Luang Prabang

Seconde ville la plus visitée du Laos, Luang Prabang (55 000 habitants) est inscrite à l’UNESCO et, victime de son succès, attire de très (trop ?) nombreux visiteurs. Puisque nous en sommes, voyons un peu si c’est vraiment « l’authentique bijou » vanté par les guides.


Retour sur la terre ferme

Fini de se faire trimballer en bateau, la croisière se termine par la descente (ou la remontée, ça dépend comment on voit les choses) ! Quitter notre petit bateau confortable n’est guère difficile ; sacoches et vélos sont débarqués en deux temps trois mouvements. Le plus délicat reste à faire, il va nous falloir plusieurs trajets pour remonter tout notre barda dans une épaisse poussière sur un chemin pentu pas vraiment aux allures de billard. Une fois nos sacoches accrochées on ahane sous l’effort mais nous allons recevoir de l’aide de gentilles personnes qui vont nous aider à pousser et à rejoindre la route bitumée cette fois ci ! Huit petits kilomètres nous séparent de nos chambres qui ont été réservées par Caroline. Huit petits kilomètres accompagnés par une armada de scooters se dirigeant tous, comme par hasard, vers le centre ville.

Une petite montée d’adrénaline plus tard on se retrouve en effet sur un pont en bois avec quatre planches de chaque coté en guise de voies de circulation, pas le temps de s’arrêter pour immortaliser l’instant, pris par le flot de circulation des scooters nous n’avons même pas le temps de réfléchir, d’avoir de l’appréhension ou tout simplement la trouille…. de se casser la figure, le fleuve mythique coule au dessous de nous. Deux jours plus tard nous reviendrons faire des photos et cette fois-ci nous chevaucherons des scooters nous aussi !!!

Indochine française ?
Nous n'allons pas vous faire une révision de l'histoire de la présence française en Indochine ; néanmoins elle est passionnante. Lorsque que l'on s'y replonge en admirant l'architecture de cette ville nous constatons que nous avons les clés qui vont nous ouvrir les petits tiroirs de notre mémoire où sont enfouis les cours d'histoire.
La révolution Laotienne de 1975 a eu pour effet l'abolition de la monarchie et la naissance de la République Démocratique Populaire du Laos. C'est l'occasion pour le nouveau régime de faire le ménage en envoyant la population de cette ville royale dans des camps de rééducation. Les maisons sont laissées à l'abandon, les temples et pagodes font triste mine, les traditions se perdent, plus de commerces, une ville fantôme émerge alors jusqu'à ce qu'une quinzaine d'années plus tard les autorités assouplissent le régime. Une maison du patrimoine est créée par différents ministères dans les bâtiments de l'ancienne douane datant de l'époque coloniale. Toute personne désirant renover, construire ou agrandir une maison dans la zone protégée vient ici chercher conseil. Elle reçoit ou non l'accord s'il est en adéquation avec le style du quartier et en harmonie avec le reste des habitations et des édifices religieux. Le palais royal est rénové ainsi que les anciennes pagodes.

Petit à petit le centre de la ville renaît jusqu’à ce quelle soit inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco en 1995. Le revers de la médaille c’est qu’il y a aujourdhui dans les rues principales beaucoup plus de magasins, boutiques, hotels luxueux, restaurants et autres agences de voyages que d’habitations.

Nous avons plaisir à parcourir les petites venelles qui mènent sur les bords du Mekong, là où vivent encore des familles.

Du coté des temples, ce n’est pas mal non plus, même si on est loin de la magnificence thaïlandaise. Le palais royal est intéressant à visiter mais vous n’en verrez pas l’intérieur, il est interdit de prendre des photos. Savang Watthana, le dernier roi, a terminé ses jours dans un camp de concentration (cyniquement nommé « centre de séminaire de formation ou de rattrapage idéologique ») , à priori maltraité et affamé, mais la destinée de cet homme et des siens est évidemment controversée selon les sources.

En effet c’est joli, presque propre, un rien artificiel, on ne voit que des touristes et des établissements à touristes. Un peu comme à Chiang Mai en Thaïlande, avec toutefois le MacDo et le Starbucks en moins (ces enseignes impérialistes seraient-elles allergiques au régime communiste ? A moins que ce ne soit l’inverse).

Le night market

Chaque soir, la rue principale se transforme en un immense marché recouvert de barnums rouges et bleus. Là encore, il ne s’agit pas d’un marché pour les locaux mais pour les visiteurs. On retrouve les mêmes articles sur de nombreux stands, à se demander comment les commerçants peuvent arriver à s’en sortir. Ils n’ont pas l’air de stresser pour autant, nombreux sont ceux qui ont les yeux rivés sur leur smartphone, on voit même des vendeuses allongées sur leur marchandise (heureusement que ce sont des tissus, ce serait plus délicat sur des oeufs).

Il y a de très beaux objets et articles artisanaux, si on ne voyageait pas à vélo on se laisserait volontiers tenter.
Alors qu’il est d’usage de marchander pour obtenir un rabais de 10% à 20% (lequel est souvent proposé spontanément), certains clients se font un malin plaisir de négocier jusqu’à outrance, juste pour être fiers d’avoir payé encore moins cher des articles qui sont déjà proposés à des prix très bas pour nos budgets d’occidentaux. Heureusement, il y a des commerçants qui refusent, l’indécence de ces touristes n’ayant semble-t-il pas de limites.

C’est un vrai bonheur dans les ruelles adjacentes de trouver de quoi se restaurer de toute sorte de nourriture. On adore la cuisine de rue, loin des normes aseptisées qui sont les nôtres, on ne se laisse pas pour autant tenter par les pattes de poulets ou la peau de poulet frite dans l’huile.

Tak Bat

Chaque jour à l’aube (il fait même encore nuit), des bonzes vêtus de leurs robes safran et pieds nus sortent à la queue leue leue et en silence de leur monastère et parcourent les rues, où des fidèles remplissent leurs bols à aumône de boulettes de riz gluant. Cette pratique très ancienne du tak bat est fort prisée des touristes, à tel point que c’en est caricatural, cette ribambelle de personnes qui ne voient dans ce rite qu’un peu de folklore auxquels ils sont ravis de participer, assis sur de petits sièges loués pour l’occasion, éclairés par leur guide afin de faire de jolies photos loin de toutes les recommandations de discrétion vis à vis des bonzes ( ne pas s’approcher, pas de flash, pas de selfies, silence…)
Nous nous sommes levés à 5h00 pour ne pas les rater. Néanmoins, arrivés sur place, quand on a vu cette mascarade, nous nous sommes fait discrets et sommes restés en retrait. Nous avons fini par tourner les talons pour aller, par l’odeur alléchés, prendre un petit déjeuner dans un café danois où les pains aux raisins et croissants étaient divins !!! Finalement on est très contents de rencontrer dans la campagne de bon matin tous ces moines loin de la foule des troupes de touristes venus en cars.

Le coucher de soleil

Là aussi c’est une institution, monter sur la colline du Mont Phousy (329 marches, pfuuuu!) pour aller observer le coucher de soleil sur le Mekong ; cette balade sportive fait partie des « incontournables ». Quand on arrive en haut près du That Chomsi et de son superbe stupa de 24 m il y a déjà foule. Il faut se faufiler pour essayer d’avoir une place assise quelque part en attendant le coucher du soleil. Il faut bien le dire ça vaut le déplacement y compris d’observer les spectateurs, selfies obligent ! Le lendemain nous aurons aussi de très belles vues du coucher de soleil depuis les rives du Mékong, il n’était pas indispensable d’aller s’entasser là haut. (C’était bien quand même ! dixit Irène).

UXO

La visite du Centre d’information UXO Laos montre comment, quarante ans après la guerre du Vietnam, mines et engins explosifs non désamorcés (ou UXO, UneXploded Ordnance) continuent de faire chaque jour des victimes dans plusieurs provinces et quels efforts sont fait pour déminer les zones encore dangereuses.

On ne le sait pas toujours, mais ce pays pourtant neutre a énormément souffert du conflit entre les USA et le Nord Viêt Nam. Il a subi en moyenne une attaque toutes les huit minutes pendant neuf ans, ce qui fait du Laos le pays à avoir été le plus bombardé de l’histoire par rapport à sa superficie. Cette campagne militaire a provoqué un million de morts, presque la moitié de la population laotienne.

C’est affolant de voir à quel point les militaires peuvent être inventifs pour trouver des moyens de massacrer le plus de gens possible, incluant évidemment les enfants. Nous visionnons un documentaire qui retrace en partie de ce qu’on appelle la guerre secrète de la CIA qui pendant 9 années ( de 1964 à 1973) pour couper la route des approvisionnements du Vietnam voisin , n’a pas hésité à larguer 270 millions de bombilles (bombes à fragmentation) sur la population du Laos faisant encore aujourd’hui des morts ou des blessés. Ce film met en évidence le travail d’équipes de bénévoles ou de handicap international qui sécurisent des zones entières de rizières, de champs et de collines par des actions de longue haleine dans le but de faire exploser en toute sécurité ces petits engins de mort et de destruction. Le plus poignant reste les témoignages d’adultes ou d’enfants qui ont été mutilés à vie par ces « bombilles » qu’ils ont pu prendre pour des petites balles en acier. Fin 1973 30% de ces bombilles n’avaient pas encore explosé. Nous ressortons de cette visite un peu sonnés et dissertons avec notre ami californien Tim des méfaits scandaleux de cette guerre.

Patate, cascades, civettes, ours et papillons

Une envie d’aller explorer les environs va nous donner l’occasion d’aller de surprises en surprises. Pour cela, nous louons des scooters et changeons de casque.

Le temple patates

Il ne s’appelle évidemment pas comme ça, ce petit temple dans le village de Na Xao. Il passerait aisément inaperçu le long de la route, mais la forme particulièrement inusitée de son chedi évoque irrésistiblement un empilement de deux patates dont une va indubitablement se casser la figure ; ce qui n’est fort heureusement pas le cas sinon on n’en parlerait pas !

On ne saura jamais pourquoi il a été ainsi conçu (style avant-gardiste, symbole mystérieux, influence belge, erreur…), mais ses autres constructions sont beaucoup plus conventionnelles et l’ensemble fort joli.

Le café civette

Ça fait un bout de temps que Tim nous parlait de son fameux civet coffee, et voilàtipas qu’on tombe sur un établissement qui en propose.

C’est le café le plus cher du monde, et il est préparé à partir de crottes. Enfin, à partir de grains de café partiellement digérés puis expulsés par la civette, une petite créature de la taille d’un chat, nommée ici « lumak » qui boulotte les cerises de café mures juste à point. Ses enzymes digestives changent la structure des protéines présentes dans le grain de café, lui enlevant une certaine acidité pour un rendu final plus doux dans la tasse.
Après dégustation, Tim en achète un petit paquet pour ramener chez lui (750 $ le kilo) ; nous on ne se charge pas, de toute façon nous ne sommes pas assez mordus de café pour en avoir envie à ce point là (surtout Joël qui n’en boit pas, ce serait comme donner de la confiture aux cochons).

Les cascades

Le village de Khouang Si n’est pas très loin. Le site, situé à une trentaine de kilomètres de Luang Prabang est très agréable et la petite route qui y mène traverse des villages ruraux. Nous avons quand même du serrer les fesses par endroits ; des travaux de réfection de ponts nous obligeant à descendre et remonter parfois dans la gadoue. Ici on arrose la route pour limiter la poussière, ça a quand même un effet casse-goule !

On s’acquitte d’un droit d’entrée dans le parc national (20.000 kip) soit 2€ et nous voilà déambulant dans un cadre enchanteur au milieu d’une forêt luxuriante. Il y a peu de monde et beaucoup d’espace, les sentiers sont bien entretenus, les papillons volent autour de nous. Nous arrivons devant un site de jolies cascades allant du vert au bleu, formant sur leur trajet des étages de piscines naturelles absolument limpides. Quelques baigneurs y pataugent, c’est vraiment tentant mais nous n’avons, ni les uns, ni les autres les costumes de bain et pas question ici de faire plouf en tenue d’Eve et d’Adam ! Nous allons seulement nous régaler des lieux. Nous ne sommes pas les seuls français a apprécier cet endroit nous y rencontrons Laurie et Sylvain un jeune couple de Bordeaux avec nous allons échanger un bon moment sur le thème du voyage à vélo.

Les ours

Curieusement, le lieu abrite aussi un certain nombre d’ours, notamment des ours d’Asie reconnaissables à leur collier de fourure blanche. Naïvement, on ne savait pas qu’il y en avait dans ces contrées, les éléphants volant sans doute la vedette aux autres animaux (non, on n’a pas vu d’éléphants volants).

Les jeunes s’amusent entre eux, les adultes déambulent benoitement, il y a des balançoires et autres types de jeux, alors ce n’est certes pas la vie sauvage mais ça n’a pas l’air d’être le bagne non plus. Et pour cause : Ce lieu accueille des ours qui ont été capturés par des braconniers qui se sont fait prendre lorsqu’ils voulaient les vendre à des agriculteurs adeptes du commerce de bile d’ours, laquelle est très prisée dans le domaine de la médecine traditionnelle laotienne. Autrement, ces animaux sont commercialisés pour la boucherie à des fins culinaires. Leurs pattes sont très utilisées pour une soupe typique du Laos. Quelle horreur !

Les papillons

Moins encombrant et plus coloré que le précédent, voici le cheptel proposé par la ferme aux papillons :

C’est l’occasion de réviser nos cours d’histoire naturelle, où on voit qu’on avait des lacunes dans le parcours qui mène de la larve au papillon en passant par la chrysalide. Tout ça nous est expliqué par une gentille jeune fille française qui travaille ici un moment en échange d’un toit et de la nourriture. Cette ferme a été créée par des néerlandais à des fins pédagogiques. Un très bel endroit www.laosbutterflies.com

Et après ?

Bonne question ! Pour le moment, ce que nous avons vu du Laos laisse à penser qu’il doit y avoir une autre facette à ce pays, autrement plus « authentique » (ça y est, le grand mot est lâché).

A Luang Prabang, outre l’aspect d’une grande ville touristique, nous aurons été surpris par le comportement des laotiens semblant totalement blasés par le tourisme, répondant à peine à nos questions sans même lever le nez vers nous, ou bien ne donnant que des infos partielles en se replongeant illico sur leur écran…. Bref, avare de mots ou raz le bol des touristes ? Il faudrait aller voir ailleurs si c’est généralisé.

Reste la question du « comment », parce qu’on a comme un petit problème géographique à résoudre. Mais on vous expliquera ça la prochaine fois, patience !

5 Comments

  1. Vous êtes bien désabusés dans ce courriel !!! Il est vrai que vous avez des accueils plus chaleureux dans d’autres pays… Le paysage est quand même très beau.
    Bon courage pour la suite. Mamie Nicole

  2. Nous avons séjourné à luang Prabang une dizaine de jours en février 2007 (!). Il y avait déjà un peu de tourisme mais rien à voir avec ce que vous racontez. Les temples en bois et les grand bouddhas debout en bois brut nous avaient émerveillés et nous nous régalions chaque matin, à un stand de coin de rue, d’un petit déjeuner composé de café lao additionné de lait Nestlé sucré et de tartines de baguettes grillées au feu de bois recouvertes de Vache qui Riz (riz : authentique). Nous ne retournerons pas à Luang Prabang. Nous en avons un trop bon souvenir .

  3. À vous lire on se demande ce que l’Occident a pu apporter de positif, entre les idéologies du mensonge institutionnel, les bombes aveugles, et maintenant les touristes avides et indécents. On comprend que les locaux peut-être volontairement s’en protègent par une attitude distante sur les lieux touristiques.

    J’ai été particulièrement touché par votre reportage sur la mémoire des bombardements
    Ceux-là mêmes qui ont bombardé massivement et sans discernement une majorité d’innocents ont institué le terrorisme d’État. Les Américains n’ont jamais été bombardés sur leur territoire, ce qui peut expliquer en partie leur aveuglement?

    Mais le point commun entre le marxisme et le capitalisme reste le matérialisme athée
    qui progresse et qui fait qu’il n’y a plus de frein moral a tuer pour posséder jusqu’à détruire la vie sur la planète Comme si il n’y avait d’autre roi que le dollar.
    Puissent ces populations qui n’ont pas complètement perdu la mémoire de leur nature humaine échapper à ces idéologies mortifères et continuer à nous montrer la beauté à travers la magnificence des temples et des fêtes jusqu’au fin fond des campagnes (Et tous les Cyclomigrateurs du monde nous le rappeler!)

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