Nosy Komba + Nosy Be = Nous y Voala

On n’avait pas trop l’intention d’y aller, craignant que ce soit une « usine à touristes » (un peu comme Goa, en Inde, que nous avions choisi d’éviter), mais une proposition impossible à refuser nous a fait changer d’avis : On ira donc à Nosy Be. Cependant, ce sera en passant par la petite île de Nosy Komba, autrement plus sauvage et authentique, comme vous allez le constater.

(Pour pleinement savourer la subtilité du génial titre de cet article, il faut savoir qu’en Malgache les « o » se prononcent « ou ». Par ex. Nosy = Noussy )

Après avoir récupéré nos sandales rouchées par les rats chez le cordonnier multi fonction du grand marché, nous quittons Diego  Suarez (Antsiranana) par la RN6 en direction d’Ambanja à bord d’un taxi brousse bien bondé comme d’habitude.

Taxi brousse, 20 personnes à bord
Taxi brousse, 20 personnes à bord

Mais comme la route est longue et cahoteuse, que nous aimons les chemins de traverse, nous ne résistons pas à la tentation de visiter la réserve naturelle des Tsingy d’Ankarana, aussi nous stoppons au bout de 60 km, (mais 3heures de trajet) chez Aurélien à la limite de la réserve dans le village de  Mahamasina. Ses cases nous tendent les bras, c’est sommaire, simple, douche froide et WC, ça nous va bien. Irène est complètement HS, elle est partie de Diego avec un début de tourista, mais là elle tremble, a de la fièvre et s’écroule dans le lit et explose en température (pire qu’à l’extérieur !), on pense à une intoxication alimentaire car elle n’a pas digéré le repas d’hier soir (crevettes chez l’arabe des Arcades), elle ne mangera rien de la journée et restera « bien au chaud » au fond de son lit, sera chouchoutée à coup de tisane de feuilles de goyaves qui ont la particularité de soigner les problèmes intestinaux chez les vazahas !

Au lieu de rester à son chevet, Joël en profite pour aller visiter la réserve accompagné de Romuald, un guide qui va lui faire découvrir des lémuriens jolis « Coronactis ». Irène n’a pas dit son dernier mot et comme le lendemain elle est à peu prés d’équerre nous irons voir la grotte Mava et ses innombrables chauve souris, escalader les tsingys gris, traverser les villages nichés au détour des collines, et découvrir en randonnant la magnifique nature sauvage qui nous ouvre les bras.

Nosy Komba

Voilà une destination qu’elle est bien : On y arrive en pirogue depuis le village d’Ankify, il n’y a pas vraiment de port, on débarque directement et littéralement les pieds dans l’eau dans un petit village où Nestor nous attend, prévenu par Jafar et nous emmène chez Denise qui nous attend dans sa modeste maison. Vous n’avez pas tout compris ? Nous non plus, on est pris en charge voilà tout, tout s’est mis en branle dès que nous avons quitté Aurélien ce matin, c’est le téléphone africain, et les seuls deux vazahas qui débarquent de la pirogue sont les bienvenus.

A l'abordage !
A l’abordage !

Coté confort chez Denise ce n’est pas vraiment du trois étoiles, mais c’est ce qu’on aime : Vivre avec les gens, comme eux, même si on sait qu’on est bien logés et nourris par rapport à la majorité de la population. On ne peut pas être mieux placés, en plein milieu du village. La chambre à côté de la notre est remplie de vanille qui sèche et ça sent sacrément bon, Les cases sont si proches les unes des autres qu’il n’y a pas d’intimité possible, quand une famille s’engueule, qu’un gamin pleure ou tousse, c’est tout le monde qui en profite…. (ça ne les empêche pas de faire plein d’enfants, ils doivent être discrets). D’ailleurs on ne sait même pas où est la limite du terrain de chez Denise puisqu’on voit du monde passer devant, derrière, par les côtés ; le chemin caillouteux qui monte vers le haut du village rase le mur de la maison de Denise, les habitants qui passent par là ne peuvent que nous voir dans notre pièce, et c’est parti pour les « bonjour vazahas » des enfants.

Ici la vie n’est pas simple : Pas d’électricité, pas de routes ni même de pistes, pour aller d’un village à l’autre il faut des heures de chemin escarpé dans la montagne ; mais il y a l’eau courante grâce au captage d’une rivière, et surtout les gens sont extrêmement souriants et gentils. Nous avons rencontré sur la plage des soeurs malgaches enseignantes qui nous confiaient la tâche difficile, physiquement, de grimper tous les jours en haut du village pour faire l’école, mais combien la vie ici était tellement plus agréable que celle de la grande ville d’Antananarivo …et pour cause !!!

La nature est généreuse, tout semble bien pousser dans ce climat tropical, par contre ça se mérite : les parcelles sont minuscules, éloignées des villages, et ça nous impressionne de croiser hommes et femmes portant de lourdes charges sur des chemins sur lesquels nous avons bien du mal à progresser tellement les pentes sont raides. La vanille produite ici est la plus réputée de Madagascar. Le café et le cacao poussent à profusion, on se demande comment chacun reconnait sa parcelle tellement ça ressemble à la jungle.

La traversée de l’île (montée  puis descente) de notre village de Anjiabe pour celui de Ampangorina, sur ces chemins nous épuise, tellement l’humidité est forte, plus un poil de sec, déshydratés++ !!! Nous faisons de petites pauses dans des hameaux habités par deux, voire trois familles, vivant à des heures de marches des deux principaux villages de l’ile.  A l’autre bout se trouve donc le  village de Ampangorina fréquenté par les touristes, d’où l’abondance de boutiques d’artisanat (fort beau d’ailleurs) et de gargotes. Ainsi qu’un petit parc où lémuriens, tortues et serpents sont (trop) habitués à être manipulés. Pour info ça pue quand même un peu les lémuriens, l’odeur va rester collée aux T-shirt le reste de la journée… hummmm !!!

Il y a ici une conscience des enjeux écologiques, par exemple le brûlis n’est plus pratiqué ; cette pratique ancestrale est surtout utilisée pour convertir la forêt tropicale en surfaces cultivables. Par exemple, on coupe un ou deux acres de forêts, on les brûle, avant d’y planter du riz ou du maïs. Après un ou deux ans de production, la parcelle est laissée au repos, puis on répète le procédé. Au bout de 2 ou 3 cycles, les nutriments du sol sont épuisés et la terre est envahie par des broussailles ou de l’herbe. Sur les pentes, la nouvelle végétation est souvent insuffisante pour « tenir » la terre, provoquant ainsi érosion et glissements de terrains. Alors on s’en va détruire d’autres zones de forêts, et ainsi de suite jusqu’à ce qu’il n’en reste plus, c’est pourquoi on peut traverser d’immenses régions totalement dépourvues d’arbres.

Nous terminons ces deux jours très intéressants par un petit passage, en pirogue à balancier, sur un îlot tout mignon protégé, gardé et  n’acceptant les visiteurs que le matin ; tout le monde doit avoir quitté les lieux à 14h. Nous en profitons pour aller une fois de plus rendre visite aux coraux et aux poissons colorés (on y a pris goût). L’eau est d’une limpidité telle que nous voyons les poissons multicolores rien qu’en restant debout près des coraux, c’est magique… Nous aurons la chance de voir passer des dauphins… poursuivis par de gros bateaux à touristes !

Pas de lémuriens sur cet îlot, mais de sympathiques bestioles, dont le très rigolo Bernard-l’ermite qui choisit un coquillage à sa convenance pour l’habiter (il en change quand il grandit, c’est pratique).

Nosy Be

Il faut donc qu’on vous dise ce qu’était donc l’offre irrésistible qui nous a amenés ici. Non, nous n’avons pas cédé aux arguments d’une agence de voyages, c’est autrement plus sympa : Une généreuse famille de cousins bretons, que nous ne citerons pas pour rendre hommage à leur modestie naturelle, nous a offert trois nuits d’hôtel ! Il y avait cependant des conditions pour êtres éligibles, il fallait que ce soit un lieu où se reposer (belle vue, les pieds dans l’eau, piscine un cocktail à la main par exemple) et manger local avec apéro, vin, dessert ( jus de fruits vitaminés pour Joël et open-bar pour Irène!). Vous avouerez que ça ne se refuse pas, d’ailleurs si ça vous inspire, n’hésitez pas à nous faire des propositions similaires…

Alors on se dirige vers Andilana, à 27 km de Hell Ville, la « capitale » de cette « Grande île » (traduction de Nosy Be, nom d’ailleurs assez curieux puisque Madagascar elle-même est surnommée « La grande île »). L’hôtel Belvédère correspond bien à notre cahier des charges, il n’y a pas de piscine mais c’est mieux, la plage est toute proche, super tranquille et avec magnifique coucher de soleil incorporé. Sur ladite plage, le restaurant Chez Loulou est agréable aussi, aussi bien pour y dîner que pour coincer la bulle.

Nous sommes accueillis par Virginie et Marc un couple franco Malgache et leur petite équipe fort sympathique. 6 jolies chambres tout confort dominent la plage en contrebas, nous offrant de fabuleux couchers de soleil l’heure venue. Un véritable havre de paix. Nous partagerons apéro et partie de scrabble avec nos hôtes qui nous apprendrons à regarder Madagascar avec un bout de la lorgnette moins idyllique de cette ile mais pourtant tourné vers l’optimisme.

Hell Ville est la « grosse ville » de Nosy Be, là où se situent les commerces, hôtels à touristes, boutiques à touristes, filles à touristes, bars à touristes, la où se cottoyent allègrement richesse et pauvreté. Vous nous direz mais il faut bien des touristes pour apporter de la richesse à ce pays ! Nous sommes complètement d’accord, mais il existe une espèce de touristes qui nous ferait haïr le genre humain tellement le comportement est odieux, répugnant, malsain, tout puissant, puant, immonde, écoeurant… et d’autres qualificatifs censurés ici, des fois que des enfants liraient ces lignes !!! Nosy Be a du mal à gérer son tourisme sexuel… Ah oui ? A qui donc profit-il le plus ? certainement pas à ces pauvres jeunes filles  bercées d’illusions d’un avenir parfaitement incertain et complètement tronqué.

Voeu pieu
Voeu pieu

Nosy Be a besoin de recevoir des visiteurs c’est un fait certain, une partie de ses infrastructures hors hôtellerie s’en va en vrille, comme cette usine de transformation de canne à sucre qui fut privatisée par l’état et qui a fait faillite quelques années plus tard en 2006 laissant plus de 3000 personnes sans travail, une catastrophe. Tout est en ruine et les champs de canne à sucre envahis par les herbes folles font le bonheur des zébus. Néanmoins des promesses de réouverture  émergent du côté de chez le ministre de l’agriculture… promesses électorales ? L’avenir le dira.

Nosy Be reçoit des visiteurs, et pas n’importe lesquels, des qui ont mis les moyens puisqu’ils ont fait bâtir (l’histoire ne dit pas à combien le bakchich) une belle piste d’atterrissage sur le nouvel aéroport de Fascéne avec une ligne directe Milan- Nosy Be…. Vous voyez de qui on parle ? Et bien on peut vous dire que les italiens fréquentant cet immense complexe hôtelier Andilana Beach Resort (mais pas que les italiens) se fichent pas mal qu’il y ait des habitants et d’autres voisins qui aimeraient ne pas entendre les hauts parleurs assourdissants braillant musique et animateurs s’égosillant dans leur micros pour faire bouger ces mollusques en pâte venus savourer des vacances « clés en main » où tout est prévu, et gare à celui qui pourrait avoir des velléités d’aller goûter aux services exotiques du village, il leur est fortement déconseillé de s’adresser aux locaux ne serait ce que pour louer une pirogue (elle va couler), un guide (il va vous perdre), aller manger dans une gargote (vous allez avoir la chiasse).

Pourtant nombre de guides et de femmes guettent avidement au bord de la plage « privée »  les touristes assez braves pour venir jusqu’à eux et les faire travailler, ils ne demandent que cela, et ils le font bien, pour ce qui nous concerne nous avons été ravis d’avoir fait confiance aux locaux. Si les hôteliers et restaurateurs voisins osent se plaindre, eh bien ça craint tout simplement pour leur vie, certains on baissé les bras. La mafia italiene gangrènerait-elle aussi l’île de Nosy Be en s’étant accaparé ce petit paradis ?

La vie des habitants est rude ici aussi, bien que les touristes reviennent petit à petit après les évènements de 2013 où 2 français et 1 malgache avaient été tués soupçonnés du meurtre d’un enfant sur fond de pédophilie. Les abords de la petite route qui dessert cette partie de l’ile voient fleurir des tas de petites bicoques vendant l’artisanat local, les cabanes restos, les masseuses et maquilleuses, vendeurs de fruits et légumes, chacun essaye de tirer profit du touriste qui passe. Les deux taxis du coin essayent de tirer profit et de remplir leur voiture pour faire les 30 kms qui séparent cette partie de l’ile au port de Hell Ville, l’essence est presque aussi chère qu’en France (une hérésie !) , ils voudraient bien ne pas revenir à vide.

En trois jours nous avons eu connaissance de deux décès : un enfant en bas âge et une jeune maman en couches. La mortalité infantile reste très élevée à Madagascar. Les rites autour de la magie noire et du vaudou sont toujours pratiqués et les croyances encore bien ancrées. Sur l’ile se pratique surtout la magie noire « mauvaise » si on veut se débarrasser d’un concurrent ou de sa belle mère par exemple, ou de la maitresse de son mari (et inversement !).

 

Chocolat, cacao et cabosses

Nous quittons Nose Be à bord cette fois d’une pirogue en plastique (le charme n’est plus le même), les contrôles d’identité vers les blancs sont draconiens, pourtant nous ne sommes que deux , faut sortir les passeports plusieurs fois (rien n’est demandé aux malgaches) !

Une fois à terre, un petit taxi nous déposera dans la ville d’Ambanja, qui ne présente pas un intérêt extrême mais est située sur la RN 6 qui va de Diego Suarez à Tana, d’où le passage de nombreux taxis brousse. On en profite pour aller en vélo visiter des plantations fort sympathiques.

Il s’agit de la plus utile et indispensable culture de tout l’univers connu, à savoir le CACAO ! (Les vrais amateurs de chocolat ne diront pas le contraire). On en apprend un rayon sur le sujet, ce qui est toutefois dommage est que les Malgaches ne profitent guère de cette merveilleuse production, quasiment tout est exporté, c’est trop cher pour eux.


Mais il est temps de rejoindre la capitale où nous avons rendez-vous avec Julien, le fils de Joël que nous n’avons pas vu depuis son départ en mission il y a deux ans. Et ça ne va pas être une mince affaire, ce trajet, la suite du périple va en être durablement impactée…

A bientôt !

9 Comments

  1. Le contrôle des passeport est ce que vivent les blacks et les frises dans nos pays d’Europe!! Ça nous fait réfléchir un peu.. Merci pour ces belles images! Espérons qu’un jour l’île sortira de sa pauvreté et que plus personne n’y sera exploité!!
    Profitez bien de votre rencontre avec Julien

  2. Bonsoir et merci pour « cette échappée Belle »..toujours surprenant dans les contrastes!
    Avec ce reportage on va pouvoir rêver de ces rencontres authentiques!
    Ciao..Bernard Rochefort-sur-Mer

  3. C’est beau Madagascar , Soigne toi comme il faut Irene , je reconnais que tu es forte , avec deja tout ce que tu as eu depuis le debut ….. Ce qui me donne du degout ses hommes qui vont dans ce pays pour ce faire des jeunes filles ou garçons malheureusement il y a aussi d’autres pays qui vivent ce genre de touristes …… Quel horreur …..bon je vais gardée le bon de ce que vous vivez !!!!! C’est pas marrant il y a plus de chiens …………………je rigole …
    J’attends la suite avec impatience … Bisous a vous 2 ………………. Lili

  4. Coucou,
    Désolée pour le retard à vous remercier de ces belles images, de ces beaux commentaires, mais je suis, en « vacances » à Antibes, comme tous les ans pour deux mois chez ma soeur, donc moins assidues au courriel ! Profitez bien de votre fils (moment à privilégier). Misère, misère pour ce peuple

    Bonne pause, bonne récupération et une bise à vous deux.

  5. Vous êtes bien les seuls pour lesquels les départs en vacances de juillet août 2015 ne sont pas un événement
    Ou plutôt si, pour vous qui fuyez les touristes et n’avez pas envie de rencontrer des charters de Bidochons !
    Heureusement il y a la rencontre avec Julien pour changer des caméléons, serpents et lémuriens de service.
    Bises

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