d’Orsova à Kaluderovo, la frontière Serbe

Prospérité et misère, poisson et manque de poisson, Théo le cyclo, les 3 malabars, encore de chouettes bivouacs, et on quitte la Roumanie. Le 30 juillet nous quittons la « casa verde » si douillette ; frais et bien reposés à 6h30 nous enfourchons nos valeureux destriers et longeons le « front du Danube ». Deux pêcheurs en barque arrivent avec un énorme panier de grosses carpes, même le matin tôt, je serais prête à dévorer un poisson, pourvu qu’il soit frais (et cuit) ! image Ceux (dont nous faisons partie) qui croyaient que suivre le Danube serait plat comme un chemin de halage, sachez que c’est tout faux : On quitte Orsova par une côte à 11% durant près de 5 km, avec un vent de tempête qui nous fait parfois perdre l’équilibre et nous procure une séance de peeling gratuit et comme si c’était pas suffisamment difficile, pour corser la chose, un camion toupie perd à dose régulière son béton juste devant nous, c’est suffisamment c….pour nous obliger à mettre pieds à terre, c’est tout simplement casse gueule !!! Avantage quand même, comme il y a des lacets, on a parfois le vent dans le dos et là ça grimpe bien. A la redescente vers le fleuve, traversée d’un village rural qui contraste de manière impressionnante avec la relative opulence de la ville balnéaire que nous venons de quitter. image Les 42° prévus par la météo sont heureusement démentis par un orage qui fait chuter la température de moitié. image Au moment où les premières gouttes de pluie arrivent, un monsieur qui est en train de réparer sa voiture nous permet de nous abriter chez lui. Il est très gentil, a travaillé comme électricien est en retraite, sa situation est précaire : il habite le rez de chaussée vaguement aménagé de la maison de son fils, qui est en chantier depuis longtemps (la maison, pas le fils). Il n’a jamais visité la France, Ceaucescu ne voulait pas ! Il n’apprécie pas que certains de ses compatriotes fassent la mendicité chez nous. On repart sous une pluie légère car on ne peut rester là indéfiniment, les Cyclo Migrateurs ont de la route à faire, laquelle est d’ailleurs agréable, elle longe le Danube et il n’y a quasiment aucune circulation ; seul bémol, a certains endroits elle est complètement pourrie (y compris pour les voitures qui zigzaguent pour éviter les trous), on se demande pourquoi alors que d’autres sections sont très roulantes. image Comme, avec l’expérience, nous sommes de mieux en mieux organisés, nous nous trouvons devant le seul bistrot à 15km à la ronde au moment où la grosse pluie d’orage se déclenche ; une minute plus tard c’eût été la douche assurée. On nous propose une soupe qu’on s’empresse d’accepter vu qu’on a pas grand chose dans l’estomac à part des prunes et des gâteaux… Ici la police des frontières prend du bon temps, 2 voitures de fonctionnaires sont devant la porte, ils semblent bien avoir fait ripaille, ça rigole fort. On passe un sacré moment dans cet endroit et nous partirons ensemble, c’est dire si les trafiquants peuvent trafiquer tranquilles ! Rencontre avec Théo, un cycliste allemand d’origine dannoise, qui ne parle pas le dannois mais est prof de français, lit TolstoÏ en anglais pour se perfectionner et a déjà parcouru 9000 km depuis le mois d’avril passant d’Allemagne au Cap Nord, notamment. Il est très drôle, son récit de la traversée des tunnels en Norvège est hilarant ; il y a tellement de bruit là dedans qu’il n’arrivait plus à entendre ses idees ! En plus, il m’a fait un super cadeau sous la forme d’un roman policier suédois, fort opportunément traduit en français, acheté quelque part en Finlande. Comme je lisais mon Fred Vargas au ralenti, de peur de le finir et de ne plus rien avoir à me mettre sous les lunettes, je suis très content. image image Il nous prévient que nous allons rencontrer des villages pauvres et regrette de ne pas avoir eu le réflexe d’offrir une glace à deux gamins dépenaillés rencontrés à son précédent arrêt. On se fait une séance photos réciproques sur nos vélos, et on se sépare en échangeant nos coordonnées, bon vent Théo !!! Promis tu recevras une photo de nous deux amaigris, puisque tu as trouvé que « Joël a une petite bedaine » et que nous sommes méritants de faire ce que nous faisons alors que nous ne sommes pas sportifs. A court de provisions, nous cherchons le Magazin Mixt au village de Berzasca, et là nous constatons que Théo avait raison, ce n’est pas la pauvreté mais la misère. Les barres d’immeubles sont délabrées, les routes non goudronnées et défoncéees, les habitants errent en proie au chômage, c’est pathétique. Le magazin est situé au rez de chaussée d’un immeuble, heureusement qu’un gamin nous y a conduit, nous n’aurions pas eu idée d’aller à cet endroit ; les gens sont gentils, mais quelle détresse ! Quel espoir pour les enfants qui (sur) vivent là ? Joël fait une B.A en resserrant les freins du vélo d’un des gamins, un homme nous apprend qu’il travaillait en Espagne mais qu’à cause de la crise il a dû revenir au pays ; en voilà qui payent plus que les autres…le monde marche sur la tête… image Choqués par cette facette des conditions de vie de ces roumains qui semblent être oubliés de tous (c’est un coin paumé de chez paumé) nous nous éloignons pour trouver notre bivouac, pas très fiers tout de même d’avoir le luxe de pédaler sur de beaux vélos, pendant que d’autres tirent plus que la langue. C’est à nouveau sur le bord du Danube que nous nous réfugions après être descendus dans un champ fauché, entre 2 parcelles de mais. Nous découvrons un emplacement aménagé par des pêcheurs avec 2 barques, des filets qui sèchent au soleil mais aussi des bouteilles vides qui traînent partout. Nous avons fini de casser la croûte et d’installer la tente quand on voit les phares de 2 voitures venir vers nous, forcément nous sommes dans un cul de sac. 3 malabars sortent de leurs voitures, on n’en mène pas large, on fait les présentations et ouf… « No problem », on peut rester là autant quon veut ; ils ne font même plus attention à nous, ils palabrent autour d’une des barques que l’un d’eux veut vendre, conversation véhémente, mais ils s’en vont comme ils sont venus, ils n’étaient pas animés de mauvaises intentions. Malgré l’endroit isolé ou nous nous trouvons, et la visite de courtoisie que nous venons d’avoir, nous avons dormi comme des marmottes. image Le lendemain, nous faisons un petit crochet pour passer par une ville qui semble importante, mais en fait c’est une ancienne cité industrielle quasiment à l’abandon. Des gens ont installé des logements de fortune dans des locaux délabrés, on n’en croit pas nos yeux. image On ne s’attarde pas et poursuis le long du Danube, on achète de l’anti moustiques parce qu’ici ce n’est pas du luxe, et fait une pause dans un bar branche ou la musique est pénible mais la terrasse bienvenue. Contraste avec le reste de la ville qui est plutôt pauvre, voire miséreuse. C’est le coin de la pèche, on voit de nombreux campements de pécheurs sur les bords du Danube, certains ont presque l’air de vivre la (tente, caravane, table, etc.). Nous traversons de petits villages qui vivent de la pèche (il y a écrit PESTE partout, ça fait peur mais en fait ca veut dire Poisson), avons furieusement envie d’un repas de poisson, mais ils les vendent crus et il n’y a pas de restaurant… uniquement de petites épiceries, ce qui nous conduira a nous contenter de thon en boite, chips et yaourts !

Les villages deviennent différents, les maisons sont jolies et propres, il y a des travaux d’assainissement et ce n’est pas superflu vu l’état des égouts a ciel ouvert. Les derniers villages avant la frontière sont très isoles, parfois au bout de culs de sac comme celui de Socol ou la route s’arrete soudainement.

Heureusement que nous y faisons nos courses car au village suivant le Magazin Mixt est en train de plier bagages, il ferme définitivement. 20 km avant la frontière, entre deux petits hameaux, rencontre avec un petit barbier sur son vélo bancale, qui rentre de sa journée et nous offre des pommes; il se déplace de village en village pour aller tondre ses clients, et a 58 ans mais en parait bien 10 de plus.OLYMPUS DIGITAL CAMERA

L’étape est longue car nous tenons a arriver a la rivière, pour ne pas déroger a nos habitudes, et y trouverons un lieu de bivouac bien sympathique sur lequel un berger fait paître ses moutons. Repas de luxe avec des pâtes en sauce et saucisses grillées au feu de bois, naturellement. C’était la dernière nuit en Roumanie, demain la Serbie !

13 Comments

  1. pas terrible la vie dans le secteur ça donne pas envie de s’eterniser , le beau Danube bleu traverse des regions pas reluisantes .
    Merci pour les commentaires et les photos

  2. Bonjour les migrateurs , je vois qu’il n’y avait pas besoin d’aller en Afrique pour voir la misère
    Bon courage à vous deux bises Bernard

  3. Pas de grandes découvertes gastronomiques à ce que je vois… promis on ne vous acceuillera pas avec des sushis !félicitations pour les bivouacs que vous avez l’art de dénicher bises Evelyne

  4. La vie n’est pas reluisante. Vous allez concurrencer Mado à force de fruits. merci de vos photos et commentaires nous vous suivons pas à pas ou roues dans roues. Il semble que Joël aurait eu besoin du barbier rencontré.
    Courage en Serbie Bises Paulette.

  5. Dis-moi Irène, c’est bien Joco qui tape dans la main du marchand de pommes!!! Si ce dernier fait dix ans de plus, que dire de ton compagnon de route? Dans un peu plus d’un mois, on aura bien du mal à le reconnaître… Pourtant, il méritera notre… reconnaissance.
    Bon courage à tous les deux

  6. passionnant votre témoignage sur la Roumanie !!!! toute la beauté d’un pays et … son revers plus sombre! et dans ce que vous faites entendre la plupart du temps de belles rencontres… ! Bonne route pour la Serbie avec ses montagnes!!!!

  7. Oui on doit se sentir tout drôle a traverser des villes pareilles sur de beaux vélos. D’ailleurs à cette question si souvent posée, ils sont passé à combien les prix des vélos?

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