se donne des nouvelles des uns et des autres…..Je souhaite que tout va pour le mieux et que vous pourrez bientôt nous faire rêver à nouveau.
    Je vous embrasse bien fort. Michelle

  5. Bonjour vous deux … je suis étonnée de votre retour évidemment … mais j’espère que la raison n’est pas grave pour vous … et de toute façon, mon avis à moi c’est que même si des circonstances particulières faisaient que vous ne pourriez pas reprendre votre circuit, vous avez vécu des choses tellement fortes pendant ces six mois que ce que vous en avez ramené en souvenirs, en rencontres et en découvertes suffisent à faire de votre périple une véritable réussite ! Euh mais ça doit vous poser un problème cette histoire … question logement … puisque le vôtre est occupé, hein ?

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