Angkor et Angkor

Non, on ne va pas « encore » vous sortir le jeu de mots complètement usé jusqu’à la corde : « Angkor et Angkor » c’est parce que nous sommes effectivement allés à Angkor puis à Angkor, et que ce n’est pas du tout la même chose (Ne vous réjouissez pas trop vite d’avoir échappé à un jeu de mots vaseux, il pourrait y en avoir d’autres plus bas).

Angkor Chum

A l’issue de nos pérégrinations sur une piste en cul de sac, nous arrivons à Angkor Chum (à vos souhaits !) et ça n’a rien de spectaculaire. Le nom Angkor est prestigieux mais en fait assez commun puisqu’il signifie « Ville ». Dans le cas présent, en examinant la carte on a l’impression que c’est un village où il n’y a rien, dans la réalité c’est un bourg où il n’y a pas grand chose mais tout de même quelques échoppes où se restaurer et un hôtel qui n’a rien d’inoubliable ; peu importe, c’est une étape et comme nous avons beaucoup roulé (75 km) le but est surtout de se reposer. Pour le tourisme, ce sera un autre jour.

Le lendemain matin ou partons au lever du jour, comme d’habitude. On ne se lève jamais aussi tôt quand on est à la maison, à bas les cadences infernales !

Nous ne sommes pas les seuls à nous lever tôt, il y a déjà de l’activité de partout, les stands ouvrent au bord des routes, les élèves s’en vont à l’école, les coqs chantent depuis belle lurette (bien trop tôt d’ailleurs). Une dame cuisine de drôles de boulettes à base de riz et de noix de coco, évidemment on lui en achète et ça s’avère bon bien qu’un peu gras, elle ne lésine pas sur la quantité d’huile déposée dans chaque alvéole.

Une machine fort bruyante nous intrigue, on s’arrête pour observer l’engin et le couple qui s’en occupe. C’est un camion plutôt rustique dont le moteur entraine par des arbres et des poulies une machine à égrainer le riz : Le riz entier est introduit par en haut, le son est éjecté par en bas et les grains bien blancs sont mis en sacs. Il parait que le riz de par ici est particulièrement parfumé, il est vendu à l’exportation (généralement sous le nom de riz thaï alors qu’il n’est nullement thaïlandais mais ça fait vendre) alors que les khmers importent du riz de moins bonne qualité pour leur propre consommation (on retrouve le même phénomène profondément injuste à Madagascar).

Siem Reap

Nom intriguant pour une ville très particulière puisque c’est près d’elle que se trouvent les fameux « Angkor » qui font arriver des millions de visiteurs chaque année : Angkor Vat et Angkor Thom. Cette fréquentation se traduit par un urbanisme ayant crû de manière vertigineuse, de grands hôtels ont poussé un peu partout, les restaurants proposent des plats occidentaux à des prix occidentaux aussi, etc.

Mais avant d’arriver là, nous avons pris un chemin peu commun le long d’un gigantesque plan d’au à l’ouest d’Angkor Vat, qui faisait partie de cet immense ensemble de temples et de villes dont il ne reste plus rien aujourd’hui (les villes ont disparu, les temples sont toujours là, plus ou moins endommagés par des siècles d’oubli). Il n’y a pas grand monde à passer par là, il faut dire que le chemin est un peu chaotique mais il permet de faire une pause dans des hamacs judicieusement installés par des commerçants qui essaient de gagner quelques sous avec le peu qu’ils arrivent à vendre.

Certains proposent des insectes grillés notamment, on a aimé les sauterelles mais moins les larves, question de (dé)goût.

Quel contraste lorsqu’on arrive dans la ville ! C’est la richesse et l’opulence (toutes relatives toutefois, par rapport à nos critères occidentaux). De grands magasins proposent des produits sans doute inaccessibles à la quasi totalité des populations habitant les régions que nous venons de traverser.

Il y a d’énormes voitures, des tuktuks à foison (certains sont même « customisés » pour frimer), et des motos avec remorque pour transporter les gens ; c’est astucieux et très pratique, nous allons en faire l’expérience. Les espaces publics sont propres et bien entretenus, même si ça fatigue les jardiniers.

Le Grand Hôtel

Etablissement prestigieux érigé sous l’ère coloniale en plein centre, on ne peut manquer d’y boire un coup pour le visiter. Tout est d’un raffinement remarquable, il y a des oeuvres d’art partout et même des boutiques. Les prix ne sont pas indiqués, sans doute parce que ce ne serait pas convenable de s’abaisser à ce genre de considération purement matérielle. Dommage que nous ayons oublié nos maillots de bain, la piscine est assortie au reste, c’est à dire classieuse et tentante mais il n’est pas certain qu’il acceptent qu’on s’y baigne nus.

Le cirque

Il y a une célèbre école de cirque à Battanbang, qui forme des jeunes en difficulté, ils se produisent également à Siem Reap. Leur spectacle, qui fait penser au Cirque du Soleil, est bluffant. C’est une équipe assez réduite mais les artistes se complètent parfaitement, ils ont plusieurs rôles donc plusieurs talents chacun. Quant aux musiciens, ils contribuent pour une grande part à l’ambiance avec leurs instruments essentiellement à percussion, tout est parfaitement synchro avec les acrobates.

Angkor (enfin)

Depuis le début de cet article vous devez vous demander quand on va enfin vous parler des temples d’Angkor, le moment est venu (On a gardé le meilleur pour la fin). D’emblée nous décidons de consacrer trois jours à la découverte de ce qui fut la première métropole d’Asie du Sud-est, bien avant Bangkok et Singapour. Comme beaucoup, on pourrait « faire » cinq temples dans une journée, mais nous préférons prendre notre temps et il va s’avérer que c’est le bon choix car nous passons des heures sur chaque site tellement il y a à découvrir. Evidemment nous nous y rendons à vélos, ce n’est qu’à 8 kilomètres, on se demande d’ailleurs pourquoi les touristes louent des motos (dont la location aux étrangers est désormais interdite à Siem Reap, suite à de trop nombreux accidents (interdiction largement ignorée bien sûr)).

Parcourir les sites à vélo présente aussi l’avantage de passer par la jungle (et s’y perdre après avoir découvert une pagode secrète), découvrir un joli lac invisible de la route, franchir en silence les vieilles portes fortifiées. Un régal ! Le seul truc qu’on va rater, ce sont les levers de soleil sur les temples : Le premier parce que nous nous sommes réveillés à 6h au lieu de 5h et le soleil ne nous a pas attendu, le second parce que ce fichu soleil était derrière les nuages alors que nous étions bien à l’heure cette fois là.

Angkor Vat

A tout seigneur tout honneur, c’est le plus célèbre de tous, d’ailleurs il figure sur le drapeau cambodgien (alors que la Tour Eiffel ne figure pas sur le notre). Plus grand édifice religieux de la planète, contrairement aux autres temples de l’ensemble il n’a jamais cessé d’être utilisé depuis sa construction au XIème siècle, ce qui explique son bon état de conservation. Outre ses dimensions hors du commun, ce qui nous surprend le plus est la finesse des sculptures, notamment les gigantesques bas reliefs.


Ta Prohm

Il y a une « Petit circuit » (le plus fréquenté) et un « Grand circuit », mais l’inconvénient du truc est que tout le monde progresse à peu près au même rythme, du coup on est toujours dans la foule. Nous faisons donc autrement, on file au temple Ta Prohm, célèbre pour être enchâssé dans les racines des fromagers (arbres dont le nom rebute Joël qui a horreur du fromage).

Bonne pioche, il n’y a quasiment personne, on peut s’imprégner de l’ambiance fort calme des lieux. C’est impressionnant de voir comment la jungle est puissante, d’ailleurs de larges parties du temple se sont effondrées. Quant aux constructions qui existaient aux alentours, il n’en reste rien alors que le temple rassemblait près de 80 000 personnes pour son service.

Mais tous ces temples doivent se ressembler, non ? Eh bien non, on redoutait un effet de répétition mais chacun a une histoire, un style et une ambiance bien différents. Bien sûr il y a des points communs mais à aucun moment on ne s’est lassés, on a chaque fois passé d’excellent moments dans ces lieux où, à priori, on n’a guère de chances de revenir un jour, dans cette vie tout du moins.

Banteay Srei

Second jour, pas de vélo aujourd’hui, on va prendre un chauffeur. Comment ça, on joue les flemmards ? On voudrait bien vous y voir, Bantea Srei est à 37 km, donc 74 km aller-retour, ça commence à faire. Donc ce sera non pas un mais deux tuktuks parce que les chauffeurs sont en difficulté à cause du manque de touristes, il n’y a que 30% de la fréquentation d’avant Covid, alors on va les faire travailler. C’est aussi parce que ce n’est pas le top d’être à quatre dans la petite remorque, ceux qui sont dos à la route ont des places moins confortables que dans l’espèce de canapé du fond. Parce que ce ne sont pas les petits tuktuks indiens qu’on voit en ville mais les tuktuks cambodgiens, c’est à dire une petite moto qui tracte une remorque avec les gens dedans.

Eh bien ça valait largement le déplacement, cette « citadelle des femmes » avec ses teintes chaudes et ses sculptures toutes en finesses devient notre temple préféré. Et comme nous sommes arrivés très tôt, avant même l’ouverture, il n’y a personne et la lumière est très belle.

Au retour, nos deux chauffeurs tiennent à nous emmener voir le Banteay Samre puis le Pre Rup,il s’avère que c’était une bonne idée, d’autant qu’on passe par de beaux endroits.

Les temples, suite et fin

Pour le troisième jour, retour sur les vélos, « seulement » deux visites au programme et une fois de plus on constatera la diversité et l’étendue de cet ensemble, en ayant de la peine à imaginer la gigantesque ville qui s’étendait là où la jungle a tout recouvert. Plus d’un million d’habitants à une époque où Londres n’en comptait que 50 000…

Preah Khan

Celui-ci a justement subi les dommages du temps, de grandes parties se sont effondrées, mais il y a de fort beaux restes. Il était dédié à 515 divinités, ce qui laisse rêveur pour nous qui avons reçu une culture monothéiste.

Le Bayon

54 tours, 216 visages monumentaux, c’est une oeuvre assez délirante issue de l’ego hypertrophié du roi Jayavarman VII (dont le nom était en réalité Mahaparamasaugata, fils de Dharanindravarman II, ce qui n’est pas plus facile à retenir).

Y figurent des fresques au moins aussi impressionnantes que celles d’Angkor Vat, même si le style en est différent.

Finalement, c’est avec ces charmants petits singes, réintroduits assez récemment dans ce qui était leur habitat naturel, que nous quittons ces lieux chargés d’histoire. Quant à nous, nous avons une autre histoire (autrement plus modeste) à vous raconter, ce sera pour la prochaine fois si vous êtes sages.


PS 1 : Merci à Agnès qui a posé une question très pertinente ainsi qu’à ceux qui nous ont félicité pour la qualité des photos. C’est l’occasion d’indiquer que vous pouvez mettre les diaporamas en pause afin d’avoir plus de temps pour regarder les photos : Cliquez en haut à droite, le bouton Pause est très discret mais efficace.

PS 2 : Notre premier article sur le Cambodge a été bien moins lu que ceux sur la Thaïlande. Un intérêt moindre pour ce pays, une grève inopinée des lecteurs, un coup de gel ?

PS 3 : Cet article ne vous parvient que deux semaines après les événements relatés. C’est que ça prend du temps d’écrire, surtout le soir en rentrant du boulot des balades.

PS 4 : Sony

13 Comments

  1. Salut salut les cyclos. Que de souvenirs lors de cette lecture!!! Mais mais on attendait une chose….la route 66! L’ancienne route royale. Pourquoi l’avoir oublié !?? Profitez bien les parents de voyage !!! David et Marie

  2. Marvellous ! Une très belle visite par procuration dont je vous remercie. Et la vue d’Irène avec la larve en bouche en est le couronnement ! Bise bretillienne,

  3. Bonjour il y a très longtemps que je ne vous êtes pas envoyés commentaires !
    C’est bien faire travailler les taxis de la région !

    Bonne continuation

    et merci ces belles photos !
    Amitiés

    Jean-Charles Ropert

  4. Malraux avait bien aimé Bantey Srey lui aussi.😡Et pourquoi dire qu’il y a peu de chance que vous reveniez un jour. Nous sommes veny à Angkor deux fois soit deux semaines dans les temples, et avons bien failli vous y suivre cette année encore !

  5. l’emprise de la nature sur les murs des temples est extraordinaire! Et ces vestiges sont vraiment très impressionnants! Merci pour ces belles vues. Amitié

  6. Ah ! Angkor un bon souvenir, je revis cette visite où chaque pierre raconte une histoire…. Nous avions un guide qui au début nous captivait mais il faut reconnaître qu’au bout de trois heures de description les studieux élèves que nous étions décrochaient et préféraient continuer seuls la visite.
    On se sent petit devant tous ces temples.

  7. on contemple tous ces temples ! Dommage qu’ils ne sont plus entretenus car ils représentent un travail colossal des ancêtres ; Merci beaucoup de nous faire profiter de telles curiosités .

  8. avec un peu de retard je regarde votre site sur le Cambodge,mais le temps ne compte pas surtout devant ces superbes temples .Souvenirs de mon voyage avec Margot en 2011 et en plus je suis sur le montage sur Mobject(ABM) depuis un mois . bon voyage bizh
    Armelle

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