
Des pêcheurs au grand coeur, des canadiens débrouillards, un réparateur de parapluies, des musiciens attachants, un prof d’histoire recyclé, on en rencontre du monde le long de la route. Et quand en plus les paysages sont variés aussi, le voyage est un plaisir sans cesse renouvelé.
On démarre tôt, Pilon (Elle est pas mal celle-là, non ?) ne mérite pas plus d’une journée et on a pas mal de route à faire. Les habitants sont déjà regroupés aux intersections pour avoir un transport. La montagne est belle au soleil levant qui illumine ses sommets ; la mer à notre gauche l’est tout autant. Nous entamons allègrement notre montée dans un paysage préservé. Bon sang, on sue sang et eau, c’est bien vrai que cette partie de Cuba se mérite, mais finalement on en vient à bout, ça ne fait pas si mal que ça !
Alegria est le permier village qui nous voit arriver tout dégoulinants. On vient de laisser la mer des Caraïbes derrière nous, snif… C’est au dessus de ce village que Fidel Castro trouva refuge avec ses compagnons le 18 décembre 1956 dans cette province de Granma.
Nous retrouvons, petit à petit en redescendant, les champs de canne à sucre et les bananiers. Les maisons des hameaux de cette région sont bâties en bois, même si le béton a fait son apparition suite aux dégâts des ouragans. Nous avons le temps de savourer le spectacle du linge qui sèche sur les fils tendus et soulevés par des perches. Il y a bien longtemps, quand nous étions enfants, nous aussi on poussait sur les perches pour élever le fil à linge chargé.
Nous traversons la petite ville de Sevilla Ariba sous le regard étonné des ses habitants ; c’est sans doute la première fois quils voient passer des vélos couchés.
Blanca Rosa est calme, c’est dimanche, les enfants jouent devant les maisons, les femmes sont assises sur le pas de la porte, les anciens dans leur rocking chair et les chiens affalés au soleil ne nous poursuivent pas.
A La Junta, le village est entouré de cannes à sucre, c’est assez oppressant tout comme peuvent l’être les cultures de maïs dans les pays européens : l’horizon se retrouve bouché, limité, seule la route nous laisse espérer sortir de ces labyrinthes. Fort heureusement quelques cultures vivrières font leur apparition.
Au croisement qui mène à Niquero nous hésitons (dix secondes) à faire un aller retour de 200 bornes pour aller voir le monument à la mémoire des rebelles qui se sont faire surprendre par l’armée de Batista. Ce monument est dressé dans un champ de canne à sucre ! On va se contenter de faire une petite vidéo qui va bien étonner les gens qui attendent là, puis prendre la direction plein ouest.
Finalement, on arrive à Media Luna, il y a une plage à deux kilomètres, dans le golfe de Guacanayabo. En face de nous se sont les côtes de la province de Las Tunas. Les eaux sont calmes, contrairement à la côte sud.
Les pêcheurs au grand coeur
Une grande et belle plage déserte, c’est trop tentant pour ne pas s’y arrêter, surtout qu’il fait bien chaud et que l’ombre des arbres n’attend que nous. Il y a une espèce de centre de vacances avec des stands, des tables et des abris, mais tout est fermé car ce n’est utilisé qu’en été par les Cubains, on a donc l’espace pour nous seuls.
Ou presque, parce que quelques pêcheurs sont au boulot. Certains n’ont qu’un masque, un tuba et un harpon, d’autres ont une barque et un filet. C’est en les observant et en discutant avec leurs amis sur la plage qu’on en apprend un peu plus sur leurs pratiques. Ils en ont, de la patience, les gars : Mettre en place le filet prend beaucoup de temps, puis l’un d’entre eux prend son harpon, ses palmes et son masque, et s’en va attraper les poissons piégés dans la nasse. Ils rentrent avec de beaux spécimens qui sont rapidement vendus.
Finalement, on se retrouve chez Aleida, la soeur d’Abel. La maison est modeste, comme toutes celles du village,
Abel et Wilfredo son chef et néanmoins ami s’occupent de l’entretien des routes ; quand on leur fait remarquer dans quel état elles sont, ils éclatent de rire et expliquent qu’il n’y a pas d’argent et que quand des machines arrivent pour refaire le goudron, elles tombent en panne et il n’y a rien pour les réparer. Gilberto cuisine le poisson, un délicieux pargo (vivaneau rouge) dont la chair blanche est très tendre. C’est Deisy qui va se charger de le faire cuire ainsi que les tranches de bananes vertes.
Nous allons partager avec ces cubains un joyeux moment tout simple (ron et bière sont de la partie) installés dans la cour avec les cousins et les poules qui viennent chercher les miettes. A l’issue de ce beau moment de convivialité, on trouve refuge sous les paillotes près de la plage pour la nuit. Abel nous suggère de mettre nos vélos sous la tente à cause des risques de vol (?). Les gardiens de l’hôtel d’à coté sont mis au courant de notre présence, on peut dormir tranquilles. Au son de l’inévitable « musique » reggaeton…
Au petit matin, nous avalons le peu que nous avons en fond de sacoche, deux pains achetés il y a deux jours avec un peu de miel puis quittons les lieux où rien de fâcheux ne s’est produit pendant la nuit, évidemment.
Les anciens sont mis à contribution physiquement dans ce pays. Nous allons rencontrer des hommes d’un certain âge pour ne pas dire d’un âge certain qui coupent l’herbe au bord des routes à la machette, travail exténuant sous le soleil. L’un d’eux explique qu’ils travaillent cinq heures par jour uniquement le matin, après il fait trop chaud.
Une pause à Cerba Hueca près de la raffinerie de sucre, une des rares encore en service. On la voit de loin avec son panache de fumée qui sort de son immense cheminée. Le ballet des camions qui arrivent chargés de canne à sucre crée de l’animation à l’entrée du bourg . Des producteurs de fruits et légumes tiennent leurs stands à proximité. Un lieu de passage incontournable pour les habitants du village.
La route est aujourd’hui assez difficile, non pas à cause de son relief mais plus par l’état de son revêtement couplé avec la chaleur et le peu d’ombre. De plus, Irène a un point de sciatique qui l’épuise depuis hier, elle ça devient pénible. Nous sommes bien contents d’arriver à Manzanillo où nous allons nous poser deux nuits. Nous trouvons une chambre chez Adrian et Tania avec une terrasse qui domine la ville. Un peu de repos en espérant que cette sciatique se calme au plus vite.
Manzanillo
Cette ville de 131 000 habitants est située au bord de la mer où son port de pêche a connu les assauts des pirates et la contrebande des trafiquants de tous poils. La proximité avec la Sierra Maestra ayant fait de la ville un important centre de ravitaillement en armes et en hommes dans les années cinquante pour les révolutionnaires cachés dans les montagnes.
Elle est connue pour ses orgues de barbarie importées de France au début du vingtième siècle, pourtant nous n’en verrons aucun.
Notre casa surplombe un bel escalier en carreaux de terre cuite aux murs ornés de fresques à la mémoire de Célia Sanchez. Fresques représentant principalement des oiseaux et des fleurs, dans lesquelles elle cachait les messages destinés aux révolutionnaires quand elle était « estafette ».
Manzanillo nous charme par son architecture andalouse notamment la jolie glorieta (kiosque) au centre de la grande place qui reproduit le patio de Los Leones de l’Alhambra à Grenade. Cette place a beaucoup de charme.
Bien sûr, comme dans beaucoup d’autres villes de Cuba, sitôt que nous quittons le centre ville pour les ruelles avoisinantes nous découvrons hélas des bâtiments qui eux ne sont pas rénovés et sont restés en l’état depuis la révolution, achevant de s’effondrer pour certains. Les piètres conditions de logement des habitants nous surprennent toujours.
Les magasins sont plus ou moins bien achalandés, offrant des rayonnages entiers du même produit. Dans les magasins d’État on trouve toujours aussi peu de produits disponibles, ça se résume au savon (un pour le linge, un pour la toilette, non emballés), du rhum, du riz, haricots secs ou farine. Si la viande a été livrée, elle est posée elle aussi sur une étagère et vendue au poids en tranchant dans le morceau sans aucun sens de la découpe à mains nues et pesée à même la balance ou dans le sac plastique que l’acheteuse a pensé à apporter.
Il existe au moins un « réparateur de parapluies » à Cuba nous l’avons rencontré. Patiemment il redresse les baleines qui se sont déformées sous les assauts du vent et les remet en place ; un travail de patience et de précision qui lui prend beaucoup de temps mais ne lui rapporte pas beaucoup d’argent, vu que celles et ceux qui les lui apportent ne sont pas bien riches puisqu’ils n’ont pas les moyens de s’acheter un nouveau parapluie. On le fait rire en remarquant que la pluie et le vent sont ses amis.
Le bar à ron (rhum) est bien fréquenté, nous allons y jeter un oeil et nous nous retrouvons adoptés par une bande de joyeux gaillards qui veulent absolument nous en faire goûter, et pas question de payer. Un sacré tord-boyaux, leur rhum, et pourtant qu’est-ce qu’ils s’en enfilent !
En face de la surprenante « City Bank of New York », un beau bâtiment qui date de 1913, nous allons rencontrer Roberto, un artiste peintre talentueux qui nous fait découvrir un atelier de jeunes artistes dans un immeuble en cours de réhabilitation. Nous étions en train d’y admirer les échafaudages en bois sur la façade qui sont loin de nos normes de sécurités français. L’atelier des jeunes peintres situé au premier étage est tout aussi « dangereux » avec sont plancher à trous et son manque de protection sur le vide. Roberto va nous guider vers une autre galerie (la résidence d’artistes) où exposent les artistes de la région. Là nous allons y découvrir tout son talent. Il a pu exposer dans plusieurs grandes villes du pays, son rêve serait d’exposer à l’étranger….pas facile….
Bien que la ville de Manzanillo soit la plus chaude du pays, nous avons essuyé hier soir une pluie qui a bien rincé les rues. Ce matin le temps est couvert et frais si on le compare aux jours précédents. Nous allons mettre du temps à quitter la ville, sur dix kilomètres nous allons suivre ou croiser des tas de vélos, transports collectifs, tracteurs, chevaux et carrioles. C’est la première fois que nous voyons une piste cyclable des deux cotés de la route. Elle n’est pas continue mais elle a au moins le mérite d’exister, même s’il faut slalomer et faire attention aux trous mais de toute façon ce n’est pas mieux sur la route.
Il y a beaucoup d’engins de chantier dans cette région. Pour la pose d’une ligne électrique le long de la route, tous les arbres ont été abattus alors que de l’autre coté de la route il n’y en avait aucun ; logique cubaine… Il y a des rizières à perte de vue, qui alternent avec les cultures de manioc ou de salades. Au loin les sommets sombres de la sierra Maestra se dessinent sous un ciel chargé. Les paysans labourent à l’aide des boeufs, voyager à Cuba c’est aussi voyager dans le temps.
Les maisons à la campagne restent ce qu’elles sont souvent à Cuba : en bois et couvertes de feuilles de palmiers ou de bananiers séchées. Volailles et cochons omniprésents, une valeur sure. Sur la route 6.4 nous traversons un tas de petits villages : La Novillas, Cayo Redondo, Nara, Veguitas, Barranca, et c’est affamés que nous arrivons à Bayamo. Les sandwichs que notre hôte nous a préparé ce matin sont au pain dur, on a les crocs !
Bayamo
Bayamo aux rues étroites en centre ville, on y trouve des voitures en stationnement, incroyable, nous en voyons si peu !
Comme d’habitude, la première chose à faire est de recherche une casa pour la nuit ; la première a des escaliers si pentus et étroits qu’on renonce, y monter les sacoches encore ça va, mais les vélos pas question ! La proprio nous en suggère une seconde, la dame nous reçoit sur le pas de sa porte qui se referme sur elle, la clé est restée à l’intérieur, elle râle (la dame) la voilà dehors et nous aussi ! Bon allons voir ailleurs, nous décidons cette fois de choisir nous même notre casa sans l’aide de personne, mais c’est mal connaitre les propriétaires qui s’acharnent sur les touristes dès qu’ils en aperçoivent un. Un homme à vélo va nous suivre en nous proposant la sienne, on lui dit que nous allons d’abord en voir une et qu’ensuite on verra la sienne. Il va râler après notre hôte, lui disant qu’il nous avait vu le premier etc… Irène intervient en lui précisant bien que nous sommes libres de choisir de dormir où nous voulons et que nous ne sommes pas liés avec lui. Mais le mot « liberté » n’a pas vraiment de sens dans ce pays.
La casa de la Trova est un piège à touristes, bien que le guide la donne pour être la meilleure de Cuba. Avec des représentations musicales « sur mesure » pour la clientèle qui loge dans l’hôtel à deux pas de là, nous sommes déçus.
La ville a de beaux bâtiments notamment sur la place de la révolution où les hôtels particuliers sont superbement restaurés et abritent administrations, centre culturel, ou hôtel. Un musée dans la maison natale de Carlos Manuel Cespedes, le premier président élu de Cuba près le l’hôtel Royalton.
Bayamo est la ville du cheval par excellence, on y croise des tas de calèches tirées par les chevaux. Il y a une fabrique de calèches en bois (la dernière du pays) que nous avons bien du mal à dégoter à deux kilomètres de la gare, hélas nous n’en verrons que des miniatures, il n’y en a pas en construction actuellement, il faut dire que le prix d’une calèche est dissuasif (entre 8 000 et 10 000 pesos) et il faut compter environ 3 mois de construction.
Nous allons manger un morceau dans un petit resto conseillé par notre hôte, on se méfie un peu des recommandations en général, mais là c’est vraiment un plaisir de passer à table. Enfin de la cuisine digne de ce nom. Nous n’avons guère eu l’occasion de manger « cuisiné » jusqu’ici. Un bon morceau de cochon (le roi du pays !) cuit dans son jus avec des patates et du manioc, on se régale. Quand arrivent deux couples de français qui ont l’air d’hésiter, on leur dit que c’est bon, ils ne nous répondent pas et nous jettent à peine un regard. Ils vont s’installer à la table à côté de la notre sans nous adresser la parole. On laisse tomber, quels cons, on sent le cochon ou quoi ? On va comprendre plus tard que nous n’avons pas les mêmes « valeurs » en les voyant entrer au Royalton où le prix plancher d’une chambre est de 150 $.
Visite du musée de cire dans la rue piétonne Calle General Garcia. Bien plus modeste que le musée Grévin de Paris ou de Mme Thusaud à Londres. Celui ci est consacré principalement aux artistes musiciens cubains et à quelques sportifs. Heminguay y a sa place, évidemment. Mais franchement les personnages ressemblent vraiment à des morts vivants tellement la cire est vilaine. Les employées de ce musée pourraient être elles aussi en cire, tellement elles sont figées sur leurs chaises.
Le record d’inefficacité du jour résidera dans la confection d’une pizza où il nous aura fallu attendre une heure entre le moment où nous avons commandé et celui où nous l’avons eue en main ! Les cubains eux sont habitués aux longues « colas » et personne ne songerait à râler devant l’inertie du personnel.
Tout comme ces femmes en grande majorité qui font la queue devant la boulangerie si bien nommée « le palais du pain » quand on discute avec elles, c’est tous les jours comme ça ; plusieurs fois par jour quand le pain est cuit se forme une queue jusqu’à ce que la boutique ouvre et referme ses portes quand il n’y a plus rien à acheter en attendant la prochaine fournée.
On repasse à la Casa de la Trova des fois qu’il y aurait de la musique. Une jeune femme nous prend en main alors que nous allions faire demi tour puisqu’il n’y a personne. Le même groupe qu’hier se met en place rien que pour nous. La jeune femme nous présente l’histoire de chaque morceau dont celle de la « Bayomica », le pendant de Roméo et Juliette. Ils vont jouer trois morceaux et passer la casquette, c’est vraiment le show à touristes, on espérait autre chose.
Heureusement, nous allons rester dans une autre salle en sortant pour terminer notre boisson en écoutant un groupe informel d’amis musiciens qui sont en train de répéter leur répertoire, et là on y trouve ce que nous venions chercher dans cette trova, de l’authenticité tout simplement, de l’amitié, de belles mélodies, pas uniquement les airs connus de Guantanamera ou Commandante… Des mélodies envoutantes jouées et chantées avec une émotion sincère. On reste avec eux jusqu’à ce que les portes ferment pour tous.
Un dernier petit tour en ville avant de nous rendre à la gare routière. Ce sera pour découvrir les oeuvres des enfants sur un héros national :José Marti
Nous allons maintenant quitter la ville en bus pour nous avancer jusqu’à Trinidad, dans la province de Santi Spíritus. On l’aurait bien fait à vélos, mais il nous faudrait alors plus des deux mois auxquels nous avons droit. Le chauffeur du car râle car ses soutes sont déjà relativement pleines, et il doit garder de la place pour les futurs voyageurs ; à deux ils arrivent à caser les vélos, ça ressemble à un Tétris, ils n’ont jamais été emboités comme ça.
Trinidad
Neuf heures et demi de car plus tard, arrivée dans cette nouvelle ville, la première difficulté est d’arriver à sortir nos biclous de la soute, vu qu’ils y ont été enfermés à l’aide d’un chausse pied.
La seconde difficulté est d’arriver à déambuler dans les rues pavées de Trinidad, sachant qu’en fait de pavés ce sont plutôt des galets, on se tord les chevilles en tous sens (les talons hauts sont à proscrire, ça tombe bien on est en sandales).
La troisième difficulté est d’ordre psychologique, la ville est prise d’assaut par les touristes, ça nous fait tout drôle, nous ne sommes plus les seuls à voyager (bien que nous ne croisions aucun autre cyclo-voyageur).
Nous suivons (de notre plein gré) une dame qui propose une chambre chez elle. Elle nous annonce 30 $, quand on voit la chambre on se dit qu’on va aller voir ailleurs mais la petite maligne va baisser à 25$ alors on accepte, un touriste c’est précieux surtout que pour venir jusque chez elle il faut être motivé !
Nous allons assister à un défilé des écoles de la ville un peu dans le style de celui que nous avions vu au Mexique. Mais là en beaucoup moins festif, sous une chaleur écrasante, les enfants sont sans aucun doute habitués à de telles températures, nous, nous cherchons l’ombre. Nous allons vite rejoindre notre casa pour une bonne douche et un sommeil réparateur parce que le bus ça n’est pas vraiment tip top pour roupiller !
C’est toujours agréable d’observer les gens dans la rue, il suffit de laisser trainer son regard pour saisir des scènes plus ou moins fugitives. Les vieille américaines tienne toujours le coup, tout comme celle de la Havane, elles sont bichonnées et rutilantes….(mais non les voitures !)
Trinidad est une ville classée UNESCO depuis 1988 toute proche de la mer des caraïbes. Si elle fut une ville prospère grâce au commerce des esclaves et de la canne à sucre, elle vit aujourd’hui grâce au tourisme et ça se voit au nombre de restaurants, de boutiques et de vieilles villas transformées aujourd’hui en hôtels.
Elle n’a rien perdu de son charme colonial. Les rues pavées et les maisons aux couleurs pastel contribuent à donner l’impression que le temps s’est arrêté depuis l’époque des colons, qui devaient être très riches, comme en témoignent les belles demeures préservées.
« Une grande période d’isolement, de 1850 à 1950, permit de préserver l’architecture de la ville, de sorte qu’elle a conservé son aspect d’autrefois. Le centre historique a récemment fait l’objet d’une restauration soigneuse dans les moindres détails, ce qui en fait la ville coloniale la mieux conservée de l’île. »
C’est assez effarant de constater la différence de traitement des autres quartiers par rapport au centro historico. Les ruelles qui passent entre les habitations vétustes ressemblent plus à des chemins de chèvres qu’à des ruelles, les eaux usées s’y écoulent, les maisons ressemblent à des cabanes et les gens y vivent.
Les habitants de la périphérie se contentant des miettes alors que les touristes se ruent dans les restaurants, les musées et sur les belles plages. Nous sommes très souvent sollicités également ici : du savon, du shampooing, ton T-shirt, un Cuc ($). Des gamins se sont tout de suite précipités sur Irène pour avoir des « chicklets » chiwgum, à défaut tous crient « oune couke »…et cette dernière ne se laisse pas attendrir pour une fois. Nous ne donnons pas d’argent aux enfants estimant que ce n’est pas un service à rendre. Et par principe nous ne donnons pas à ceux qui réclament.
Des jeunes jouent au base ball (c’est le sport national) sur un terrain vague qui a dû être herbeux à une époque lointaine. A proximité, des footeux avec un ballon qui fait un bruit étrange à chaque coup de pied, forcément il est à moitié mort.
Le marchand vendeur de pain crie « El pane ! », tout le monde sort de sa maison et vient chercher son pain distribué à dos d’homme dans une caisse en carton. Simple et efficace.
Par un hasardeux hasard, nous rencontrons Pierre, un ami d’enfance de Simon (le fils d’Irène) Chloé et le petit Joseph ainsi que la maman de Chloé, et partageons un repas ensemble. Ce fut un réel plaisir de retrouver ce jeune acignolais qu’Irène n’aurait certes pas reconnu….15 ans plus tard ! La bretagne est venue jusqu’à nous, c’était bien, c’était chouette.
Tabernacle !
Une fois quittés les pavés de la ville, la route ne présente pas de difficulté, longeant au plus près la mer. Des petites criques adorables, des pêcheurs qui lancent leurs filets. A kilomètre 25 un campismo, il est bien trop tôt et la musique braille à fond, ça ne donne pas envie d’aller y camper. Plus loin un camp pour les enfants, on a passé l’âge.
A un bar de route où on s’arrête pour un casse-croute, nous voyons arriver deux voyageurs à vélos, des vrais, avec sacoches et tout.
Maryse et Dany, 41 et 46 ans, canadiens qui parlent français, pédalent durant cinq mois à Cuba (les canadiens peuvent rester six mois à Cuba, nous seulement deux, c’est pas juste). Ces deux là travaillent l’été et voyagent l’hiver, mais comme leur hiver est super long, c’est le bon plan. C’est leur premier voyage à vélo, mais ils ont déjà randonné dans de nombreux pays. On roule ensemble jusqu’à une crique mentionnée sur la carte, accessible au bout d’une petite route toute en côtes et descentes, tout ça pour se heurter à un portail fermé : C’est un camp militaire, pas question d’accéder à la plage. Ils se paient de sacrés beaux endroits, les militaires, ont-ils des maillots de bain kakis ? Au retour on croise un camion qui fait la livraison de bière…ben voyons ! Nous apprendrons plus tard qu’il existe de nombreux endroits « privilégiés » en bordure de mer réservés aux gradés de l’armée.
C’était le dernier accès potentiellement possible sur la mer, la route file maintenant par l’intérieur vers la ville de Cienfuegos. Tant pis, faute de trouver un endroit pour bivouaquer on se résout à pédaler jusqu’à là bas, mais Dany a soudain repéré un verger d’avocatiers , sans avocat, qui pourrait convenir. Après 80 bornes on est quand même un peu naze et puis les dernières côtes nous ont bien achevés ! On a vu mieux comme endroit mais ça fera l’affaire, même si les moustiques ne voient pas les choses comme ça et s’acharnent à essayer de nous faire fuir. En réponse, deux stratégies différentes à l’issue de notre dîner qui est fort classique pour des cyclistes quelle que soit leur nationalité (pâtes, sauce tomate et thon) : Les Canadiens passent leur nuit à essayer de tuer les moustiques entrés dans leur guitoune, les Bretons ont bien fermé les moustiquaires mais crèvent de chaud, il n’y a pas de formule idéale.
Cienfuegos, la « Perle du Sud »
Située au fond d’une immense baie, la ville est agréable, il y a un monde fou dans les faubourgs, nous y arrivons tous les quatre ensemble de bon matin. Notre campement sous les avocats n’étant qu’à une dizaine de km.
Maryse et Dany ont réservé une casa à un prix défiant toute concurrence, ils nous expliquent comment ils négocient. De notre coté, nous en dégottons une très bien à un prix correct, impeccable. Le proprio est aussi pêcheur, le lendemain soir il nous cuisinera des langoustes énormes. En catimini car il n’a pas la licence pour pouvoir proposer des langoustes, elles sont réservées aux touristes dans les restos et les hôtels.
Nous visitons la ville ensemble et déjeunons dans un restau d’État à 3 $ (CUC), nos amis canadiens sont passés maitres dans l’art de dégotter ces établissements. Le glacier est du même acabit, avec des prix dérisoires, mais le service est carrément déplorable, d’ailleurs des clients s’en vont dépités sans même avoir pu commander.
Évidemment on a beaucoup à se dire, des échanges de voyageurs qui ont trainé dans de nombreux coins du monde. Par contre, le lendemain nos amis partent pour Santa Clara alors qu’on reste là, où se reverra-t-on ? Ils vont revenir ici dans quelques jours pour le renouvellement de leur carte touristique. Peut-être irons-nous un jour les voir au Canada, en été de préférence puis qu’on hiver ils n’y sont pas, et de toute façon on ne serait pas assez fous pour aller là bas l’hiver. Il nous faudra juste éviter la période des « maringouins » ce sont les moustiques canadiens !
Alors qu’on s’en va visiter la punta, la pointe de la péninsule, un conducteur de bici-taxi nous explique qu’il est prof d’histoire et qu’il a laissé tomber le métier, il gagne bien plus en pédalant pour les touristes. Forcément avec 25 $ par mois !
La plus belle des baies du monde est ici à Cienfuegos, c’est du moins ce que vantent les guides touristiques, on peut vous assurer que nous en avons vu de plus belles, bien que celle-ci soit effectivement agréable à contempler. Au loin le dôme d’une centrale nucléaire construite par les Russes, mais le projet a avorté (Tant mieux, pas besoin d’un Tchernobyl par ici), laissant une verrue dans le paysage.
Du coté mendicité, nous avons été beaucoup sollicités à Cienfuegos, notamment par les femmes, Irène se prend la tête avec une dame qui lui demande un CUC et est loin d’agir un look de pauvresse. Devant la réponse négative, elle continue de marmonner, elle n’est pas ravie est nous colle aux basques en insistant. Alors dame Irène se fâche : « No soy une vaca de leche ! » (Je ne suis pas une vache à lait !)
Scène presque surréaliste au marché couvert : La vente de viande est assurée par des nanas qui ont des connaissances en boucherie pour le moins sommaires, et en hygiène encore moindre. Pendant que l’une sépare les cuisses de poulet congelé à coups de hache, et en les frappant contre la tranche de son billot, sa collègue prend la viande hachée dans un bidon douteux, la dépose sur le plateau de la balance puis dans le sac plastique des clients, ensuite de quoi les cuisses de poulet prennent le même chemin, ceci sans rien nettoyer évidemment. Bon appétit !
C’est Michel un français originaire de la Mayenne, marié à une cubaine qui nous parle de la vie à Cuba où il séjourne régulièrement et ne semble pas espérer grand chose de l’avenir ici. Il a pourtant acheté une maison qu’il rénove quand il peut acheter des sacs de ciment et le matériel dont il a besoin. Il trouve que la vie y est de plus en plus difficile et le manque de nourriture est croissant. Quand la nourriture arrive sur Cuba elle va en priorité vers les hôtels et restaurants pour touristes (on se sent à peine visés). La vie est de plus en plus compliquée pour ceux qui n’ont pas de casa à louer, et les licences pour ouvrir une nouvelle casa ne sont plus délivrées, il y en a trop.
Drôle de pays, pays pas drôle. Heureusement, les Cubains ont le sens de l’humour, ça fait passer la pilule.
Départ sans car, car…
Nous voulons maintenant aller à 400 kilomètres de là, à Pinar del Rio dans l’ouest de l’île, et avons repéré une ligne de car super pratique. Sauf que la logique cubaine n’est pas tout à fait la même que la notre : Il n’y a pas de car pour avec aller de Cienfuegos à Pinar del Rio alors que l’inverse existe (que font-ils des cars qui arrivent, ils les stockent ?).
Déçus en embêtés, nous négocions un trajet avec un rabatteur de taxis, mais évidemment le lendemain matin ledit taxi arrive sans couverture ni cordes, contrairement à ce qui était prévu.
C’est parti pour un trajet jusqu’à la Havane par l’autopista sans intérêt (heureusement qu’on ne l’a pas fait à vélo), puis débarqués en bordure d’autoroute près de La Havane pour un autre taxi jusqu’à Pinar. On se demande si notre chauffeur ne va pas nous abandonner à notre triste sort avec notre chargement. Quand un autre chauffeur arrive et nous prend en charge dans sa vieille Lada on se dit qu’on va perdre nos vélos en route attachés sur le toit. Une jeune chinoise fait le trajet avec nous, la bagnole est pleine à craquer !!! La route droite est ennuyeuse néanmoins le paysage est différent, les montagnes arrondies apparaissent petit à petit, des plantations de tabac et les grands séchoirs en bois qui ressemblent à des maisons aux toits pointus perdues au milieu des plantations.
Notre séjour à Cuba va bientôt tirer à sa fin, hélas. Nous vous conterons nos dernières émotions dans le prochain article.
Rencontres, rencontres! Merci pour ce petit bout d’humanite!
Oui ..c’est vrai que l’on voyage dans un autre temps!!On y est ,,on le vit…merci..Pour toutes ces « peintures du pays »..super!!Bonne route …………..
C’est toujours un plaisir de vous lire ! c’est bien écrit, jolies photos et très belle façon de voyager ! merci de nous faire rêver
On se dit donc à bientôt, dommage , nous voyageons avec vous sans les inconvénients (moustiques,chaleur, montées, marches et autres cailloux ) par contre il nous manque les goûts et les odeurs. En tout cas Bravo pour tous vos articles.
Toujours aussi intéressants vos reportages, cousins!
Il fut un temps où Cuba faisait rêver les occidentaux épris de justice sociale. Nous sommes aux antipodes et pourtant certains semblent vouloir encore y croire. C’est compter sans la puissance de la corruption et des privilèges qui gangrenent l’economie . Entre la nostalgie et l’utopie, reste t-il encore aux cubains un temps pour le bonheur de vivre? S’il faut passer son temps dans des queues à chercher une nourriture de plus en plus rare, et mendier la manne de quelques rares touristes, c’est peu probable.
Le colonialisme dont la révolution voulait libérer le pays revient sous la forme de néocolonialisme bien rodé par les Canadiens! Ainsi un mouvement de libération peut-il mener à l’esclavage.