Puisque nous avons renoncé à nous diriger vers l’est puis à passer en Iran, nous voici désormais pédalant plein sud. Ce ne sera pas la première fois que nous changeons de cap, nos lecteurs ne seront donc guère surpris, et retrouver la Méditerranée nous plait bien aussi. C’est parti !
Nous quittons la pension Köse avec peine, tellement nous nous y sentions bien. Merci Silvana, toujours disponible et souriante, et son cuistot qui nous a mijoté de bons petits repas. Mais voila, c’est le propre du voyageur de se déplacer, mêmes si les adieux sont souvent difficiles. C’est d’autant plus vrai que la durée du séjour a été prolongée, on ne va toutefois pas ne rester que dix minutes pour faciliter le départ…
Ce qui est difficile aussi, c’est de reprendre le vélo suite à près de deux semaines d’arrêt (Istambul et Göreme), ou plus exactement de monter les côtes. C’est incroyable la rapidité avec laquelle on perd ce qu’on avait acquis, les muscles sont de gros fainéants : dès qu’on ne les sollicite plus ils en profitent pour se relâcher. Et comme la sortie de Göreme commence par une pente invraisemblable sur une route recouverte de gros pavés irréguliers, on est tout de suite dans l’ambiance.
D’un autre coté, si c’était tout plat, ce ne serait plus la Cappadoce mais la Hollande, faut savoir ce qu’on veut.
Destination plein sud par la route qui nous mène à Urgüp où nous faisons une halte déjeuner. Une haute falaise creusée de maisons troglodytes surplombe la ville. Les famils turques sont en vacances, tout le monde flâne, le temps est magnifique, on aime se poser et observer l’ambiance décontractée qui se dégage de cette petite ville. On repère tout de suite les touristes qui pour une fois ne sont pas majoritaires.
Premier bivouac en Turquie
Après une trentaine de kilomètres de montée quasi continue mais bien progressive, où on traverse de petits villages et où les habitants sont tellement encourageants et souriants, nous arrêtant pour discuter 5 minutes, nous prendre en photos, on se trouve un endroit sympa près d’un village blotti dans la montagne : Akkoy . On avise une fontaine près d’un champ et pas loin de deux maisons. Il y a l’eau courante (avec un robinet, le luxe), des toilettes sèches (comme à la maison) et même une table et des bancs sous un amandier. Certes, tout ceci est un peu rudimentaire, mais ça nous rend bien service, notamment la table pour la « salle de presse » puis la cuisine.
Comme il y a deux maisons à proximité, nous demandons à celle qui est habitée si on peut s’installer là, le monsieur nous accueille très gentiment et nous propose même de dormir chez eux ; mais nous avons envie de nous retrouver dans notre tente, pour une fois, c’est un endroit douillet et un peu notre « chez nous », et nous ne voulons pas les déranger. Nous avons bien fait car ils partent peu après pour rejoindre leurs voisins, nous devinons qu’ils s’en vont ensemble au village pour la fête de Kurban Bayram et notre présence les en aurait peut-être dissuadés. A leur retour nous en avons confirmation, ils nous offrent des friandises (comme aux enfants !), et la voisine viendra nous apporter des pommes et du raisin tout en s’inquiétant du froid nocturne, il faudra qu’elle visite la tente et voit nos duvets pour être peut-être persuadée de notre confort là dedans. Vraiment ces gens sont d’une gentillesse exemplaire.
Comme tous les soirs ici, dès que le soleil est couché (à 18 heures, il exagère) il se met à faire frais et il faut se couvrir et se dépêcher de faire ce qu’on a à faire parce que la nuit suit peu après. Heureusement, un superbe clair de lune éclaire le site, c’est à la fois utile et agréable. Il est 20 heures, nous sommes dans nos duvets, on se couche comme les poules quand est sous la tente, ce n’est pas comme à la maison. Heureusement que nous avons fait le plein de livres en français à Athènes, car on a le temps de lire. Pas besoin de mettre le réveil, les muezzins des deux mosquées du village font un concours de celui qui chantera le plus fort, impossible de ne pas les entendre de bon matin.
Courges à gogo
Le soleil est déjà chaud lorsque nous reprenons la route en montée évidemment… Les cuisses chauffent et en plus l’asphalte n’est vraiment pas roulant : un peu de goudron et beaucoup de cailloux, ça n’aide pas, mais bon on grimpe doucement jusqu’au village de Gaddesi. On décide de faire quelques courses pour notre pic-nic parce que d’après la carte il n’y a pas de village avant 35 km. On trouve le market facilement. Pas mal de va et vient devant la petite boutique. Deux hommes sont en train de faire de la saucisse dehors sur le trottoir, c’est encore la fête aujourd’hui et les gens amènent leur viande, ou bien à hacher, ou bien à transformer en saucisses. La région est productrice de raisin et de fruits, citrons, poires, etc ….on assiste au ballet des petits tracteurs et charrettes, chargés de caisses de raisins. C’est très artisanal, monsieur conduit le tracteur, madame est souvent assise sur la charrette. Ils déchargent les quelques caisses qui sont pesées et hop les revoilà partis. Le raisin ira à l’usine où il ressortira sous forme de jus bien sucré.
Nous sommes en train de siroter notre jus de fruits assis sur un muret en face de l’épicerie et d’observer un petit grand père qui essaye de mettre en marche un gros motoculteur avec une remorque dans laquelle sont assises une dame âgée et une jeune fille. Un homme plus jeune est en train de l’aider à démarrer son fichu engin quand enfin il fini par ronronner (le motoculteur), le grand père saute dessus en marche et les voilà partis en balade. L’homme plus jeune vient vers nous avec son épouse et nous salue en français, on commence à discuter du grand père et on apprend qu’il a 83 ans et qu’il est toujours actif dans ses champs et son jardin. Nous faisons la connaissance de Naim et Hassna qui nous invitent à venir prendre un thé avec eux. Il nous raconte sa vie en France, nous lui parlons de notre voyage, nous sommes bien chez eux assis à l’ombre de la treille. Ils font sécher ici le raisin sur les terrasses au soleil ainsi que les légumes, nous goutons au « miel de raisin », le Pekmez, un vrai délice (c’est du jus de raisin longuement cuit dans une marmite, ce qui le concentre et le rend très sucré). Nous repartons chargés de raisin frais et de raisin sec pour la route. Un bel intermède, c’est là que nous apprécions notre liberté, celle de pouvoir s’arrêter au gré des rencontres, ne pas regarder sa montre (que nous n’avons ni l’un ni l’autre d’ailleurs), prendre le temps de dire oui, nous apprécions ce qui nous est offert aussi simplement, échanges riches d’enseignements.
Nous voilà donc gavés de fruits et le résultat ne se fait pas attendre (ce n’est pas ce que vous croyez)….non pas d’arrêts intempestifs, bien au contraire, on continue notre petite grimpette pour atteindre le premier col de Rakim à Topuzdagi à 1 535 m avec vue sur le mont Erciyes enneigé (3 916 m).
Une vue sur la plaine de Kayseri, superbe, des champs d’arbres fruitiers et de vigne s’étendent devant nous, un peu de verdure enfin ! Une jolie descente en lacets. Quelques familles sont en pleine cueillette, on croise aussi des tracteurs chargés de grosses courges jaunes. Les champs sont couverts de ce qui ressemble à de gros ballons de rugby jaunes. On se demande s’ils ne sont pas cultivés pour leurs graines une fois séchées, ça nous parait invraisemblable d’en manger autant. N’empêche que c’est un sacré boulot de charger tout ces tas de courges lourdes dans les remorques parce que ce n’est pas mécanisé, tout à la main, peut être est ce pour cette raison que l’on dit « fort comme un turc » ?
Nous apprendrons plus tard que cette production est essentiellement destinée à Ankara, il faut bien nourrir toute cette population.
Chez mamie Serife
En parlant de nourrir on commence à avoir le ventre creux, mais les villages se font rares et le seul resto vu près d’une station service est fermé pour cause de Kurdan Bayram….on pousse à coup de fruits secs et de petits biscuits jusqu’à la ville de Yesilhisar où on trouve la mosquée (ça c’est pas bien compliqué vu la hauteur du minaret) et autour quelques petites épiceries ouvertes et une boulangerie, nous voilà sauvés de la faim à quatre heure de l’après midi.
On fait un repas super équilibré : Thon, mayonnaise, chips, tomates, le tout sur un pain délicieux tout chaud et arrosé du traditionnel thé qui nous arrive d’on ne sait où. Il faut dire que nous avons posé nos pénates sur la placette où sont déjà installés pas mal d’hommes et de jeunes gens, des chaises sont libres, on fait copain copain avec la population masculine (Irène se sent un peu seule des fois) ! Evidemment les jeunes sont les premiers à nous interroger à venir voir les vélos et de fil en aiguille, comme d’habitude, on fini par se sentir à l’aise. Quelques gamins essayent les vélos, ils sont contents, nous aussi, c’est pas bien compliqué en fait.
Au moment où nous devons partir, Mustapha, un jeune de 22 ans, nous propose de venir dormir chez sa grand mère. Après quelques hésitations car il est encore tôt, nous voici partis chez Serife qui habite une maison dans la rue d’à coté. La maison est fort ancienne, Serife aussi (83 ans) mais elle pétille de malice. Yasar le papa, Neslihan et Aslihan les deux soeurs nous rejoignent, ainsi que des voisins qui parlent français, ça discute ferme là dedans, on en apprend plus sur la vie en Turquie grâce notamment à Yasar qui est avocat et Mustapha qui termine ses études de droit et projette de devenir juge. Ils ont du mal à comprendre pourquoi la Turquie reste à la porte de l’Europe depuis des décennies et l’image de l’islam véhiculée par les médias français les surprend beaucoup, eux qui sont si ouverts et tolérants. La Turquie figure d’ailleurs parmi les pays les plus généreux en terme d’aide humanitaire, et accueille un nombre impressionnant de ressortissants d’autres pays sans même leur imposer de visa. Yasar souligne en souriant que, son pays étant en pleine progression, dans quelques années ce seront peut-être les européens qui devront demander un visa pour s’y rendre, ce qui serait un juste retour des choses…
Tout ce petit monde file en famille pour la fin de la fête, nous avons la maison pour nous seuls pour la nuit et retrouverons le lendemain matin Serife en train d’attendre sagement assise sur le pas de sa porte que nous nous réveillions.
Drôles d’oiseaux
Sur les conseils d’Aslihan, nous nous dirigeons vers la plaine de Devel, en direction de la réserve ornithologique de Sultansazligi. La traversée du village à l’entre du parc sera l’occasion pour Irène de faire une poussée d’Adrénaline lorsqu’un kangal commence à la courser, alors qu’il avait laissé passer Joël tranquille (pour mémoire, les kangals sont les chiens de troupeaux gros comme des veaux, avec un collier bardé de pointes, ce sont les chiens les plus puissants du monde). Ne cédant pas aux propositions d’un guide pour aller découvrir les oiseaux, nous y allons en vélo et en autonomie, ce qui n’est pas tout simple car le terrain ne s’y prête pas toujours : de longues et belles passerelles de bois sont parfois interrompues, ce n’est pas terminé, mais on arrive tout de même à un endroit où des flamants roses sont en pause, toutefois on les voit de loin. Quant aux 249 autres espèces d’oiseaux recensés ici, on n’en verra pas la couleur. Un peu frustrant, mais le site est beau et plat, alors ça va. Un beau serpent nous salue sur le retour (Nicole, ne regarde pas!).
Pommes, pommes, pommes
Afin de ne pas trop suivre la grosse route qui nous a conduit ici et que nous sommes sensés emprunter en sens inverse, nous optons pour un itinéraire plus direct mais plus incertain. En effet, l’asphalte laisse place à un chemin bien large mais moins confortable, puisqu’il est emprunté par quelques camions qui font une poussière pas possible. Néanmoins, c’est bien sympa d’être par là, on voit que les vergers d’Anatolie commencent là, il y a de nombreux cueilleurs et même des campements qui hébergent les travailleurs. La traversée d’un village où nous pourrions demander refuge ne nous inspire pas, ça respire la pauvreté et l’ambiance a l’air assez sombre, pas de bonjour, pas de sourires, on file plus loin. Sauf que plus loin, ça monte et il commence à se faire tard, on ne voit pas trop où on va aller poser notre tente. Mais vous connaissez le truc, il y a toujours une issue favorable à ce genre de situation, ça ne va pas manquer : Près du barrage de Kovali, il y a quelques locaux techniques et un gardien qui veille dessus, lequel accepte de nous ouvrir la grille, nous pouvons nous installer sur la pelouse (une pelouse ici, le luxe !) et même utiliser table et chaises qui se trouvent là sous un petit abri.
Le niveau d’eau dans la retenue est extrêmement bas, de l’ordre de 2 m, mais va remonter au printemps avec la fonte des neiges, ce qui lui permettra de continuer à irriguer cette vallée fertile. Heureusement, nous ne serons plus là car ça caille un max par ici.
Le lendemain, la route vers le village de Dündarli est bien agréable, nous avons bien fait de choisir cet itinéraire qui évite les grands axes. Toujours beaucoup de vergers, les gars qui nous proposent de prendre le thé, nous ne sommes plus surpris mais c’est toujours aussi sympa. Au village, nous ne passons pas inaperçus lorsque nous nous arrêtons pour acheter du pain. Outre les adultes qui se trouvent là, les enfants nous interpellent des fenêtres de leur école, puis arrivent en nombre, suivis par leur professeur. Après beaucoup de questions et même d’essais des vélos, nous nous quitterons sur un chant par les gamines (les garçons sont partis, on ne sait pas pourquoi) accompagnées par les adultes, auquel nous répondrons par une chanson bien française « Ne pleure pas Jeanette » (Heureusement qu’ils ne comprennent pas les paroles, car ce n’est pas follement gai).
Quitter le village n’est pas facile car c’est le début d’un col dont nous savons qu’il va être bien difficile, il fait chaud, mais ça va vite s’arranger aussi : Alors que les gamines nous ont rejoints et aidé à pousser les vélos après avoir cueilli des fleurs pour Irène, Joël lève le pouce quand un petit camion benne nous double.
C’est Memeth qui rentre après avoir vendu toutes ses mandarines, sa benne ne contient plus que des caisses vides. Vite fait, il arrange son chargement et les vélos sont hissés dans l’engin, ce qui nous va bien. Très désireux de nous aider, notre chauffeur nous conduit en haut du col puis commence à nous en faire redescendre de l’autre coté. Et là ça nous va beaucoup moins, puisqu’on aime bien pédaler, surtout dans les descentes, car la route est superbe, la circulation quasiment nulle par ici, et on a 200 km de descente devant nous. On aura beaucoup de mal à lui faire comprendre qu’on préfère le vélo au camion, qu’on aime pédaler, que ce n’est pas une corvée. Heureusement, au bout d’une quarantaine de kilomètres et alors qu’on désespère de pouvoir enfin remonter sur nos bicyclettes, ils s’arrête dans un petit restaurant où nous allons déjeuner de poissons aussi frais que délicieux. Au moment de repartir, nous comprenons qu’il comptait nous emmener jusque chez lui à Tarsus, au bord de la méditerranée, nous privant de ce magnifique itinéraire. Parfois, le désir de bien faire peut se heurter aux difficultés de communication, entrainant des malentendus embarrassants.
Le bivouac suivant sera un peu spécial, nous avons trouvé des maisons auprès desquelles nous installer à 5 km en amont du village de Findikili mais elles sont inhabitées. Pas grave, il y a des citernes d’eau à proximité et de la place près d’une pinède. Avantage, c’est tellement paumé qu’on peut faire un beau feu de pommes de pin, et comme nous sommes chargés de pommes qu’on ne cesse de nous offrir, Irène en profite pour faire une compote, miam ! Plus question de pelouse, c’est de la terre nue, pourvu qu’il ne pleuve pas sinon la tente va peser une tonne avec la boue collée dessus.
Comme souvent ces temps-ci, le réveil est un peu tardif. Ce n’est pas faute d’entendre le muezzin qui, pour une fois, chante remarquablement bien, mais on se rendort après. La côte pour arriver au village étant assez costaud (7 %), on y va tout doucement, ça laisse le temps d’apprécier le paysage et de dire bonjour aux gens. Justement, Erdogan est à pieds en train d’emmener des branches qu’il vient de couper, la conversation s’engage et c’est le début d’une prise d’otages : Nous voici attablés autour d’un thé en compagnie de son épouse Asu, puis embarqués dans leur voiture pour aller on ne sait où. Un bref arrêt à la ville la plus proche, Pozanti, où ils achètent une écharpe en soie pour l’offrir à Joël, puis c’est reparti pour aller découvrir la jolie petite vallée de la rivière Cakit longée par la voie de chemin de fer.
C’est romantique à souhait, puisque c’est l’endroit où Erdogan et Assu aiment à se retrouver, d’ailleurs on verra un arbre où il a gravé leurs noms et un coeur, ainsi qu’une inscription peinte sur un mur. La voie de chemin de fer est surveillée par des gardes postés tous les kilomètres environ, ce qui ne manque pas de nous surprendre. D’autant que leurs conditions de travail sont plutôt spartiates : un vague abri fait de piquets et de toile, l’incontournable théière, et c’est tout. On se demande comment ils font quand il fait froid, car ici les températures peuvent être très basses, et lorsqu’il pleut longtemps car leur abri est précaire. Ceci à cause de vols de câbles électriques qui se sont produits il y a quelques mois, interrompant la signalisation et donc le trafic.
Erdogan est un ancien instituteur, arbitre de foot, randonneur en montagne et collectionneur de vidéos ; ces deux là forment un couple très attachant et d’une générosité incroyable. Ils ne voudront jamais qu’on paie le repas de lahmacun lors du passage retour à Pozanti, merci infiniment pour votre gentillesse. Nous repartons avec un superbe drapeau turc, un foulard pour Irène et le sourire jusqu’aux oreilles.
Cette excursion nous a incités à prendre une décision qui sera importante : Au lieu de descendre vers le sud par la vallée qu’empruntent à la fois l’autoroute et la route nationale, nous allons passer par la vallée de la Cakit. Certes, sur la carte on voit que c’est indiqué comme un chemin et non comme une route, mais Erdogan nous a montré des photos prises par un type qui est passé par là en moto, ça a l’air carrossable et c’est magnifique, alors le choix est fait.
Mais pour le moment il faut penser à aller se trouver un endroit pour dormir, heureusement que la route descend, on n’en a à priori pas pour longtemps. En fait, nous arriverons jusqu’à la Posanti en espérant naïvement trouver une pension, mais c’est une ville de passage et il n’y a guère que deux hôtels dont l’un est complet (quand on voit l’état de l’hôtel, on se demande comment ils font) et l’autre idéalement situé entre une autoroute, une route nationale et la voie de chemin de fer. Faute de mieux, c’est là que nous arrivons pour un séjour qui va se prolonger plus que nous ne l’aurions souhaité. L’établissement a dû être d’un très bon niveau il y a une trentaine d’années, depuis ça s’est bien dégradé… Le réceptionniste consent une ristourne et ne va ensuite cesser de nous surprendre. Par exemple,il prend sa voiture et revient avec deux repas pour nous, alors qu’on ne s’y attendait évidemment pas. Une autre fois, il ne veut pas que nous allions en ville à pieds (c’est à seulement 1 km) et nous emmène dans sa voiture, nous accompagne dans un restau et nous ramène. Il nous priera également de venir prendre le petit déj. avec deux autres clients ou amis, on ne sait pas trop.
On va passer pratiquement une nuit blanche, les moustiques ont décidé de nous mener la nuit dure, au moment où on croit avoir eu LE moustique et qu’on va pouvoir plonger dans les bras de Morphée, en voilà un autre qui passe à l’attaque et nous mitraille, alors on saute sur le lit armés des serviettes de toilettes pour estourbir ces foutues bestioles qui se reproduisent aussi vite qu’on en tue un, pourtant la fenêtre est fermée, c’est fou ce qu’un minuscule insecte peut vous pourrir la vie en venant bizzzzzer à nos oreilles avant de vous infliger une profonde et durable piqûre qui va nous démanger encore et encore… On a beau se planquer sous les draps, il y a toujours un petit morceau de peau visible par ces monstrueux insectes et ils vont se jeter dessus… Noé avait vraiment embarqué celui là sur son arche ?
Et pour tout arranger, les trains passent tout près en faisant un boucan pas possible.
Au matin c’est dire la tête qu’on a….. On demande au réceptionniste si on peut rester un peu plus longtemps de la chambre, le temps pour nous de profiter d’une connexion et de se reposer avant de reprendre la route, mais voilà ti pas que la météo s’en mêle, les nuages noirs se profilent sur les collines et les trombes d’eau s’abattent en un bruit d’enfer sur le toit de « l’otel ». Mince alors… Pas envie de se faire doucher gratis alors qu’on n’est pas vraiment frais… On patiente bien occupés par la mise à jour du blog et le classement des photos, mais le temps ne s’arrange pas, alors va pour une seconde nuit dans notre « otel » merveilleux et même une troisième ! Vu que, pour la première fois, nous avons reconnu en voiture le début de la route que nous allons suivre et que c’était vraiment charmant, nous ne voulons pas gâcher ce plaisir à venir en partant un jour de pluie.
On fait connaissance un peu plus de notre réceptionniste qui s’appelle Aydin et qui va se montrer très dévoué et aux petits soins pour nous. On lui apporte un peu d’exotisme au bord de cette 4 voies.
Dimanche matin, il pleut toujours. Nous n’allons tout de même pas restés encore enfermés toute la journée dans cet hôtel, il faut qu’on bouge, tant pis. Les cieux ont dû nous entendre car des lambeaux de ciel bleu apparaissent, la pluie cesse, on fait les bagages et on file. Nous n’irons pas bien loin, mais la météo n’y est pour rien, comme on va le voir.
Comme prévu, la vallée de la Cakit est enchanteresse, la voie de chemin de fer à droite, la rivière à gauche, petite route sinueuse encaissée entre les montagnes du Taurus, c’est superbe. C’est bien la première fois que nous parcourons un trajet après en avoir fait une reconnaissance en voiture, et cela ne fait que nous montrer à quel point c’est mieux en vélo et surtout en vélo couché ; la position est idéale pour admirer le panorama, les sommets qui nous entourent, les reliefs changeants à chaque virage. Comme on avance doucement, on a tout le loisir de regarder, de sentir les effluves des pinèdes, de ressentir les différences de température lorsqu’on passe de l’ombre au soleil, d’entendre les gazouillis d’oiseaux et les tintements des cloches des troupeaux. Un régal.
Un arrêt devant la petite gare de Belemedik, ou l’on rencontre Ali qui nous indique que le prochain train passera dans 15 mn, alors on va l’attendre. Cette gare est curieuse, car elle dessert un hameau où il n’y a que quelques dizaines d’habitants. Elle est cependant indispensable, car la voie étant unique, c’est un des lieux où les trains peuvent se croiser. Mais c’est aussi le seul moyen qu’ont les gens d’ici pour aller à Pozanti, car la petite route est impraticable l’hiver lorsque la rivière déborde.
Contrairement à ce qu’on aurait pu croire, la ligne de chemin de fer supporte un trafic non négligeable, une quarantaine de trains par jour, que l’on entend arriver de fort loin car les locomotives diesel datent des années 50 et sont extrêmement bruyantes. Cette ligne qui fait partie d’un axe devant relier Berlin à Bagdad a été construite dans les années 20 par des allemands, les conditions de travail étaient très dures, la mortalité importante. Nous avons encore recueilli des tas d’informations sur ce sujet, mais on ne vas pas vous assommer avec ça.
Certains d’entre vous se demandent peut-être comment nous avons appris tout ça, eh bien c’est grâce à Ali qui, son service terminé à 14h (il commence à 6h), nous a invité à boire un café turc chez lui. Vu qu’il habite à 30 m de la gare, et que c’était si gentiment proposé, nous voici vite installés au salon où nous faisons connaissance de toute la famille puis des voisins. Et, de fil en aiguille, on se retrouve attablés dehors pour partager le repas, en toute simplicité et préparé par sa femme Sonay et la soeur de celle ci. Ces moments sont agréables, on se laisse faire, on entre vite en complicité, c’est naturel et spontané.
C’est d’ailleurs chez un héros que nous sommes accueilli, Ali a eu l’occasion d’éviter une catastrophe ferroviaire à cause d’un train fou qui allait heurter de front un train de voyageurs ; les machinistes étaient tous descendus boire un thé quand leur locomotive a commencé à avancer, ils ont donné l’alarme et sauté dans une voiture pour essayer de rattraper le convoi, mais en vain. Ali, lui, a sauté sur sa moto et est allé dévier le train fou qui a déraillé et ainsi laissé la voie aux 300 voyageurs qui arrivaient en face et ne se doutaient de rien.
Nous n’allons pas pédaler beaucoup aujourd’hui car en fait on passe le reste de la journée à discuter et comme la nuit tombe vers 17h30 on décide de faire 1 km et d’aller piquer la tente au vieux village un peu plus loin. au moment de quitter nos hôtes nous voilà abordés par 3 journalistes, sortis d’on ne sait où, on est en pleine campagne dans un coin perdu, ce sont des journalistes d’une chaine de télévision régionale (on n’a pas retenu le nom, mais on attend le lien promis de la diffusion).
On se prête volontiers à leur interview, Ali fait l’interprète en Turc, on passe du Français à l’anglais aux peu de vocabulaire turc que nous maitrisons et on passe encore un bon moment, les rencontres sont vraiment incroyables et surprenantes parfois. Merci au couple Ali et Sonay et leurs voisins charmants pour ces moments d’amitié et de partage, que du bonheur.
Ali va même jusqu’à nous accompagner au vieux village pour s’assurer que nous pouvons planter la tente sans problème. Il y a quelques habitants qui vivent là, les lumières des habitations sont allumées, seule une multitude de chats viendra nous dire bonsoir.
Demain, une aventure exceptionnelle nous attend, vous ne savez pas encore dans quoi on va se fourrer mais ça va laisser des traces. On vous racontera ça bientôt !
après avoir lu et apprécié ce beau récit je vais me coucher et rêver en pédalant à vos côtés, une illusion comme une autre de participer à votre escapade…..!!! BIBISE.
Magnifique !
on attend la suite avec impatience !
Je lisais votre blog devant mon café ce matin, comme d’autres le font avec des journaux….mais vos récits sont plus gais.
Belle suite …
Les filles de St Gin
Encore un p’tit moment d’évasion avec vous !
Le souvenir du jour qui se couche a 16h30 au Portugal.
On était vite dans les duvets aussi. C’était il y a déjà un an pour nous ! Ça passe trop vite.
Profitez bien de l’accueil merveilleux.
Bisous
Super le récit! Je le lis dans le train et c’est mieux qu’un roman ! Les photos sont magnifiques et tous ces gens accueillants nous donnent des leçons d’hospitalité !! Perso j’ai adoré mes voyages en Turquie! Bien que seule je ne me suis jamais sentie en danger!! J’attends la suite de votre récit avec impatience!!! Amitie
Belle aventure que vous vivez , que de belles rencontres, a par le chien , quel horreur , j’aurais été morte de toute façon je pourrais pas c’est vraiment ma phobie !!!! je prefere encore un serpent il va pas te coursé lui !!!!!! Avec les mots de la fin , j’attends avec impatience la suite …. Bisous Lili
Coucou les amis!
Bel article et que de rencontres!! Pour les moustiques, un bricolage de la moustiquaire de la tente sur le lit fonctionne très bien!! 😉
On attend la suite avec impatience!!
grosses bises!!
Les tortues dans leur carapace! 🙂
Bonsoir vous !
Je pense à vous il doit faire nuit à cette heure, là-bas… et bien chez vous, chez nous (proximité de Rennes) aussi il fait nuit.
Nous n’avons pas encore rallumé le chauffage.
Les journées sont magnifiques lorsque le soleil est là, on se croirait en été.
Aujourd’hui vu l’humidité ambiante, début de soirée au coin d’un petit feu de cheminée en vous lisant.
J’ai l’impression d’être à coté de vous.
J’aimerais bien !
Et que de talents : photos magnifiques, des récits savoureux et une prose parfaite et fluide … et des cyclo-sportifs-voyageurs-explorateurs-gratteurs (vive les moustiques !).
Merci merci merci
Prenez soin de vous
On vous aime : Nanou et Fred
20h pile poil !
bizh
Bonsoir
Je suis toujours émerveillé par la spontanéité des rencontres et l’accueil chaleureux ..certainement possible grâce à votre naturel ..et aussi à votre moyen de locomotion à vélo…et en couple qui inspire la confiance…et Le Sud de la Turquie !!Bon Vent Bernard F6BCC
salut les bretons nomades!
nous profitons chez nous aussi des dernieres clémences du soleil pour aller bronzer à la plage!!
ce matin je voyage en votre compagnie dès potron minet et vos photos et récits m’enchantent. Les couleurs sont magnifiques et je sens l’odeur des pommes et des pins!!! Le suspens est terrible et j’attends avec impatience la suite de vos péripéties!!
Vos rencontres sont toujours aussi belles et je recommande votre blog à tous les pessimistes claquemurés devant leur écran TV à croire que le monde est hostile! Sortez, allez à la rencontre des autres, vous ne serez jamais déçus!
bon vent
Cathy forme
PS: je me fais attaquer aussi par un moustique hostile qui n’a pas fait ripaille cette nuit!!!
Coucou d’Himarë en Albanie.
On a bien ri en lisant votre article (on est nostalgique de la Turquie, il est temps que l’on revienne !). Surtout pour les deux points suivants :
– Kurdan Bayrami veut littéralement dire « fête des cure-dents » ! On les imagine déjà manger le mouton avec ces petits bouts de bois en plein Kurban Bayrami 😉
– Il y a un tas de cols en Turquie qui s’appellent « Rakim », tous en fait … cela veut dire en fait « col » !
Merci en tout cas pour votre article et pour le bien que vous faites à la Turquie en la visitant de l’intérieur, rien à voir avec ce que les médias racontent ou l’image qu’a la communauté turque en France (la minorité la moins bien adaptée en France d’après leurs propres dires)
Les grenouilles en vadrouille
Nicolas et Gökben
Toujours d’aussi belles rencontres. Vous émerveillez tout le monde avec vos engins. C’est bien de leur
faire essayer .Les enfants auront de beaux souvenirs.
Gosses bises et à très bientôt de vous lire.
CC les cyclos, cela fait un bout de temps que je n’ai pas laissé de comments mais, je suis toujours et, avec intérêt cette sacrée aventure!
Le monde est beau surtout hors des sentiers battus et de tout ce que l’on nous montre de façon « asseptisée, les gens sont « beaux », qu’est-ce qu’ils sont acceuillants,
je vous envie pour toutes ces rencontres! Super la photo des écolières qui aident Irène a pousser son byke… Elles ne voient pas cela tous les jours!
Vos récits feront un magnifique bookin dont on a le privilège d’être les premiers lecteurs! Et, en plus, comme dans les livres d’aventures, il y a du suspens, trop fort! MERCI
FANFAN