Des chutes au cimetière

Afin de couper court à toute inquiétude, précisons que ce titre ne signifie nullement qu’on a fait une chute mortelle. C’est jute pour faire comme dans les journaux, attirer le lecteur. Lisez donc la suite, vous allez comprendre…


Dès qu’on quitte la hiway, les routes sont sympas, sinueuses et désertes, pleines de surprises. Par exemple une fort opportune cabane où l’on peut se servir en fruits et légumes, il suffit de mettre les dollars dans la boite :

Ou bien un marchand de glaces à la mangue (entre autres) qui a installé son drôle d’effigie en bord de route :

Comme on quitte le marchand de glaces (car on ne pouvait que s’y arrêter, évidemment), arrive John sur son vélo chargé, c’est notre première rencontre avec un cycliste voyageur, comme ça on sait que nous ne sommes pas les seuls même si tous les Australiens que l’on rencontre ont l’air de nous prendre pour des martiens. John n’a pas les mêmes rythmes langoureux que nous, il s’est donné 21 jours pour aller de Brisbane à Mission Beach, il nous en aura fallu 40 (Dont 19 jours sans faire de vélo, ça compense, mais on a fait des bouts en train et car, alors c’est pas comparable).

Jourama Falls

Avant même d’arriver aux chutes d’eau (Falls), on est prévenus : Par ici il y a de l’eau, il peut même y en avoir beaucoup comme en témoigne la jauge sur le bord de la route :

Nous sommes en saison sèche, les cours d’eau ne débordent pas, heureusement car nous ne circulons pas en sous-marin. Néanmoins, c’est loin d’être la sécheresse, la preuve en est avec de belles chutes d’eau accessibles le long d’un chouette sentier de randonnée :

Nous sommes seuls dans le camping du Parc National, un ranger nous explique que pour réserver, et donc payer, il faut téléphoner mais que les téléphones mobiles ne marchent pas dans le parc, il faut retourner à l’entrée de la forêt, et si ça ne marche pas ce n’est pas grave ; ce sera donc une nuit gratuite 🙂

En fait, nous ne nommes pas si seuls que ça finalement : Il y a des moustiques et surtout des Brush (bush aussi) Turkeys qui picorent un peu partout, dont un qui saute sur la table, fouille dans les sacs et s’enfuit avec notre pain ! Malgré un sprint effréné, (on sait que Joël ne courre que très rarement) il n’arrivera pas à le rattraper car ce fichu volatile s’enfuit dans les fourrés. Pour le coup, on aurait bien boulotté de la volaille ce soir là, mais Irène n’est toujours pas motivée pour plumer le machin, lequel a d’ailleurs prouvé qu’il n’est pas disposé à se laisser attraper.
Et pour le petit dej’, pas de pain, c’est triste.

Sale bête !
Sale bête !

Ingham

Nous nous réjouissons depuis plusieurs jours à l’idée d’arriver dans cette ville pile-poil à la mi-mai (accessoirement ça vous montre le retard qu’on a dans la rédaction de nos articles…). En effet, il y a chaque année un festival italien et on ne voudrait pas rater ça, déjà qu’on a loupé le Wintermoon Festival de peu. Mais notre enthousiasme va être douché car si le festival est bien annoncé à l’entrée de la ville, la date ne correspond pas vraiment : C’est à la mi-août, et ceci depuis des années ! Encore une ânerie du Lonely Planet, si on rencontre ces gens là ils vont passer un sale quart d’heure, on va leur envoyer une flottille de brush turkeys boulotter tout leur pain, non mais…

Ceci dit, pourquoi un festival italien ici ? Nous l’apprendrons au splendide Tyto Information Center, 60% de la population est d’origine italienne, les coupeurs de canne venaient de là-bas, certains se sont établis fermiers, les affaires ont prospéré et quelques uns d’entre eux ont décidé de rétablir les wetlands, ces zones humides si particulières et précieuses pour la nature.

Un DVD sur la canne à sucre nous apprend plein de choses, mais comme il est produit par la plus grosse sucrerie du coin on se doute qu’il n’est pas franchement objectif. Notamment au moment où ils présentent les traitements phytosanitaires des champs de canne, soi-disant épandus à la goutte près pour ne pas en mettre de trop, alors qu’à l’image d’après on voit un avion pulvériser allègrement un champ et tout ce qui l’entoure.

On traine pas mal au Tyto information, ce centre met magnifiquement en valeur la faune et la flore des environs à travers des petites vidéos, des scènes de marais avec la population aquatique et les volatiles à observer le matin aux binocles (jumelles).

Une dame tape sur l’épaule de Joël, elle et son mari ont campé au bushy camp (là où il y a eu overdose), elle s’inquiète sérieusement pour lui car il a le visage rouge, elle pense qu’il a trop pris de soleil, elle n’a pas tort, elle lui prodigue moulte conseils pour se protéger plus efficacement. Le comble c’est que plusieurs personnes ont déjà fait cette remarque !!! Ils sont tellement prévenants les Aussies.

Nous avons établi notre campement sur un terrain appartenant au club de foot local, moyennant une petite contribution laissée à notre appréciation. Nous ne sommes que deux tentes et donc sommes parfaitement tranquilles près des marais où on va faire une belle promenade à la tombée du jour afin de découvrir la volaille locale, mais pas que  , des kangourous par dizaine pointent leurs nez et viennent brouter dans la pairie verdoyante d’en face.

Les Wetlands

Comme leur nom l’indique, ce sont des zones humides, et les fermiers (essentiellement italiens) qui ont consacré beaucoup de temps et d’énergie à les réhabiliter ne peuvent qu’être félicités car la perpétuelle expansion des plantations de canne à sucre avait réussi à les réduire quasiment à zéro. C’est un peu comme si chez nous le Marais Poitevin avait été asséché pour faire place aux champs de maïs, ce qui aurait aussi bien pu se produire.

Et le résultat est superbe, de très nombreuses espèces d’oiseaux s’égayent dans ces marais, lacs et cours d’eau :

Flop pour les chutes

Le lendemain c’est dimanche, faute de festival on irait bien voir les Walkman Falls, il parait que ces chutes d’eau sont impressionnantes. Mais c’est à 50 km et les gens d’ici nous disent que ça grimpe énormément, alors ça ne va pas le faire. A moins de trouver un automobiliste pour nous y emmener, et un autre (ou le même) pour nous ramener ; on s’essaye à faire du stop à la sortie de la ville, mais les rares voitures qui passent sont celles de gens du coin, et non les touristes que, pour une fois, on recherche. Bon, on laisse tomber, on visitera d’autres chutes ailleurs et des maousses, vous verrez ça bientôt.

Faute de mieux on se réfugie à la bibliothèque où l’on visite une belle expo d’artisanat et rédiger quelques lignes pour le blog. Au retour nous aurons la surprise de découvrir un grand flacon de lait hydratant posé près de notre tente ; nos voisins nous préviennent que c’est une dame qui est passée par là et qui cherchait un frenchie à face de peau rouge. On en voit qui rient sous cape…..ben oui pauvre Joël qui a pourtant ce qu’il lui faut mais oublie de s’en servir. Alors on part à notre tour à la recherche de la dame en question et la trouvons sur un terrain prévu pour les caravanes. Une vraie maman pour Joël qui semble avoir fait une conquête (à son tour !)

Mise en rayon

Voilàtipas qu’Irène a un rayon de cassé. Enfin, son vélo, la roue arrière plus précisément, un rayon situé à droite. Pourquoi est-ce important de préciser qu’il est à droite ? Parce que si on avait un dérailleur, il faudrait démonter la cassette (les pignons) avec l’outil adéquat et c’est pas marrant ; mais comme on a des Rohloff, c’est tout simple et Joël aura la chance de changer son premier rayon en deux coups de cuillère à pot (et de démonte-pneu). Ensuite de quoi il n’y « a plus qu’à » tendre correctement le rayon en question, ce qui fait appel au pifomètre de précision, outil indispensable à avoir toujours sur soi.

 

Néanmoins, afin de valider l’opération « changement de rayon », on cherchera en vain un magasin de vélos dans cette ville, le seul qu’on a trouvé était fermé depuis belle lurette, mais vu le nombre de cyclistes qu’on a pu voir (c’est à dire aucun), le type a dû faire faillite. Par contre, deux personnes nous affirment qu’il y en a un à Halifax, il vend aussi des articles de pêche…

Le seul vélo vu à Ingham
Le seul vélo vu à Ingham

Passage par la case Cimetière (sans gagner $20 000)

Pas trop rancuniers, avant de quitter Ingham nous décidons de suivre un conseil du Lonely, aller visiter le « Nouveau » cimetière qui, paraît-il vaut le détour.

Si l'abri à cyclones s'envole, tout le monde au cimetière !
Si l’abri à cyclones s’envole, tout le monde au cimetière !

Pour un détour, c’en est un, on se demande pourquoi ils sont allés le fourrer si loin de la ville, entre deux champs de canne à sucre, mais sur place c’est en effet surprenant : Le quartier catholique est essentiellement occupé par d’immenses tombeaux portant des noms italiens ; on sait qu’ici ce n’est pas la place qui manque, heureusement car les tombes sont d’une largeur impressionnante, probablement proportionnelle à l’épaisseur du portefeuille du défunt.

Halifax

Sur la route qui mène à cette bourgade, un vieux monsieur nous invite à venir discuter sous sa maison ; la plupart des maisons sont en effet construites sur pilotis, en dessous on gare la voiture et on met le fourbi, dans le cas présent il y a aussi deux vieux fauteuils bien crados, une table encombrée de bouteilles de bière (vides) et de cendriers (pleins). Lui et sa femme vivent dans cette maison entourée de cannes à sucre, dont il attend avec impatience qu’elles soient récoltées car il les déteste, ce qui est quand même embêtant quand on n’a que ça comme horizon la moitié de l’année. Ca lui bouche la vue sur les monts que nous apercevons à l’horizon.

Une visite d’Halifax ne devrait guère prendre plus de 10 minutes à tout touriste normalement constitué, nous allons y passer un bon moment car la localité a un coté sympa qui nous retient. Déjà, il y a le fameux marchand de vélos qui vend en effet plein d’articles de pêche, nous comprendrons bientôt pourquoi (et vous aussi). Il vérifie la roue et félicite Joël pour cette réparation parfaitement maitrisée, c’est tout juste s’il ne lui remet pas un diplôme, à la place ce sera un gros autocollant qui vante la taille des poissons qu’on pêche dans le coin.

Ensuite, il y a LA rue principale (et quasiment unique) qui concentre les six ou sept commerces dont l’incontournable pub et le regretté Grand Hôtel qui est à vendre depuis des années. Ce n’est pas de la provocation, mais c’est là que sont tables et bancs, nous pique-niquons donc juste en face dudit pub, ce qui ne manque pas d’amuser les habitués de l’établissement.

Autre attraction locale, il y a des grenouilles qui ont élu domicile dans les toilettes publiques. Irène a poussé un cri en voyant ces bestioles gigoter dans le fond. Les aider à sortir de là ne sera pas simple et probablement inutile car elles vont y retourner dès qu’on aura le dos tourné et que quelqu’un oubliera de refermer le couvercle de la cuvette.

Lucinda

Selon le Lonely Planet « Lucinda est une ravissante cité portuaire dont la jetée de 6 km, jadis utilisée pour le transport du sucre, vaut à elle seule le détour »

En fait, il n’y a rien à part un camping bien plein, un Fish & Chips et un Pub qui ouvre quand il a le temps. Rien de ravissant là dedans. Quant à la jetée, si elle fait bien 6 km à vue de nez, c’est une installation industrielle qui gâche plus la vue qu’autre chose ; si elle a été utilisée « jadis », elle l’est tout autant aujourd’hui car il faut bien pouvoir exporter ces montagnes de sucre produites dans la région et les cargos ne peuvent approcher de la côte, c’est d’ailleurs une drôle d’idée que d’avoir voulu créer un embarcadère justement là où aucun bateau ne peut accoster, d’où la longueur démesurée du machin.

De plus, il pleut, des trombes d’eau, on reste coincés là. Mais alors, allez-vous vous demander, pourquoi le camping est-il plein ? Bonne question, on se l’est posée aussi et on a la réponse : A cause du climat et de la pêche. En effet, la plupart des occupants habitent Melbourne ou par là bas où l’hiver est humide et froid, alors ils viennent passer quelques mois dans des contrées plus tempérées et taquiner le poisson. Ceci explique le nombre de bateaux de pêche qui contient les caravanes, et l’esprit d’à-propos du marchand de vélos d’Halifax qui a tout ce qu’il faut pour satisfaire cette clientèle de pêcheurs passionnés.

Alain et Louise, justement, sont de Melbourne mais ont aussi une autre qualité: Ils parlent parfaitement français, ce qui est normal pour Alain puisqu’il est français de Granville et est venu s’installer en Australie dès ses débuts comme pâtissier, et remarquable pour Louise car elle était prof de français mais aurait pu avoir un accent, ce qui n’est pas le cas. Il faut dire qu’avec son homme elle a été à bonne école, il n’est guère de mots familiers qui lui échappent. A l’issue d’un délicieux repas chinois suivi de délicieuses tartelettes aux pommes (ça nous change de notre cuisine habituelle sur le réchaud), rendez-vous est pris pour passer chez eux quand notre chemin nous mènera à Melbourne. On se régale d’avance…car tout était « bouffable » comme le dit si bien Louise…..

6 Comments

  1. oh la la Joel prends soin de toi! on ne voudrait pas que tu fondes!!!! et le soleil australien n’est pas Breizh encore que ces jours ils fassent fort chaud par Plouhinec!!!

  2. Ce n’est pas parce que les tombes sont belles et confortable, qu’il faut être imprudent en Australie !
    Bonne route, nous on se régale à vous regarder dans notre fauteuil, jusqu’à demain pour la convergence cycliste vers le Mont St Michel.
    Michel (pas encore saint, mais sain de corps)

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