Hiroshima

Hiroshima, ville tristement célèbre pour avoir été la première de l’histoire de l’humanité à avoir été détruite par une bombe atomique. Autant le dire tout de suite, on ne peut qu’être frappé par ce qu’on découvre ; non pas à première vue, c’est une ville japonaise semblable aux autres, mais en visitant les lieux emblématiques, là ça serre le coeur, les yeux s’embrument. Plus on en apprend, plus on est choqués, révoltés, dégoutés par ce dont les hommes sont capables. Heureusement, par la suite nous allons sur un des sites les plus enchanteurs du Japon, ça fait du bien.


6 août 1945

La bombe nommée « Little Boy », recouverte de signatures et d’injures à l’adresse des Japonais est armée en vol et larguée à h 15, à près de 9 000 mètres au-dessus de la ville. À h 16 min 2 s heure locale, après 43 secondes de chute libre, la bombe explose à 587 mètres du sol, à la verticale de l’hôpital Shima, situé au cœur de l’agglomération.

L’explosion, équivalant à celle de 15 000 tonnes de TNT, rase instantanément la ville ; 75 000 personnes sont tuées sur le coup. Dans les semaines qui suivent, plus de 50 000 personnes supplémentaires meurent. Le nombre total de morts reste imprécis ; il est de l’ordre de 250 000. Sur les 90 000 bâtiments de la ville, 62 000 sont totalement détruits. Il ne resta aucune trace des habitants situés à moins de 500 mètres du lieu de l’explosion ; disparus, volatilisés, réduits en cendres instantanément.

 

Au retour, les aviateurs voient pendant 500 kilomètres le champignon qui, en deux minutes, a atteint 10 000 mètres d’altitude. L’Enola Gay atterrit six heures plus tard à Tinian. Son équipage est aussitôt décoré.

Pourquoi ?

Oui pourquoi cette abomination, comment des hommes dit civilisés en sont-ils arrivés à faire preuve d’une telle barbarie pour combattre la barbarie ? On découvre que la version des vainqueurs, celle des manuels scolaires, peut-être bien différente de la réalité :

Aujourd’hui, comme à l’époque dans le camp des alliés, on trouve encore des hommes politiques qui affirment que, malgré l’horreur, les bombardements étaient nécessaires pour éviter la mort de centaines de milliers de soldats et de civils dans une guerre très longue. Cet argument est faux, et cache les véritables motivations du gouvernement américain.
En août 1945, replié sur les principales îles et la Mandchourie, le Japon n’était plus en mesure d’offrir une résistance conséquente. Huit millions et de demi de Japonais avaient fui les villes. La production de guerre était réduite à peu de choses. Dans les raffineries de pétrole, la production avait été réduite de 83 %, la production des moteurs d’avion de 75 %, celle des cellules d’avion de 60 %. 600 usines importantes avaient été détruites, 90 % des navires avaient été coulés.

Une étude menée par l’armée américaine après la guerre concluait que même sans les bombes, le Japon aurait certainement capitulé avant le 31 décembre, peut-être même avant le 1er novembre. Dans ses mémoires, le général Eisenhower parlera de sa « conviction que le Japon était déjà battu, que le bombardement était complètement inutile » et que « l’utilisation d’une bombe (n’était) pas nécessaire pour sauver la vie des Américains. » Plus loin, il ajoute que le général MacArthur (l’officier le plus haut gradé dans le théâtre des opérations en Pacifique) pensait que « le bombardement était complètement inutile d’un point de vue militaire. » Enfin, les États-Unis avaient percé les codes des communications japonaises et savaient que le Japon cherchait à négocier et envisageait même de se rendre.

Certains analystes évoquent l’argument qu’après avoir dépensé des sommes colossales pour développer la bombe, il fallait quand même s’en servir, ou que le largage des bombes permettait d’observer l’impact en situation réelle de cette nouvelle arme. D’ailleurs, les deux villes avaient été épargnées des bombardements « classiques » infligées aux autres villes japonaises… afin de mieux mesurer les effets de la bombe atomique ?

En matière de cynisme et de brutalité, les alliés avaient déjà montré leur capacité à terroriser les populations civiles avec des armes classiques, à Dresde ou à Tokyo (entre 80 000 et 100 000 morts à chaque fois).

Quant à Szilard qui avait été très impliqué dans le développement de la bombe, il dira après la guerre : « Si les Allemands avaient largué des bombes atomiques à notre place, nous aurions qualifié de crimes de guerre les bombardements atomiques sur des villes, nous aurions condamné à mort les coupables allemands lors du procès de Nuremberg et les aurions pendus. »

Devoir de mémoire

Ce ne sont certes pas les habitants d’Hiroshima qui risquent d’oublier, ni même le peuple japonais dans son ensemble. De nombreux groupes de scolaires viennent se recueillir et chanter, déposer des gerbes d’origami de grues autour du moment des enfants pour la paix.

Sadako Sasaki

Née le 7 janvier 1943, Sadako était une jeune fille japonaise dont la vie avait été bouleversée par la déflagration de la bombe. Habitant à deux kilomètres du lieu de l’explosion, son corps avait été exposé à une forte radiation.

Durant la décennie qui suivit, Sadako semblait pourtant être en bonne santé. Elle était heureuse et allait à l’école comme tous ses camarades. Elle participa même à des compétitions de course à pied, et permit à son équipe de gagner. Mais à la fin d’une de ces courses, elle fut subitement prise de vertiges. Pensant tout d’abord qu’il s’agissait d’une simple fatigue, elle ne s’inquiéta pas outre mesure. Au fil des jours, ces vertiges se firent de plus en plus réguliers, et l’inquiétude s’empara d’elle et de son entourage. Puis vint un jour de classe où elle s’effondra en présence de ses camarades, et ne parvint plus à se relever. L’inquiétude laissa place à la frayeur lorsque, à l’hôpital de la Croix-Rouge, elle apprit qu’elle était atteinte d’une maladie : la leucémie. Cette même maladie qui avait déjà décimé nombre de rescapés de la bombe atomique.

Désormais alitée à l’hôpital, elle reçut la visite de son amie Chizuko qui vint lui apporter un origami représentant une grue. Chizuko lui raconta alors la légende des 1000 grues. L’histoire raconte que la grue, l’un des plus gros oiseaux au monde, pouvait vivre pendant 1000 ans, et que celui ou celle qui plierait 1000 grues en origami se verrait réaliser son rêve. Le seul rêve de Sadako était de guérir pour reprendre sa vie d’avant et courir avec ses amis. Sadako entreprit donc la tâche de réaliser 1000 grues en papier, parfois aidée de ses parents. Le cœur empli d’espoir, cette légende était devenue une raison de plus de se battre.

Alors qu’il se trouvait juste sous le lieu de largage de la bombe, près du fleuve Motoyasu et la rivière Ota, c’était un bâtiment préfectoral de promotion industrielle, le dôme de Genbakui n’a pas été complètement rasé, contrairement à tous les bâtiments aux alentours. Du symbole de désolation il est depuis devenu un symbole fort, au voisinage duquel on trouve un mémorial de la paix.

Les monuments et lieux de souvenir sont nombreux, notamment le cénotaphe enfermant le nom des victimes connues, la flamme de la paix qui brûlera tant qu’il existera des armes nucléaires dans le monde (elle n’est pas prête de s’éteindre), la cloche de la paix qui résonne tous les six aout, le monument de la paix des enfants (le plus touchant).

Nous découvrons également la stèle de Marcel Junod, médecin suisse qui s’est immédiatement mis à essayer d’aider les hibakushas (survivants), celle de Norman Cousins qui a recueilli leurs témoignage, et celle de Barbara Reynolds qui a collecté les témoignages et les a fait traduire. Cette ci a ouvert un centre d’hébergement à l’époque pour accueillir les hibakushas, le Word Friendship Center. Un personnage à découvrir.

Le sort des hibakushas est d’autant plus tragique que, non seulement ils souffraient physiquement, mais on été rejetés par la société japonaise qui voyait en eux l’image de la défaite, la honte d’avoir été vaincus mais aussi la peur de la contagion. Les victimes étaient culpabilisées, en quelque sorte, vivaient recluses et se cachaient. Il a fallu bien des années avant que leur sort soit reconnu, un vaste sujet.

Ce que nous retiendrons de cette page d’histoire de la « dernière » guerre est que de parts et d’autres, outre les  soldats engagés, les civils et bien sur parmi eux surtout femmes, enfants, vieillards ont payé le prix fort et souffert atrocement. Les atrocités japonaises en Mandchourie font aussi partie de leur triste passif. Nous ne prenons pas parti, nous ne pouvons que désirer la paix, désirer l’anti-nucléaire car les témoignages des rescapés, les images fortes ne peuvent nous laisser insensibles et indifférents quand le nombre de victimes se compte par milliers sur des décennies. Les expériences et les études des effets de la bombe atomique ont été ici, au Japon, réalisés sur des innocents ne l’oublions pas. Malheureusement l’expérience du désastre fait déjà partie du passé, et savoir les armes nucléaires dans un pays comme la Corée du Nord ne peut que nous donner des frissons, sans compter que nous aussi français nous sommes bien lotis de ce côté là !

Akiota-cho, le village en fête

Yashimizu-En, jardin privé ouvert seulement deux week-ends par an, pour admirer les érables rouges. Comme c’est à 50 km, on s’y rend en car. Le jardin n’est pas bien grand, mais qu’est-ce que c’est beau !

Kōyō (紅葉littéralement « feuille rouge ») est l’appellation japonaise du changement de couleur des feuilles en automne, en particulier celles de l’érable japonais (紅葉/椛momiji) ou du ginkgo. Kōyō est l’objet d’une coutume traditionnelle d’apprécier la beauté de ces feuilles, que l’on appelle momijigari (紅葉狩りlit. « chasse aux feuilles rouges »).

Les rues du village sont envahies de stands de nourriture, de vêtements secondes mains, d’artisanat, c’est la fête. Loin de la grande ville c’est très authentique et intéressant. Outre les stands où grillent des poissons inconnus, il y a le pétrissage de pâte de riz gluant (sans gluten) pour fabriquer les mochis, ces douceurs japonaises souvent fourrées de crème de haricots rouges. On adore ! Les ventes d’articles artisanaux divers et variés mais toujours utiles (pas des trucs pour touristes), les gamins tout contents qui cavalent partout, c’est vraiment agréable, une immersion dans la fête dans petit village.

Une dame nous offre des bonbons au miel et un sac de châtaignes, une autre une minuscule tortue en tissu ; la générosité et la gentillesse envers l’étranger ne se dément pas.

L’okonomiyaki, miam !

De retour à Hiroshima, on se retrouve dans un immeuble aux 27 restaurants sur sept étages pour y déguster les célèbres Okonomiyakis, ces crêpes de farine de blé noir, viande, poisson, soja, nouilles, poireaux, oeufs, le tout nappé d’une sauce et de mayonnaise. C’est bon, on en raffole (Néanmoins une bonne galette-saucisse bien d’cheux nous serait bienvenue aussi).

L’okonomiyaki (お好み焼き), littéralement okonomi (お好み, « ce que vous aimez / voulez ») et yaki (焼き, « grillé »), est un plat japonais composé d'une pâte qui enrobe un nombre d'ingrédients très variables découpés en petits morceaux, le tout étant cuit sur une plaque chauffante.

C'est un plat typiquement japonais n'ayant pas vraiment d'équivalent occidental, souvent comparé à la pizza, au pancake ou encore à l'omelette, rappelant l'omelette moyen-orientale appelée ejjeh. Connaissant de nombreuses déclinaisons dans le pays, les variantes les plus connues sont celles d'Osaka et celle d'Hiroshima, le monjayaki (もんじゃ焼き?) tokyoïte, le negiyaki (ねぎ焼き) ou encore le modan-yaki (モダン焼き?).

Il est souvent servi dans des restaurants spécialisés, où il est parfois possible de réaliser son okonomiyaki soi-même en utilisant un teppan intégré à la table.

Le Ramen Stadium.

Les ramen sont tellement populaires qu’ils ont ici un « stadium » où la foule se presse aux nombreux stands pour choisir celui de leur choix. Impressionnant.

Les rāmen (ラーメン) sont des mets japonais constitués de pâtes dans un bouillon à base de poisson ou de viande et souvent assaisonnés au miso ou à la sauce soja, importés de Chine au début du xxe siècle.

Après cinq nuits dans notre mini appartement (selon nos normes occidentales, ici c’est une taille normale), le crachin ne donne guère envie de partir, pour un peu on redeplierait bien les futons pour se recoucher.
Mais l’étape du jour est alléchante, on s’en va sur la petite île de Miyajima voir l’un des « trois plus pittoresques paysages du Japon », rien que ça. Pour une fois ce n’est pas un quelconque organisme touristique qui a établi ce classement, c’est Shunsai Hayashi, un érudit confucéen en 1643 (une époque où internet n’existait pas encore).

Miyajima

Dès l’embarcadère du ferry on comprend qu’il va y avoir du monde, beaucoup de monde, on compare avec le Mont Saint Michel. Et justement voilà une affiche qui confirme cette parenté, comme quoi on avait vu juste :

Le Mont St Michel et Miyajima vont fêter en 2019 leur 10 ans de jumelage

En fait, à part la foule ce n’est pas vraiment la même chose : Il est difficile d’arriver en ferry au Mont St Michel (en vélo aussi hélas), ici il n’y a pas de Mère Poulard avec ses omelettes au tarif délirant, ni même d’abbaye.
Par contre il y a un sanctuaire fabuleux dédié à trois déesses adorées comme divinités de la mer (logique, sur une île), de la fortune et de l’accomplissement (ça ne peut pas faire de mal) et… de la sécurité routière (cette dernière laisse perplexe, sachant que le sanctuaire à été construit en 593, époque où il ne devait guère y avoir de problème sur les routes).

Comme on arrive en début d’après midi, on sait qu’il va nous falloir faire des choix de visite. On ne s’attendait tout de même pas à devoir slalomer dans la foule, pour le coup on crée l’attraction.
On va laisser Pan et Cake sous l’œil vigilant de balayeurs de crottes de sika et partir à pied, c’est moins risqué et on ira plus vite.

Un petit coup d’oeil pour évaluer la possibilité de se faire une série de photos avec les Azub devant le grand O-Torii qui a les pieds dans l’eau. Trop la foule, on reviendra avant le coucher du soleil (là on rêve, mais on ne le sait pas encore). On s’en va vers le parc Momijidani pour prendre un peu de hauteur aux pieds du mont Misen. Comme d’habitude quand il s’agit de grimper il y a moins de volontaires, mais on est tout de même loin d’être les seuls à être venus admirer les couleurs des érables.

Le parcours à suivre pour arriver à la première station de téléphérique est tout simplement magnifique, petits ponts de bois couleur vermillon, anciennes lanternes en pierres qui accusent les âges sous la mousse.
Une belle montée au dessus de la forêt à 430 mètres du dessus du niveau de la mer. De là haut un point de vue où on plonge nos yeux vers les îles posées sur la mer en face de Hiroshima. Whaou…. juste un regret c’est que l’après midi est déjà bien avancée pour pouvoir partir à pied au sommet du Mont Misen.

Quand on redescend les touristes sont toujours là, on aurait quand même tendance à oublier qu’on en fait partie un tant soit peu. Habitués à rouler dans des espaces rien que pour nous ou presque, loin des foules, on est un tantinet déstabilisés quand il y a trop de monde, on ne peut plus rouler tranquilles non mais ! On est vite repérés avec nos tenues de guerriers sur nos destroyers des temps modernes et les demandes de selfies pleuvent, on travaille même pour Azub en faisant au passage faire des essais pour la photo.

Même les petits cerfs Sika s’en mêlent en venant renifler la sacoche de bouffe. Tiens ils sont la eux aussi avec leurs petits croupions blancs et leurs cornes coupées, on rigole de les voir courrir derrière les gens qui ont de la nourriture à la main, ils sont du genre « j’en veux moi aussi » et s’accrochent aux pas des passants ; les japonaises ont la particularité de faire des petits pas en courant, elles trotinent dans leurs petites chaussures pour essayer de sauver leur épi de maïs grillé, c’est assez drôle.

Pour le bivouac ça va être assez simple, on se replie vers le parc Omoto tout près du O-Torii où il n’y a évidemment plus personne dès la nuit tombée, on aura pour seule compagnie les cerfs qui ne manquent pas de venir voir s’il y aurait quelque chose à quémander pendant que nous cuisinons notre dîner. Dommage qu’on ne soit pas équipés pour cuire un cuissot de cerf…

Après une nuit super tranquille (ce n’est pas toujours le cas, notamment quand on bivouaque sous un pont d’autoroute) on se fait la visite du sanctuaire « Itsukushimajinja shrine » avant que les hordes de touristes ne débarquent. Et comme on est très doués, c’est juste au moment de la marée haute, quand c’est le plus beau et que la lumière du matin est magnifique.

La couleur vermillon et les toits de chaumes se détachent éclatants sur le ciel bleu. Les lanternes suspendues sont du plus bel effet et où que le regard se pose ce n’est qu’enchantement, l’éclat de la lumière matinale magnifie cet endroit où, à une lointaine époque, le commun des mortels ne pouvait fouler son sol. Bonne idée car à peine vingt minutes plus tard des groupes arrivent, précédés de leurs guides, marchant vite parce que la visite est minutée, vous aurez compris que ce n’est vraiment pas notre style, on aime prendre notre temps. Visiter un tel lieu au pas de course, quel gâchis !

Evidemment, une image emblématique de ce lieu mémorable :

Nous quittons à regret cet endroit magique et remontons dans le bateau pour 10 minutes de traversée pour retrouver le port de Miyajima. Après un arrêt à la boulangerie « Eiffel » (parce que les tartines y sont bonnes) nous repartons sur la nationale 2 pour la ville de Iwakuni.

Nous sommes gâtés, à une trentaine de kilomètres de là se trouve un autre lieu intéressant à voir, la météo est favorable, ça fera une étape pas trop lointaine.

Iwakuni c’est joli

C’est là que se trouve le remarquable pont Kintaikyō, qui fut construit en 1673 sous le règne du seigneur féodal Kikkawa Hiroyoshi. Bien que censé être éternel, il a été restauré plusieurs fois, notamment suite à un typhon exceptionnel en 1950. Néanmoins, les techniques mises en œuvre lors de sa construction étaient si élaborées qu’il a pu être reconstruit à l’identique, aucune amélioration n’étant nécessaire.

Ses imposantes arches enjambant la large rivière ont pour toile de fond le château d’Iwakuni-jō, trônant au sommet de collines verdoyantes.
 À l’époque féodale, seuls les membres de la classe dirigeante pouvaient emprunter ce pont, lequel reliait le quartier des samouraïs, sur la rive ouest de la Nishiki-gawa, au reste de la ville. Aujourd’hui, il est ouvert à tous moyennant un petit droit d’accès, toutefois vu le monde qui y passe désormais ça doit largement financer l’entretien de l’ouvrage, voire même la reconstruction si un nouveau typhon dévastateur passe par là.

Quand mieux vaut tenir que courir

Pour une fois, le choix de l’emplacement pour passer la nuit va être laborieux. Alors qu’il y a un parc à priori adapté au pied du fameux pont, on décide d’aller dans un autre à trois kilomètres de là avec une montée qui vous chauffe les cuisses. Nous y repérons les lieux, attendant patiemment qu’il se vident de la population sportive. Irène, qui sent pas la chose, au vu du portail de l’entrée, s’en va aux renseignements demander la permission de bivouaquer.
Mauvaise pioche, c’est bien un parc de sports qui ferme ses portes la nuit, pas question d’y rester, même avec des tas de courbettes. On redescend donc à la case départ, la nuit est tombée depuis un moment et n’aimons pas circuler dans ces conditions, alors pour se consoler on se fait une pizzeria au passage, ça change de la cuisine japonaise, puis installation de la tente de nuit, on a tellement l’habitude qu’on la monterait les yeux fermés (sauf qu’il faut de la lumière pour trouver LE caillou adéquat pour enfoncer les sardines).

Finalement, le petit-déjeuner au pied du pont, c’est pas mal.

Les feuilles tombent, les cheveux aussi

Les couleurs d’automne c’est chouette mais ça se passe en automne justement, et on s’en rend bien compte la nuit, il faut bien se rentrer dans le duvet pour ne pas avoir froid. Le matin, c’est polaire et doudoune, pantalon par dessus le leggin, et même bonnet. Mais ça ne dure pas, dès qu’on pédale ça réchauffe et on enlève des couches au fil de la matinée.
Irène va aller jusqu’à enlever une couche de cheveux, alors qu’on passe sur une route minuscule et que Joël aperçoit un salon de coiffure pour femmes dont on se demande bien ce qu’il fait dans ce coin paumé. La coiffeuse n’a jamais eu de cliente occidentale (il n’est peut-être jamais passé d’occidentaux sur cette route, alors les chances qu’un d’entre eux se fasse couper les cheveux là est égale à zéro) et l’autre cliente ira même jusqu’à toucher les cheveux d’Irène car elle n’en croyait pas ses yeux. Ils n’ont pas la même texture que ceux des japonaises qui les ont épais et raides.

Hirono, qui nous avait interceptés sur la petite route et avec laquelle nous avions discuté un bon moment avant la séance de coiffure est revenue juste à temps pour faire l’interprète, du coup ça bavarde allègrement là dedans, la coiffeuse et sa cliente auront de quoi raconter le soir à leurs familles. Et nous nous repartons avec des friandises que nous a apporté Hirono.

Glagla et raffut

Le soir arrive et le froid avec, nous traversons une grande ville, Kudamatsu. Des avenues bruyantes, des alignements de barres HLM, ce n’est pas trop attrayant. On trouve toutefois un square à priori tranquille, à part un toboggan il n’y a pas grand équipement pour les enfants et puis peu importe, le soir il n’y a personne. Le bruit de la circulation devrait baisser durant la nuit, croît on, et on n’a pas tort : À la nuit tombée, la circulation se réduit mais c’est parce que des travaux commencent à grand renfort de marteaux-piqueurs, pelleteuses et autres engins qui font un boucan d’enfer, comment voulez-vous dormir avec ça ? On se rendra compte le lendemain matin que c’était un chantier mobile, la veille ou le lendemain ils auraient été plus loin… Et devinez sur quoi ils travaillaient ? La réfection de la piste cyclable !

Hirono bis

Cette jeune femme qui nous interpelle au bord de la route se prénomme Hirono, comme celle de la veille, mais ce n’est pas la même. Cette Hirono ci est infirmière, elle rentre d’un tour du monde où elle a traversé trente cinq pays, mais pas à vélo, elle se déplace plus vite que nous. Toute enthousiasmée, elle file chercher dans sa voiture Lapin deux viennoiseries qu’elle avait manifestement achetées pour elle même, et nous les offre. Quelle gentillesse !

La ferme de Miki

Pour une fois, nous allons chez un hôte Warmshower, c’est à la ferme de Miki. Le principe est que les invités de passage qui souhaitent y dîner participent au frais du repas, afin d’être juste vis à vis de ceux qui séjournent là pour y travailler le matin. C’est une forme de woofing, on peut être nourri et logé en échange de travaux à la ferme.
C’est sympa, il y a des français, des italiens qui parlent français, et maintenant deux cyclistes bretons.

Le boulot du lendemain consiste à aller éclaircir une bambouseraie, on enfile des vêtements particulièrement seyants pour cette activité utile et plutôt ludique. A l’occasion, on découvre que, même vert, le bambou brule drôlement bien mais qu’il faut fendre les plus gros afin d’éviter les explosions bruyantes lors de la combustion.

Après le travail, on file au sento, le bain public à la japonaise. C’est assez différent de ce qui se faisait en France, ici le bain est un moment de détente très populaire, on constate d’ailleurs qu’il y a du monde. Pas de pudibonderie, on se baigne nu mais d’abord on procède à ses ablutions car il faut être bien propre pour entrer dans le bassin commun (mais pas mixte, il y a une salle pour les hommes et une pour les femmes). Pas de photos, pour des raisons que vous comprendrez.
Le lieu est aussi apprécié pour s’exprimer au karaoké, lequel est également populaire et on constate que les talents sont… variés. On se retrouve avec un micro entre les mains à essayer de chanter Adamo sur des textes en japonais, marrant.

C’est aussi une belle occasion de passer un peu de temps avec une famille japonaise, les enfants sont mignons comme tout, on déjeune chez les grands parents, ce sont des moments précieux.

Ce seront nos derniers tours de roue sur l’île d’Honshū que nous parcourons depuis Tōkyō, à l’exception d’une belle escapade sur l’île de Shikoku. A partir du prochain épisode, nous vous emmènerons sur l’île de Kyushu, c’est pas mal non plus, vous verrez.

9 Comments

  1. Merci pour le reportage sur Hiroshima!
    ça fait réfléchir!
    Il y a aussi un livre et un film, sur »Hiroshima mon amour »

    A bientôt d’île en île!
    B.L

  2. A tiens quelques photos faites par le drone 🙂 Pas encore croisé de shinkansen 🙂 ?? Le train est une autre manière de traverser le Japon, mais ptet pas à l’allure des Shinkansen 🙂

    • Certes, les militaires japonais ont été horribles (y compris avec leurs propres concitoyens) mais fallait-il répondre à la barbarie par une barbarie plus grande encore ? Surtout quand elle était inutile et plus dictée par des considérations politiques que tactiques.

  3. Il n’y a pas qu’au Japon qu’on travaille sur les pistes cyclables.
    Ne vous pressez pas trop de revenir, les travaux ne sont pas encore commencés, mais un autoroute à vélo va passer devant chez vous au Val Froment. La bonne nouvelle c’est que les vélos ne font pas de bruit, vous pourrez dormir tranquille, la mauvaise nouvelle c’est que vous allez avoir du mal à sortir de chez vous, et que votre maison perdra terriblement de sa valeur.
    C’est un scoop, vous êtes sur un axe structurant de Rennes métropôle Acigné / Rennes via Cesson.
    Quand vous ne pourrez plus pédaler, vous pourrez au moins regarder les vélos passer.

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