Cambodgeries

Pour une fois vous n’aurez pas droit à un récit de voyage mais simplement quelques observations que nous avons pu faire le long de la route. Elles ne reflètent pas nécessairement une vérité absolue, mais notre ressenti, complété par les dires de nos interlocuteurs.


Fake beer

Depuis que nous avons abordé les environs de Phnom Penh et jusqu’à la cote sud, c’est un envahissement de publicités particulièrement agressives pour la bière Ganzberg, soit disant « Premium German Beer » ; Premium est un argument pour vendre plus cher un produit identique aux autres, German est carrément trompeur puisque cette bière n’est pas plus allemande que nous (elle est brassée au Cambodge), Beer est heureusement vrai mais selon des connaisseurs elle est médiocre.

Bien que la plus visible, Ganzberg est loin d’être la bière la plus populaire, et les autres marques ne se privent pas non plus de s’afficher en grand. C’est en Asie qu’est brassée la plus grande quantité de bière au monde, au Cambodge elle représente 80% de la consommation d’alcool (il faut dire que pour le vin, ce n’est pas le climat idéal).

Il y a aussi les pubs pour des boissons dites « énergisantes » dont on se demande quel intérêt elles présentent ; ce n’est que de l’eau, beaucoup de sucre et un tas d’additifs, comme le Red Bull si populaire partout dans le monde. Dire qu’il y a des gens qui absorbent ça…

Fake démocratie

Presque aussi envahissantes que les pubs pour la bière, les affiches du Parti du Peuple Cambodgien sont présentes partout, même au sein des plus petits hameaux et des villages flottants. On y voit toujours les deux mêmes personnages à l’allure patibulaire mais presque, le premier ministre Huen Sen (ancien khmer rouge) qui est au pouvoir depuis 35 ans, on ne sait pas qui est l’autre mais c’est probablement un des dix « Vice-Premier ministre » (A quoi servent-ils ?). Le gouvernement comporte aussi pas moins de 50 ministres et des centaines de Secrétaires d’État, il faut bien ça pour un pays de 17 millions d’habitants.

Corruption et clientélismes sont les deux mamelles du pouvoir, lequel se maintient à chaque élection, ce qui est fort intéressant pour ses membres (Huen Sen dispose d’une fortune estimée à un milliard de dollars, alors qu’il prétend n’avoir d’autre ressource que sa paie de ministre). Pour donner une apparence de pluralité, certains petits partis sont tolérés, quand ce ne sont pas des partis fantoches créés par le régime ; ils ont le droit de s’afficher, mais à dose homéopathique (9CH) et ne jouissent pas des moyens illimités du parti au pouvoir, lequel siège dans un véritable palais à Phnom Penh et a des bureaux dans chaque village, généralement c’est la plus belle bâtisse. Dès qu’un petit parti prend de l’ampleur il est interdit. Le peuple cambodgien, si gentil et souriant, mériterait mieux que ce parti « du peuple ».

Les bonzes amis

On ne peut pas les rater, ils sont partout, ces bonzes qui chaque matin partent faire la tournée des popotes pour collecter leur riz quotidien. Après leur offrande, les donateurs s’accroupissent et reçoivent ce qui ressemble à une bénédiction.

Outre le riz, il semble possible et même bienvenu d’offrir des riels (c’est la monnaie locale).

Nous avons assisté à une version plus moderne de la collecte matinale : Le bonze est installé dans une remorque, un gros haut parleur diffuse une musique tonitruante (comme ça les gens sont prévenus de son arrivée 1 km à l’avance) et à chaque arrêt il appuie sur un bouton pour diffuser la bénédiction pré-enregistrée. De jeunes bonzes qui font leur tournée à pieds ont également un système de haut-parleur pour réciter la prière enregistrée, est-ce un progrès ?

On ignore s’ils ont fait voeu de pauvreté, mais on en voit jouer à la loterie et tous les jeunes bonzes ont un smartphone. A noter également que sur les moult petits autels dédiés aux esprits malins des forêts ou aux gentils esprits sensés protéger habitations et occupants, que l’on trouve absolument partout, on trouve comme offrandes des canettes de soda ouvertes avec une paille dedans, des fleurs, et parfois des tas de billets de 100 dollars (faux évidemment, mais ça ne doit pas gêner les divinités).

Les sous

La monnaie nationale est le Riel. Il n’y a que des billets et pas de pièces, le plus petit étant de 100 riels il a une valeur de deux centimes d’Euros, autant dire qu’on se trimballe avec des tas de billets et qu’on a un peu de mal à s’y retrouver. Les petits commerçants ont un système très efficace pour classer tout ça, ils entassent les billets dans un seau, un carton ou une boite et farfouillent dedans pour rendre la monnaie.

C’est peut-être pour éviter de manipuler tout ce tas de pognon que le dollar US est également très utilisé, d’ailleurs souvent les prix ne sont affichés qu’en dollars. C’est casse-pieds parce qu’il faut sans cesse faire la conversion en riels (mais on arrondit à 4000 riels = 1 $) et le moindre défaut sur un billet en dollars entraine son refus (micro-déchirure, petite tâche) alors que certains billets en riels portent la trace des milliers de mains dans lesquelles ils sont passés et ça ne pose aucun problème.

Les mariages

Avec une population très jeune, il n’est pas étonnant que de nombreux mariages soient célébrés. On ne peut pas les rater, tout d’abord parce qu’on les entend longtemps avant de les voir : Pour que tout le monde participe à la fête des haut-parleurs sont installés en hauteur et diffusent la musique archi forte aux alentours (on se dit que les invités qui ne sont pas sourds à l’arrivée doivent l’être à la fin des festivités).

Mais plus surprenant est l’endroit choisi pour installer l’immense chapiteau qui abrite les invités : Sur la route ! Pas à coté, non, en plein dessus, la route est barrée pour cause de mariage. Si c’est une route très large, on peut passer sur le coté, sinon il faut faire demi-tour. L’idéal est d’être invité, comme ça on peut traverser le chapiteau, mais on devient sourd…

Boire, manger, dormir

Ce sont là les seules préoccupations de tout cyclo-voyageur, et il est plutôt facile d’y répondre, notamment pour nos lectrices et lecteurs qui nous ont posé des questions à ce sujet.

C’est à boire qu’il nous faut

Vu les températures, on boit beaucoup d’eau et, comme on essaie d’éviter de contribuer au gigantesque gâchis de plastique dans ce pays, on achète le moins possible d’eau en bouteilles ; lorsque celle du robinet a l’air assez claire, nous utilisons du Micropur pour l’assainir et ça nous a plutôt bien réussi puisque nous sommes encore vivants pour écrire ces lignes et que nos intestins se sont comportés à peu près normalement.

Sinon, il y a des sodas, des boissons bizarres de couleurs bleu, de la bière (vous avez vu que ce n’est pas ce qui manque) qui est servie avec des glaçons… lesquels sont stockés dans des glacières car la plupart des commerces n’ont pas de réfrigérateur. Partout, même dans les endroits les plus reculés nous avons pu trouver des boissons fraiches, incroyable ! Les livraisons de morceaux de glace se font sans doute sur commande, en tout cas nous les avons vu scier les énormes blocs de glace et charger les morceaux dans des sacs de toile.

Niam niam (En khmer Niam signifie manger)

Comme on n’est jamais très longtemps sans passer devant une gargote ou un étal de rue, il est très simple de se restaurer. Irène a un don pour repérer les alignements de gamelles, il suffit de soulever les couvercles pour voir ce qu’il y a au menu et s’attabler. Un repas coûte entre 1,50 et 2,50 € dans ce genre d’endroit, en restaurant c’est à partir de 3 € le plat en campagne, le double en ville.

Quant aux petits en-cas le long de la route il y a tout ce qu’il faut aussi, même si ce n’est pas très varié il y a au moins les beignets de bananes (Joël s’y est mis aux bananes) et parfois des ananas qui sont vendus épluchés et découpés. Pour les petits-déjeuners, il est pratique d’avoir un thermo-plongeur (merci Jocelyne et Michel) pour faire chauffer de l’eau pour le café car il n’y a pas de bouilloires dans les chambres les plus basiques ; et évidemment avoir acheté de quoi boulotter avant, on a toujours de la confiture et des crackers en fond de sacoche, et parfois du pain de mie. Pour les croissants, il faudra attendre le retour en France.

Dormir

Suite à notre expérience précédente en Thaïlande, Laos et Vietnam, nous savons qu’il n’est pas forcément nécessaire de trimballer le matériel de camping. Vu notre grand âge ou notre âge avancé nous avons choisi un minimum de confort en ayant un lit le soir. On trouve des guesthouses très facilement, depuis la plus rustique jusqu’aux établissements de milieu de gamme (on évite les palaces). Au cas où, nous avons tout de même embarqué dans nos sacoches notre matelas auto-gonflant, notre petit oreiller et notre sac à viande qui pour le moment n’ont pas servi.

On a vite appris qu’il ne faut pas se fier aux apparences, une belle façade peut cacher des chambres autrement moins reluisantes, et inversement. Donc on demande toujours à visiter avant de se décider, puis on négocie le prix et si ça ne convient pas on fait mine de s’en aller, généralement ça marche (Quand le prix demandé de prime abord est correct, on ne négocie pas, il ne faut pas exagérer).

En général une chambre basique coûte environ 10 €, une un peu mieux 15 € et on a fait dans le luxe pour 25 €.

Les oiseaux

Hitchcock n’est pas passé par là, pourtant ici les oiseaux occupent une place prépondérante. Les premières fois ça surprend, on se demande ce que sont ces gros bâtiments sans fenêtre d’où on entend de forts chants d’oiseaux. Plus on va vers le sud, plus il y en a, le comble est la petite ville de Khum Trapeang Rung où tous les immeubles sont de ce type.

Ce sont des « fermes à oiseaux » destinées à la production de « nids d’hirondelles », le caviar de l’Asie. Gourmandise d’excellence, la popularité du nid dit d’hirondelle défie tout autre met. Avec la sécrétion de sa salive, l’oiseau constitue un nid sensé être riche en propriétés nutritives et médicinales. Santé, jeunesse, beauté : le nid d’hirondelle est un produit tendance qui s’arrache à prix d’or. Il y a plus de 800 fermes de ce type au Cambodge, qui demeure un petit producteur par rapport à la Malaisie et la Thaïlande.

Des chants d’oiseaux et des excréments. Le tableau ne fait pas rêver mais pour tromper les hirondelles, il faut au moins ça. « Pour qu’elles viennent nicher dans la maison, on doit user de stratagèmes avec les sons, les odeurs, la température et la luminosité ». 
« Deux types de nids sont comestiblesLes nids blancs faits presque entièrement de mucus et les nids noirs mélangés aux plumes d’hirondelle. Les blancs sont plus réputés car on les considère plus purs. C’est pourquoi ils se vendent plus chers ». 

Comme ces bâtiments sont généralement d’une laideur remarquable, un effort d’intégration a parfois été entrepris quand ils sont situés en ville : Ils ressemblent à des habitations, avec des balcons évidemment inutiles, mais toujours avec les mêmes cris d’oiseaux qui sont en fait émis par des haut-parleurs (heureusement, le son est coupé la nuit).


Voilà pour ces considérations diverses, au prochain épisode nous reprendrons le voyage vers le sud et donc le Golfe de Thaïlande.

11 Comments

  1. Toujours très agréable de vous lire mais je vous envis un peu moins que dans d’autres régions, l’ hygiène ne doit pas être au Top….
    Au sud Loire c’est la grisaille : ce matin le marché mais sans doute pas de rando comme jeudi dernier !!! Bises amicales.
    Nicole la Vertavienne

  2. Chouette article félicitations !
    On s’était fait les mêmes réflexions que vous sur le gâchis publicitaire des bords de route entre la bière et le parti.
    On a trouvé de la fraîcheur dans le nord.
    Bonne route.

  3. Un bon résumé du pays. Et profitez d’être en Thaïlande pour vous procurer un thermoplongeur, outil indispensable pour les voyageurs que vous êtes. En France ils sont bien plus chers et mettent une heure à chauffer une tasse d’eau.

  4. Eux les mangent et chez nous si tu touches un nid d’hirondelles tu as une « prune » et plutôt salée!!!! merci les cyclos pour ces belles photos et vos commentaires

  5. Merci Irène et Joël, ces Cambodgeries sont fort bien formulées et illustrées.
    Le Vietnam présente beaucoup de similitudes, en particulier la fake démocratie qui bride le potentiel social et économique de ces beaux pays. Bonne continuation!

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