En pays Caldoche

Après la dernière tribu kanak de la côte Est, on se rend vite compte qu’on arrive chez les Caldoches. Pourtant c’est le même type de paysages, la même végétation, alors qu’est-ce qui change ?

Les barbelés ! Alors que chez les Kanak il n’y a pas de clôtures, pas de délimitations visibles, pas de protection autour des cultures, ici les broussards ont installé des clôtures partout, le fil de fer barbelé est omniprésent. Qu’il y en ait là où paissent les bovins, ça se comprend, mais autour des bananeraies, c’est pour empêcher les bananes de se sauver ?

Mais au fait, qu’est ce que c’est que ça, les Broussards et les Caldoches ? Explication :

« Les Caldoches sont les descendants des forçats ou des premiers colons français arrivés sur l’île au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Il existe deux sortes de Caldoches : ceux qui vivent en zone urbaine, souvent appelés “Calédoniens”, et ceux des zones rurales, qu’on surnomme “broussards”. Généralement installés sur la côte ouest de la Grande Terre, ils possèdent de vastes propriétés sur lesquels ils pratiquent l'élevage extensif. »

T.S.A. (Tout sauf Amos)

Puisqu’on retourne vers la côte ouest, les seuls et uniques cyclistes que nous avons croisé nous ont bien prévenus, ça passe par le col d’Amos et il est impressionnant, si raide qu’ils en ont eu mal au main en le descendant (à force de freiner). Ceci confirme ce que nous ont dit les gens du coin, alors on décide de le contourner. Certes c’est une piste, c’est plus long, mais ça longe la côte et c’est bien aussi.

En fait on n’a pas de regrets à avoir raté le magnifique panorama du haut du col parce que le ciel est très gris, il se met même à pleuvoir peu après notre pic-nic, heureusement on arrive juste à une cabane providentielle ; vu qu’elle est manifestement occupée (il y a tout ce qu’il faut pour cuisiner et y vivre) mais qu’il n’y a personne pour le moment, on ne s’attarde pas plus qu’il ne faut et on reprend la route car sur ce genre de terrain ça n’avance guère même quand c’est plat. Au bout du compte on aura fait un détour de 45 km pour éviter un col de 8 km !

1 000 hectares

Première rencontre avec Ken, un Broussard qui habite dans cette zone où il y a vraiment très peu de monde et ça lui convient parfaitement. Propriétaire de plus de 1 000 hectares, il revendique fièrement être « Français jusqu’au bout des ongles » et ne veut en aucun cas voir le drapeau kanak flotter un jour sur ses terres.
Très aimable avec nous, il se propose de nous emmener faire une sortie en mer si on repasse un jour dans le coin. On comprend qu’il aime sa tranquillité et n’a pas du tout hâte que la route soit goudronnée (c’est en projet), ça risque d’amener du monde dans le coin et les gens d’ici préfèrent que personne ne se mêle de leurs affaires, surtout les forces de l’ordre (ça braconne pas mal dans le secteur).

Biche ô ma biche

Des biches qui vont à la chasse, ce n’est pas commun, vous en conviendrez volontiers. Pourtant chez Léo et Régine ça se passe comme ça. Léo et ses potes chassent le cerf, qui est sur le territoire un véritable fléau puisqu’il boulotte tout et n’a pas de prédateur. Mais en tuant une femelle il peut arriver qu’il y ait un petit, alors Léo et Régine en ont recueilli un et l’ont nourri au biberon, depuis cette biche est leur animal domestique, elle court la brousse quand elle en a envie, mais reste aussi à la maison et est pour le moins familière. Du coup, histoire similaire avec un jeune cerf et il y a même un troisième larron dans leur ménagerie.

Le plus drôle est que, quand la bande de chasseurs s’en va avec ses fusils, les chiens courent en premier, suivis des bonhommes puis du cerf et de la biche. Mais quand ils reviennent c’est le contraire, cerf et biche en premier, les chasseurs ensuite puis les chiens épuisés…

Léo et Régine nous ont hébergés alors qu’on cherchait un endroit où planter la tante à Ouégoua, c’était super sympa, en plus ça nous a permis de déguster un poisson curieusement nommé « Bec de canne ». Super accueil, on en apprend beaucoup sur la vie dans cette région. Les conflits entre Caldoches et Kanak y ont entrainé des épisodes très violents, notamment quand le père de Régine a été tué d’une balle dans le dos, ensuite de quoi neuf Kanak ont été abattus (Probablement en représailles, l’histoire n’est pas très claire à ce sujet). C’était en 1984 au moment où ça chauffait dur.

 

Les cols de Crèvecoeur, quelle horreur !

Si on a réussi à contourner le col d’Amos, cette fois-ci on ne passera pas au travers, les cols de Crèvecoeur sont incontournables hélas. D’après le GPS, il y a moins de dénivelé qu’au col des Roussettes lors qu’on avait traversé dans le sens inverse, ça devrait donc aller.

Sauf que dans la pratique ça ne le fait pas du tout, les pentes sont raides, ça n’en finit pas de monter pour redescendre et remonter, pas bon pour le moral. On doit souvent pousser chaque vélo à deux, le poser au bout de cent mètres, aller chercher l’autre, et ainsi de suite. A un moment un pick-up s’arrête, le chauffeur compatissant propose à Irène de nous transporter, elle décline l’offre, quelle funeste idée qui sera amèrement regrettée ensuite.

Plus loin ce sera une autre voiture qui s’arrêtera, la conductrice nous fait des signes, Joël dit –« Si c’est la radio c’est pas la peine, si c’est la télé OK ». Et en effet, c’est une journaliste de Caledonia qui nous a croisés alors qu’on poussait nos vélos comme des bêtes, elle a fait demi-tour et voilà qu’on se retrouve sur les ondes.

Il y a eu dans toute cette région de grands incendies il y a une semaine, ça sent encore le cramé et c’est désolant de voir toutes ces étendues dévastées sur une centaine de kilomètres.

Après avoir bien galéré on vient enfin à bout ces fichus cols et c’est comme toujours la récompense, la longue descente qui dure bien moins longtemps que la montée mais redonne toutefois un bon coup au moral.

Koumac

LA ville du nord, avec tout ce qu’il faut pour se ravitailler avant d’entamer la descente par la côte ouest. Il y a même un office du tourisme (utile), un hôpital (on va éviter), un collège et une école (tous deux de belle taille).

C’est aussi de là que part le minerai de Nickel de la mine proche, laquelle fait largement vivre la ville. Comme les cargos ne peuvent approcher la côte, des barges assurent le transfert du minerai qui a été apporté par une noria de camions de la mine au port. Ce processus qui parait archaïque et bien polluant est à l’image du choix qui a été fait depuis longtemps de tout miser sur l’industrie minière en Nouvelle Calédonie : C’est une chance pour l’économie, une affliction pour l’environnement, un risque pour le futur car les cours du nickel sont très volatils et une fermeture de mine est loin d’être exclue, une hypothèque sur le futur car aucun autre secteur d’activité n’a été développé, notamment celui du tourisme. Les gouvernants préfèrent soutenir un secteur déficitaire, de peur de pertes massives d’emplois et les problèmes sociaux qui s’ensuivraient.

Racisme ordinaire

Une fois de plus, une réaction très désagréable de la part d’un Caldoche qui nous voit passer : Depuis sa voiture, il dit à Irène qu’il faut qu’elle enlève son drapeau kanak, –« ici on est en France !« .
Est-ce qu’il demande aussi à la mairie d’enlever le drapeau honni qui flotte à coté du fier symbole de la puissance coloniale ? Evidemment, d’une part Irène ne s’est pas exécutée mais en plus elle l’a mouché d’une manière expéditive et lui a cloué le bec fermement….

Déjà à Bourail, un incident similaire nous avait mis dans l’ambiance. Un groupe de jeunes qui était venus camper près de nous avait affirmé qu’ils n’aimaient pas le drapeau kanak, affirmant –« On est racistes, on n’aime pas les noirs et les rastas ». Ensuite de quoi ils avaient mis en marche leur groupe électrogène et démarré la sono, se fichant bien des nuisances sonores pour leur voisinage, ce qui en dit long sur leur respect d’autrui.

Plus tard ce sera à Nouméa, un automobiliste agressif encore, ça commence à bien faire, Irène le lui dira en des termes qu’on ne saurait répéter sur un blog pouvant être lu par des âmes sensibles.

Vive l’école

S’il y a des endroits qu’on aime bien, ce sont les écoles. Celle-ci est vraiment grande, le directeur nous propose de passer dans une classe de CE1 qui travaille sur les pays du monde.

Olivier, l’instituteur, est très sympa, les enfants curieux comme tout, ils posent des questions très pertinentes. On voit là toute une diversité ethnique et sociale, ça fait plaisir de voir ces gamins plein d’enthousiasme, on leur souhaite un avenir radieux loin des vieilles rancoeurs de leur ainés. Petit chat a reçu toutes les caresses possibles de ces enfants joyeux, il en aura des choses à raconter aux élèves de l’école de st Ouen des Toits (53) qui se reconnaitront.

Dernier campement sur la Grande Terre

Le camping de Koumac est situé sur un terrain sympa face à la mer, tenu par un couple franco-breton-grec ;  un petit faré permet de cuisiner à l’abri du soleil, le barbecue est fait avec un tambour de machine à laver, c’est astucieux. C’est là que va s’arrêter notre parcours à vélos car nous décidons de redescendre sur Nouméa en car.

On pourrait pédaler le long de la côte ouest mais c’est à priori moins attrayant : D’immenses propriétés entourées de barbelés, de très longues lignes droites sur lesquelles les chauffards roulent comme des fous, une route réputée dangereuse, surtout le week-end et nous sommes vendredi alors on préfère se la jouer sécurité et aller passer une semaine dans un endroit nettement plus attirant avant « le grand événement ».

Une journée de car plus tard, nous voici de retour à la capitale et on ne le regrette pas car les manchettes des journaux affichent « Quatre morts sur les routes ce week-end ». L’insécurité routière ici est un fléau, il y a déjà eu une quarantaine de morts depuis le début de l’année, pour une population inférieure à la seule ville de Nantes (260 000 habitants). Les causes sont presque toujours les mêmes, la grande vitesse et l’alcool. Les contrôles semblent fort rares, les sanctions dérisoires, les autorités laissent faire, peut-être pour acheter la paix sociale… Néanmoins les politiques ont des projets notamment de contrôles technique, de plaques minéralogiques lisibles mais pas de contrôles radars.

Nouméa again

 

Retour à l’auberge de jeunesse, celle qui domine la ville derrière la cathédrale. On y retrouve des têtes connues rencontrées lors de notre passage il y a un mois et en plus le même numéro de chambre, elle nous attendait.

Dans la rue, des gens nous reconnaissent, pour un peu on aurait nos habitudes, Nouméa est une petite ville.

Vendemiaire

Nous profitons d’être en ville pour visiter la corvette frégate Vendémiaire qui intervient en cas d’urgence pour l’évacuation des populations, contrôle de la zone maritime avec dernièrement l’arraisonnage d’un voilier transportant 1, 4 tonne de cocaïne dissimulée dans différentes caches et destinée aux consommateurs australiens. Un  bâtiment impressionnant de technologies dissuasives, armé jusqu’aux dents. Une visite guidée par un officier fier de servir sur cette frégate qui nous aura vraiment intéressée.

Le musée de la marine est à deux pas, entièrement rénové et agrandi en 2013 on s’embarque pour l’après midi à bord de l’histoire maritime de la Nouvelle Calédonie et surtout découvrons l’extraordinaire voyage de La Pérouse, le mystère de sa disparition avec ses deux navires « La Boussole » et « L’Astrolabe ». Trente ans plus tard on retrouvait un squelette dans l’épave de « la boussole » au large de Vanikoro :  c’est l’inconnu de Vanikoro. En Australie nous nous sommes découvert une passion pour ces explorateurs parti de Bretagne. Nous retrouvons ici de nouveau des informations passionnantes de ces hommes qui ne sont jamais revenus, c’est très émouvant.

Disparition locale également avec le naufrage du caboteur « la Monique » qui disparaissait mystérieusement dans la nuit du 31 juillet 1953, apparemment trop chargé emportant par le fond, entre l’ile de Maré et Nouméa, ses 108 passagers alors que la mer était calme. A ce jour l’épave n’a toujours pas été retrouvée, et reste donc un mystère, et ce, malgré les dernières recherches entre l’association « Fortunes de mer calédoniennes » et le navire câblier de l’ile de Ré « No Alis » à l’aide du robot sous-marin ROVJET 402.

Une petite séance de cinéma pour voir  Vincent Lindon dans le rôle de Rodin (c’est bien de voir un film où ça parle français), belles images, mais un peu soporiphique (pour Joël qui a ronflé) !

 

Puis le temps de prendre nos réservations sur le Bético 2 pour l’ile de Lifou, organiser la suite de notre voyage pour ???  Ah ne soyez pas impatients, vous saurez tout, ça vient, ça vient (On y est déjà lorsqu’on écrit cet article)…

 

7 Comments

  1. Vous allez chez Salomon ??? Bonne suite et attention Irene ! Les racistes sont aussi bêtes que violents et ils n’aiment guère être mouchés….et par une femme en plus!!!!
    Prenez soin de vous et bonne suite!!
    Bisous

  2. Coucou les voyageurs
    vous allez trop vite ….ou trop doucement …lollll …puisque vous etes déja loin je pense de la nouvelle-calédonie …………..Sniffff je veu savoir , je suis impatiente ….
    Pour ce qui des radars ont peu leur en envoyé en france il y en a pas mal , bon si le français était discipliné il y en aurait pas besoin mais chaqu’un roule comme s’il était seul ….greeee…… moi pas je sais ce que sait le téléphone qui sonne pour vous dire que la personne que vous aimé ne reviendra plus ………..
    Bon en attendant la suite de vos aventures qui sont assez calment en ce moment ….lollllll
    Bisous a vous 2
    Lili

  3. Bonsoir oui chaque région chaque pays a ses contrastes !On a toujours du mal à imaginer …le recto oui avec tout le positif mais le verso c’est plus difficile!Mais en tout cas vous nous livrez des impressions du « terrain » et c’est formidable..bonnes roues ..bonne route.B.L

  4. bravo pour votre visite d’un fier vaisseau de notre marine nationale. Petite correction de langage : le Vendémiaire est une frégate de surveillance et non une corvette. Only for the fun !
    Gros bisous. Philippe

  5. Bonjour les voyageurs, une petite question : comment a été prise la photo de votre pic-ni en haut du col de Pam ? avez-vous investi dans un drone ou bien vos anges gardiens sont-ils désormais équipés comme de vrais geeks ? Bisoux bisoux, Ann Mary

Répondre à Bernard à Rochefort sur Mer "Charente-Maritime" Annuler la réponse

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