Encore un peu de campagne, de terrifiants monstres et des moines ambigus, et c’en sera presque terminé de notre épopée dans les contrées éloignées, loin de tout, sauvages et si belles. Enfin, pour le moment car après un intermède urbain ça reprendra, en vélo cette fois.
Pour le moment, nous roulons en direction Moora via les petites bourgades de Badgingarra et Dandaragan.
On adore cette campagne vallonée, riche de céréales aux champs bordés de Red Gum nombreux dans la région, ces eucalyptus aux feuilles odorantes qu’Irène enferme dans des petits sacs en plastique placés derrière le pare-brise sur le tableau de bord. Elles dégagent leur humidité à la faveur du soleil et en ouvrant les sacs l’odeur se répand dans l’habitacle.
Ah si seulement on pouvait graver les odeurs comme les images, c’est pas la première fois et on repense au livre de Patrick Sunskin « Le parfum » où un nez dénommé Jean Baptiste Grenouille, et qui lui n’a pas d’odeur, finit par trucider des jeunes filles du coté de Grasse où il met au point une technique d’enfleurage qui consiste à capter les odeurs des humains pour finir par les asservir. Allez savoir ce qu’Irène a derrière la tête avec sa collection de sacs odorants ?!!!
La petite maison dans la prairie
L’office du tourisme de Dandaragan est ouvert, il fait office à la fois de centre administratif du village, de centre social, de bibliothèque et de boutique de produits locaux ; on y trouve avec bonheur un miel délicieux et de l’huile d’olive provenant des oliviers aux alentours. A défaut de visiter l’église anglicane qui est fermée, on va voir à quoi ressemble le cottage d’Aggies en sortie du village. On se retrouve dans la série « la petite maison dans la prairie » : Une jolie petite bâtisse au milieu d’un grand pré devant un étang.
C’est un lieu public, le portail est ouvert, on entre. La maison a été construite par Thomas Jones, c’est son fils qui a ensuite agrandi la petite ferme en y développant l’élevage de vaches, de moutons et quelques volailles. Comme beaucoup, ils vendaient des oeufs et la viande au village. Pendant la seconde guerre mondiale ce lieu fut investi par le 16ème RI qui en fit une réserve militaire. Aujourd’hui il sert de lieu de fête à l’occasion des mariages ou des fêtes de village.
Quelques tables et chaises sont rangés sous la véranda, on bulle un moment devant l’étang et on décide de rester dormir ici sans monter la tente coté jardin sous l’autre véranda. Ca sera entourés de citronniers et d’orangers avec les perroquets « twenty eight » qui réveilleront Irène pendant la nuit. Charmant endroit. Encore plus beau au réveil à la faveur de la brume qui se lève doucement au dessus de l’étang, laissant apparaitre les groupes de canards et autres bestioles à plumes aussi bavards ou criards c’est selon !!!
En plus, c’est fleuri de partout par ici, vive le printemps !
Les monstres
Il règne dans ces contrées un monstre effrayant, dans les chaumières le soir au coin du feu on raconte ses méfaits, les petits enfants effrayés se cachent sous le lit. Nous aurons la chance le privilège de rencontrer cette légende vivante :
Le bobtail est plutôt vilain, avec un début de queue qui s’arrête vite, une tronche pas possible et une gueule qu’il ouvre pour nous effrayer en tirant une longue langue bleue ; mais il n’est pas très futé puisqu’au lieu de se sauver il reste sur place en s’imaginant nous faire peur, alors que, c’est bien connu : « les Cyclomigrateurs, même pas peur ».
Ces monstres sont les gardiens de ces lieux agrémentés de fleurs et de fruits bizarres, que seuls les aventuriers les plus téméraires ont la chance de contempler. Ceux qui y ont gouté ayant succombé dans d’atroces souffrances, nous nous contentons de les observer, la nourriture australienne est déjà assez redoutable comme ça.
Les moines
Quand on arrive du bush et que l’on découvre les toits et les bâtiments crenelés de la petite ville de New Norcia avec son architecture espagnole, on se demande si on ne rêve pas ; a-t-on été transportés sur les côtes ibériques sans s’en apercevoir ? Qu’est-ce que cet endroit ?
Eh bien New Norcia est la seule ville monastique d’Australie. Elle a été fondée en 1846 par le frère Don Rosendo Salvado, un moine bénédictin espagnol avec l’idée initiale de créer, développer un village agricole autosuffisant. (On apprend plein de choses avec un guide). Cependant, après la décimation des populations locales par les maladies introduites dans les années 1860, il a concentré son activité à donner une éducation pratique pour les enfants autochtones qui étaient amenés à New Norcia de partout dans l’état. Comme les autres missionnaires du XIXe siècle, son but était de «civiliser et évangéliser» selon les idéaux européens de l’époque, mais il l’a fait avec la sympathie pour la culture indigène ce qui était rare à son époque. Il a fait des voyages de collectes de fonds en Europe qui lui ont permis d’acquérir des terres, construire des bâtiments et d’acheter des livres, des vêtements, des œuvres d’art et des objets rituels. Quand il est tombé malade et est mort à l’âge de 86 ans, lors d’un voyage à Rome, son corps a été ramené à New Norcia par la communauté et enterré dans l’église abbatiale où il repose. Il était profondément aimé de la population aborigène, les peuples autochtones locaux l’ont pleuré et se sont lamentés pendant trois jours.
Après sa mort, le père Fulgentius Torres change d’objectif pour faire de New Norcia un lieu pour donner aux enfants aborigènes une « bonne éducation chrétienne », dans ce but il fait construire les collèges. Il a également créé la mission de Drysdale River, près de Kalumburu, que nous avons eu l’occasion de visiter lorsque nous étions dans le Kimberley.
Les bâtiments sont superbes et témoignent d’une certaine aisance, visiblement les fonds ne manquaient pas et la déco intérieure est aussi superbe que les extérieurs, de célèbres artistes ont participé aux constructions. D’ailleurs le guide ouvre, avec de grosses clés des énormes portes, entre le digicode et referme derrière nous…. Pas moyen d’entrer sans montrer patte blanche.
Aujourd’hui il n’y a plus que 11 moines à habiter là, au début du siècle dernier il y en avait jusqu’à 80 dont la plupart étaient espagnols. De nombreux enfants retirés de leurs familles (les « générations volées ») étaient amenés là, d’autres étaient placés par leurs parents qui s’installaient à proximité ; tous bénéficiaient de soins et de nourriture et d’un travail pour les colons trop pauvres.
La visite est intéressante, quoique trop rapide, il y a de superbes expositions mais on n’a pas le temps de s’y attarder alors que ce sont des mines d’informations sur la vie aux différentes époques. C’est frustrant, on aimerait tout lire !
Curieusement, une salle ultra moderne est consacrée à l’Agence Spatiale Européenne, on y passe un film sur les missions de l’Agence, ça dénote un peu dans le décor. C’est parce qu’il y a une station de l’ASE dans les environs, laquelle a dû trouver pertinent de financer cette salle.
Ce qui n’est pas abordé, ni par le guide ni par les expos, est la raison du déclin de New Norcia. Car tous ces immenses bâtiments sont déserts, il semble ne plus y avoir que quelques sporadiques sessions de formation, mais plus aucun étudiant permanent.
En fait, on le pressentait et ce n’est hélas pas un cas isolé, de mauvais traitements auraient eu cours en ces lieux, et il y a eu des accusations de pédophilie envers l’évêque du diocèse dans les années 70. Une bien curieuse conception de la « bonne éducation chrétienne »…
New Norcia recèle une collection magnifique de vieux ouvrages, mais nous n’y avons pas accès. Par contre les moines fabriquent leur pain avec le blé récolté sur place, il est délicieux. D’ailleurs le vieux moulin se visite et on a adoré cet endroit qui sent bon encore la farine. Ils vendent également leur huile d’olives à prix d’or… pas du tout le même tarif qu’à la petite bourgade de Dandaragan ! Ils ont un sens développé du commerce.
Quittons les lieux sur une note plus légère, en rencontrant un couple de Perth qui se balade sur de drôles de montures, comme quoi il y a des gens bizarres et néanmoins tout à fait charmants.
Back to Nature
Ça sent la grand-ville, on a beau faire de plus en plus de détours, on se rapproche inexorablement de Perth. Encore quelques beaux moments dans la nature toutefois avant d’y arriver, notamment un bivouac dans un coin bien tranquille à l’entrée de la ville (aujourd’hui pratiquement disparue) de Wannamal. Cette ville longeait la voie ferrée qui ne dessert plus rien. L’aire de campement où nous sommes se nomme « Robert Hiddmarsh Rest Aera » en l’honneur de l’ancien jardinier de l’école qui avait été batie à cet endroit en 1904. Le lieu est très plaisant et superbement bien entretenu avec un BBQ tout neuf, des massifs de fleurs, des peintures sur le réservoir d’eau où l’on découvre à quoi ressemblait l’école.
Il fait un peu frisquet ce soir, aussi on décide de faire notre popote sur un foyer aménagé pour profiter du plaisir du feu de camp. Le « bush risotto » et pratiquement prêt quand on voit une dame (venue utiliser les WC) qui s’approche de nous et nous parle en français. « Savez vous qu’il est interdit de faire du feu depuis 15 jour dans cet état ? » Heu……non, en fait on aurait du lire l’affiche apposée sur le mur devant les toilettes, en effet c’est la saison sans feu sans autorisation sous peine d’amende…. mince alors, notre beau feu… On en profitera quand même jusqu’à la nuit tombée et on restera très discrets, ne l’alimentant que parcimonieusement en bois en se disant que c’est notre dernier feu avant longtemps sans doute.
D’ailleurs le lendemain matin on aperçoit à l’horizon un énorme nuage noir et marron qui monte d’une forêt toute proche. On espère que c’est un feu controlé parce que la fumée est vraiment importante et impressionnante. On s’en approche inexorablement, c’est notre direction. En effet y’a des voitures de pompiers un peu partout et pas question de trainer dans les parages, c’est que ça rigole pas avec la sécurité, allez circulez !
Les doudous que vous voyez sur les photos sont des doudous laissés ou oubliés par des enfants dans le joli camping de Harry, isolé au milieu de la campagne. il les a mis en évidence pour accueillir le visiteur, on les aurait bien pris avec nous pour tenir compagnie à Petit Chat, mais on se dit que si on commence à ramasser tous les orphelins sur le bord de la route il va falloir qu’on traine une remorque… parce qu’il y en a de perdus des doudous !!!! Harry est un peu sourd, « trop de moto » nous dit-il. C’est un passionné de nature ; il y a sur son terrain une variété d’eucalyptus impressionnante. Chaque feuille a une odeur différente, c’est carrément génial à snifer, Irène s’est découverte une passion pour ces grands arbres, elle a d’ailleurs envoyé en France des tas de petits sacs de feuilles sèches…. pour quand on rentrera… Oui, non, ne nous posez pas la question, on ne sait toujours pas quand …..
Dernier Parc avant la grand-ville
On se demande pourquoi le parc Yanchep est qualifié de Parc National, il ressemble plutôt à un parc urbain où on peut certes voir des animaux, mais en captivité, ils sont nourris à heures fixes comme dans un zoo (on n’a pas assisté au nourrissage, si on veut voir des kangourous il suffit d’aller dans le bush).
C’est néanmoins un endroit agréable, avec de jolies balades autour d’un plan d’eau, c’est aménagé mais certaines parties demeurent relativement naturelles.
Une oeuvre bizarre ne manque pas de nous interpeller, une espèce d’arbre à robinets, probablement un fantasme de plombier. Les jolis petits perroquets vert et bleu sont très nombreux, on les découvre avec ravissement, on ne connaissait pas encore cette variété.
Si les grottes ne sont pas vraiment exceptionnelles, elles présentent des caractéristiques propres à la région, notamment le fait qu’elles ne soient asséchées que depuis quelques années, à cause de la baisse considérable du niveau des nappes phréatiques autour de Perth suite au pompages excessifs.
On va faire la visite accompagnés par un groupe de sportifs en provenance d’Inde. De quoi parle t-on ? Eh bien de l’Inde pardi, et nous voilà ré-invités, après échange d’adresses, à aller à nouveau visiter ce pays qui nous a tant plu… Ben oui on n’est pas rancuniers, surtout Irène (tant qu’il n’y a pas de chameau, ça va).
Magnifique photos et superbe récit
Magnifique commentaire. Merci !
Toujours des projets tant mieux pour vos lecteurs !
Encore une belle lecture, que de belles fleurs, un régal pour les yeux ! Pourquoi voulez vous que le bobtail (« plutôt vilain – une tronche pas possible » c’est vrai), ne s’impose pas : vous êtes sur son « territoire », non mais quand même.
A bientôt de vous lire, je pars fêter les 99 ans de ma Belle Maman .
Mamie Nicole.
Sympa toutes ces images …ces odeurs…on y est …Pourriez-vous mettre en « bocaux »quelques échantillons de ces parfums naturels !lol On pourrait en mettre dans nos voitures !!!
Je suppose que d’ici quelques jours vous allez rencontrer « Le Santa Claus « ..Joyeuses fêtes
Bernard
j’aurai adorer dormir sous la véranda de la petite maison dans la prairie!!!!
Avec toutes les belles histoires que vous nous faîtes vivre,vous allez surement rencontrer un Père Noël
extraordinaire!!!!!!!!!!!!
Passez de belles fêtes et à l’année prochaine
Les bergers de Brécé