On fait la foire

Nous vous avions laissés à l’île des pins, l’île qui a des airs de paradis, mais d’après ce que nous nous sommes laissés dire, il y a d’autres endroits dignes d’être qualifiés eux aussi de petit coins de paradis.
Nous voici donc de retour à Nouméa « la grande ville » et ce soir nous allons dormir chez Florence et Yann.
Vous souvenez vous de nos deux enfants de voyage David et Marie ? Ces deux là étaient partis une semaine après nous en 2014 pour la Mongolie. Eh bien ce soir nous allons faire connaissance du frère de David installé à Nouméa avec Florence, sa compagne, dans un très bel appartement avec terrasse dans le quartier Magenta. Ça va être l’occasion de faire un Skype avec David qui vit maintenant en Suisse , toute la famille, ou presque est réunie !
Ces deux jeunes gens bossent de bonne heure, alors pour nous ça va bien, l’occasion de démarrer la journée sur les chapeaux de roues. C’est aujourd’hui que nous partons vers le nord du « Caillou » par la côte Ouest.
Sur les conseils de Florence nous avons décidé de prendre le bus pour sortir de la ville et surtout pour passer le col de la Pirogue réputé pour être accidentogène (on se demande d’ailleurs ce qu’une pirogue vient faire dans un col…).


Nous voici donc repartis vers le centre ville direction la gare routière à la recherche du bus n°45 qui va nous conduire jusqu’à La Foa. Avant cela on s’arrête, happés par des odeurs de pain fraîchement sorti du four. Une vraie boulangerie ! La meilleure de Nouméa nous disent les clients qui en sortent. On reste un bon moment devant ce lieu de perdition (le Paradis des Saveurs) non pas pour dévaliser la boutique mais parce que les gens sont curieux de nos vélos et de notre tour de la Calédonie et chacun de nous recommander la prudence comme Virginia, cycliste elle aussi et sa petite puce Lila. D’ailleurs pour bien nous en convaincre on nous apprend la disparition d’un tourdumondiste il y a deux ans, il a été tué sur son trike par une voiture… Voila qui a de quoi nous faire réfléchir… et si on rentrait à la maison ?
Que nenni, non point, on a bien écouté, bien entendu (Il y a une différence) bien imprimé dans nos esprits que la vitesse des automobilistes et l’alcool au volant sont à l’origine de la plupart des accidents, qu’il vaut mieux éviter d’être sur la route le week-end, bref nous voilà refroidis, avertis !
Allez on y va quand même… nous, on a envie de voir ce Caillou de plus près et pas tous ces gens « dangereux » bourrés, agressifs, des tueurs en puissance, pas comme nous quoi..!

Avant de partir nous devons faire quelques achats spécifiques. Explications:

Le Geste coutumier

Du Tabac  ? Parait-il que c’est bien vu ;  ça nous dérange quand même un peu vu que nous  ne sommes pas fumeurs et ne sommes pas venus pour ici-même pour « tuer » nos hôtes, vu que le tabac tue comme chacun sait, mais parait que c’est très apprécié des anciens, alors on se fait violence et on achète 3 paquets de tabac et les feuilles et papier qui vont avec ; Irène achète, Joël à botté en touche sur ce coup là, préférant partir à la recherche de petits drapeaux kanaki pour mettre sur nos vélos avec nos drapeaux bretons. Irène prend un paquet de riz en plus, ça aussi c’est bien vu pour la coutume…on verra…

Les cochonneries bien de chez nous

En Australie et Nouvelle Zélande on ne trouvait dans les supermarchés que des cochonneries telles qu’il valait mieux ne pas regarder la composition sous risque de se décomposer, la liste des additifs étant bien plus longue que les ingrédients du produit initial.
Ici on est contents, on trouve aussi des tas de cochonneries dans les supermarchés, mais elles sont bien de chez nous, ce qui change tout. Nestlé, Danone, William Saurin et les autres sont en rayons, la (mal)bouffe industrielle comme on la connait, c’est presque rassurant. Il n’y a que sur le chocolat, sujet sensible s’il en est, que les anglo-saxons étaient meilleurs ; non pas avec leurs horreurs de chez Cadbury mais ils ont le bon gout d’importer du Lindt alors qu’ici on ne trouve que du Cémoi ou des marques encore plus infâmes dans lesquelles le cacao a du mal à trouver sa place au milieu des matières grasses.
Autre différence, les cochonneries de là bas étaient certes chères mais celles d’ici sont horriblement chères ! Les prix sont délirants, c’en est à si demander si les marchandises voyagent en Business Class.

Ceci dit, un panier de courses plus tard nous voilà fins prêts à mettre nos vélos dans la soute du bus, celui du début d’après midi parce que ceux de ce matin ont étés pris d’assaut par les locaux et les « broussards » (comprendre ceux qui n’habitent pas Nouméa).


Bien installés nous constatons en effet que la banlieue de Nouméa n’a rien de bien transcandant, de plus il y a des travaux de voirie un peu partout. Nous nous éloignons progressivement, passons Boulouparis, un haut lieu des tribulations, insurrection de juin 1878, montons doucement vers le col de la Pirogue, fameux col si craint des automobilistes, puis redescendons dans les virages bien prononcés dudit col sans accident aucun. Ouf nous arrivons sains et sauf à la Foa ville située à environ 115 km de Nouméa, dans la Province Sud.

Les 3 provinces

Le pays est divisé en trois provinces, c’est très simple : la Province Sud, la province Nord (logique, non ?) et les îles Loyauté (Maré, Lifou et Ouvéa). Il n’en a pas toujours été ainsi, pendant un temps il y a eu quatre provinces, mais les tractations politiques ont abouti à la situation actuelle qui semble stable, à moins que le prochain référendum d’autodétermination en 2018 ne change encore la donne.

La Foa

C’est une petite commune de 1500 habitants. On remonte nos sièges et nos sacoches et suivons les conseils d’une habitante qui nous dit d’aller se renseigner chez les gendarmes, parce que l’office du tourisme est fermé (16:00) et qu’il n’y a pas de camping ici. Ceux-ci nous renvoient à l’office du tourisme qui en fait n’est pas fermé (ne pas croire tout ce que disent les gens) qui nous envoie au village voisin qui, lui, a un camping… Bon ça commence à bien faire, on s’en fout après tout de savoir où on va dormir. Depuis quand est-ce qu’on planifie nos lieux d’hébergement ? Sauf que c’est notre première nuit à l’arrache sur le terrain, il nous faut ne pas faire d’impair en campant sauvage. Ici chaque bout de terrain appartient à quelqu’un et il est de bon ton de demander l’autorisation avant de s’installer.
Alors on pédale en direction de Moindou, on se fait klaxonner par 3 véhicules de pompiers, on ne sait pas s’ils se manifestent pour qu’on se pousse ou bien s’ils nous saluent à leur manière.
Nous aurons la réponse quelques kilomètres plus loin puisque nous les retrouvons près d’un borne incendie, tous sortis de leur véhicule (on a raté la photo). Juste à l’intersection de la route qui mène au fort Téremba. On y va ou pas ? 2km500, allez hop on verra bien ! Du coup on ne peut pas passer devant les combattants du feu sans répondre aux points d’interrogation qui clignent dans leurs yeux. Ils sont juste en manoeuvre et sont en train de repérer le terrain. On s’inquiète auprès d’eux d’un lieu où poser la tente ce soir, pas de problème, la plage est là bas demandez à un local avant, mais c’est sur qu’il ne refusera pas. Bon c’est comme d’hab quoi !!!

 

Au final on se retrouve face à un magnifique fort qui fût construit en 1871. C’était le quartier général pour les militaires français et il a servi également de pénitencier jusque dans les années 1890. Aujourd’hui cet endroit accueil un spectacle son et lumière chaque année au mois de novembre ainsi que des classes vertes de découverte du patrimoine bâti de la région. Le mur du préau est tapissé de quelques photos d’anciennes bâtisses et demeures qui ont été restaurées dans la tradition avec des matériaux de construction de l’époque.

Une famille est en train de finir la visite, nous engageons la conversation, une bretonne : Audrey et un auvergnat : Dominique, charmants avec leurs enfants qui nous laissent leur adresse sur Dumbéa en cas de besoin. Ce soir nous ne piquerons pas la tente mais allons dormir dans un grand dortoir de 14 lits, nous n’avons que l’embarras du choix. Ce sont Chrystelle et Angello, les gardiens des lieux qui nous ouvrent la porte pour la nuit, on ne pouvait s’attendre à mieux puisque nous aurons une douche chaude et les toilettes, sans compter le préau à l’intérieur du fort, pour s’abriter et faire la popote. Luxe suprême il y a une connexion internet, on peut donner des nouvelles à ceux qui nous skypent (C’est un néologisme : Je skype, tu skypes, nous skypons, etc.)

Plus ou Moindou

Nous nous retrouvons le lendemain matin sur la RT1 avec pas mal de circulation, c’est parce qu’il y a la foire de Bourail à partir de demain et pour tout le week-end du 15 août. Alors on fait gaffe à nos arrières puisque la circulation est paraît-il dangereuse. A Moindou on fait nos courses à l’épicerie des « 2 cocotiers » et on se laisse tenter par l’odeur d’un saucisson de cerf tout frais (qui cavalait encore la semaine précédente dans les montagnes) et d’une boite de vache qui rit…(celle qui rigole depuis des années). Ben oui on achète pas toujours ce qu’on aimerait bien, pas facile quand on ne transporte pas de glacière et qu’il n’y a pas de frigo sur les bivouacs du soir. Les conducteurs croisés nous font des grands signes d’encouragements. On se fait doubler à grands coups de klaxon, près du col des Arabes, par Bertrand (le mari de la capitaine du catamaran, pas marrant) et son équipe qui s’en vont exposer leur panneaux solaires à la foire.

Un « itinéraire conseillé » est mise en place par Nessadiou, un village qui longe la côte, on y va et on ne le regrette pas, que des paysages champêtres écrasés par le soleil, la mer qui se dessine à chaque virage, et aucune circulation car personne ne suit le conseil, tant mieux. Ca rallonge mais peu importe, on n’est pas pressés.

LA foire

La foire de Bourail est l’événement de l’année, incontournable, immanquable. Elle dure trois jours et se tient au champ de foire (logique), attirant de très nombreux visiteurs à chaque édition. Et comme c’est la quarantième, on constate que le succès est toujours au rendez-vous.

Pour nous c’est la première, et une seule journée nous suffira, vu qu’on n’a pas l’intention d’acheter un tracteur ni un troupeau de vaches. On a dormi sur place la veille aux soir, près de la rivière, ce qui aurait pu être agréable sans un voisinage raciste et bruyant, on en reparlera plus tard.

Mélange de comice agricole, de fête foraine et festivités caldoches et broussardes, la foire est l’occasion de voir de beaux étalages de productions locales, notamment les moult tubercules et racines qui sont inconnus chez nous. Les artisans font aussi preuve de beaucoup de talent, nous passons du temps à discuter avec eux, c’est très intéressant. Par contre, ici comme ailleurs nous ne sommes pas de bons clients pour l’artisanat, vu qu’on n’achète rien sauf si ça se mange, comme ça on n’a pas à le transporter.

Dans le genre pétaradant, des types en moto qui se livrent à des acrobaties qu’on n’envisagerait guère avec nos vélos (même pas en rêve). Il y aura aussi un rodéo le lendemain, qu’on ratera puisque nous serons partis, mais ce doit être du même acabit que celui auquel on a assisté en Australie. On ne va dire que quand on en a vu un on les a tous vus, mais le style ici étant assez calqué sur celui de chez les kangourous (sauf les tracteurs qui sont quatre fois moins gros), pas de grande surprise a attendre.

Nettement plus local, un groupe de danseurs se produit avec conviction sous un soleil ardent et devant un public un peu clairsemé. On trouvera même un bande de crêpes (faites à la poêle) et de gaufres alors on craque….

N’ayant pas l’intention de passer une seconde nuit ici, nous reprenons la route pour rejoindre la côte, un peu de calme et de plage ne nous feront pas de mal. En fait ça ne va pas être si calme que ça, mais on ne le sait pas encore.

Deva

Peu avant d’arriver à Poé, sur la côte, se trouve le domaine de Déva (et non le domaine d’Eva) qui est une sorte d’espace naturel protégé avec des tas de chemins de randonnée pédestre, équestre et cycliste. L’entrée en est matérialisée par une superbe case entourée de belles sculptures. Il y a aussi la cabane du gardien, mais c’est moins spectaculaire.

Les circuits sont bien balisés, avec des niveaux de difficulté croissants, on va choisir un mix entre le vert et le bleu, délaissant le rouge et le noir qui seront pour une autre fois (une autre vie ?).

Question difficulté, c’est suffisant car il fait bien chaud, les chapeaux de paille obtenus lors de la foire sont bienvenus (Merci Nouvelle Calédonie 1ère). Les paysages sont sauvages et désertiques, une fois quittée la route on ne rencontrera plus âme qui vive.

La sécheresse est omniprésente, tout est grillé, il ne faudrait pas que ça s’enflamme car le feu progresserait probablement très vite.

Poé

C’est au camping « Le Rêve de Némo » que nous avons choisi de séjourner et c’est là que nous allons faire la connaissance de Marcel et Léo, deux charmants gamins ; comme ils ne sont pas là tout seuls, on rencontre aussi Paul et Nastassia qui passent quelques jours de vacances à l’écart de Nouméa où ils résident. Charmant voisinage, ça fait du bien après une première nuit trop courte car les occupants des deux tentes d’à coté ne se sont pas privés de parler à voix haute jusque fort tard dans la nuit, comme s’ils étaient seuls au monde et jusqu’à 4h du matin….les c& »‘§^$ !!!)  On a donc changé d’emplacement pour la nuit suivante et là c’était bien, on n’entendait pas trop le karaoké du camping.

Sauf qu’on décide de rester une nuit de plus et qu’on a la mauvaise surprise en rentrant de balade de voir qu’une énorme tente a été installée quasiment sur la notre, il a encore fallu déménager, ça finit par agacer, on n’apprécie pas de jouer les bouche-trous. Nous faisons également connaissance de Laurent un quinquagénaire qui a bien bourlingué à travers le monde lui aussi, marié à une vietnamienne et ayant décidé de venir s’installer sur le caillou, suite à des déconvenues avec le gouvernement viet (on vous passe les méchants détails), il cherche du boulot avant de faire venir sa famille. On va sympathiser et il nous fera le plaisir de venir nous dire au revoir le matin suivant. A bientôt Laurent sous d’autres latitudes qui sait ?

Ça y est le week end du 15 août est terminé ainsi que la foire et tout le monde est rentré à la maison, ou presque. Toujours est il que nous quittons Poé en passant par le col de Ouaro du même nom que la tribu qui vit ici. Finalement il est moins méchant à monter que nous l’avions cru (on l’avait descendu à fond les manettes il y a 2 jours en fin de journée bien fatigués) et appréhendions sa montée.

On s’attendait à la Roche percée à voir une roche avec un trou, normal quoi ! Que les éléments, vents et marées en soient venus à bout à force de la buriner, qu’à travers le trou on puisse voir la mer et faire une photo délirante. Point du tout, on découvre une jolie plage, c’est vrai, dont les vagues montent à l’assaut d’une roche qui la surplombe. mais il n’y a qu’une simple cavité, l’ébauche du début d’un commencement de grotte. C’est ici la plage de la tortue, sur ces sables blancs  les tortues à grandes tête viennent se reproduire, déposer leurs oeufs au creux du sable avant de repartir vers des eaux de nourissage en Australie. Ça n’est pas la saison, alors nous ne verrons pas non plus les tortues.
Tout de même nous n’aurons pas fait ce petit crochet pour rien, nous allons rencontrer Alonso et son copain Axel deux jeunes garçons de 13 ans, très curieux de notre organisation en voyage, ébahis de tous les pays que nous avons traversé « trop forts les vieux ! «  ils vont nous accompagner jusqu’à la sortie du village parce que « franchement faire le tour du monde à vélo, ils se sentent pas cap… » Rendez vous dans 20 ou 30 ans les garçons, qui sait ?

En tout cas, nous on part gonflés à bloc on a bien aimé cet échange naïf et plein de fraicheur avec ces deux loupiots.

Bourail sans foire mais avec histoire

Maintenant que l’animation annuelle est terminée, Bourail retrouve sa langueur, on en profite pour visiter le musée qui s’avère intéressant.

Une petite page d’histoire

 

L’annexion française
Au début des années 1850, les Français ont besoin d’une base militaire stratégique dans le Pacifique et d’une alternative à la colonie pénitentiaire de l’île du Diable, au large de la Guyane, où sévit le paludisme.
 En 1853, sous prétexte de protéger les missions catholiques françaises, Napoléon III ordonne l’annexion de la Nouvelle-Calédonie. Lorsque le drapeau tricolore est hissé à Balade le 24 septembre 1853, le Royaume-Uni ne réagit pas car il est trop occupé par ses nouvelles acquisitions en Nouvelle-Zélande et en Australie. Après la nomination, en 1862, d’un premier gouverneur, la Nouvelle-Calédonie demeurera sous contrôle militaire jusqu’à la fin du XIXe siècle.
 La colonie pénitentiaire
 L’exil et la déportation constituent des chapitres douloureux mais indissociables de l’histoire de la Nouvelle-Calédonie. À l’époque où elle faisait office de colonie pénitentiaire, on disait des forçats envoyés sur le “Caillou” qu’ils allaient à la Nouvelle. Aujourd’hui, on parle plutôt de Calédonie tout court.

La déportation des Kanak
En Nouvelle-Calédonie même, les Kanak convaincus d’activisme anticolonial étaient exilés sur l’île des Pins et les îles Loyauté, ou envoyés dans les institutions pénitentiaires d’autres possessions françaises. Les déportations massives ont fait des dégâts considérables dans la société kanak.
Ce type de peine s’appliquait systématiquement aux chefs tribaux. En 1858, le chef Bouarate de Hienghène, accusé de complot contre les Français et d’hostilité envers les missionnaires, fut expédié au fort de Taravao, à Tahiti, où il passa cinq années.
 Neuf ans plus tard, les autorités condamnèrent treize Kanak de Pouébo aux travaux forcés sur l’île de Lifou. Les dix survivants se retrouvèrent ensuite dans la prison de l’île de Poulo Condor en Cochinchine (dans le sud de l’actuel Vietnam). Leur chef, Ouarébate, fut pour sa part déporté à Tahiti. On leur reprochait à tous des délits commis lors du soulèvement de Pouébo en octobre 1867.
Les participants à la révolte kanak de 1878 furent pour la plupart confinés sur l’île des Pins ou les îles de Belep dans le Nord. Certains chefs furent toutefois transférés à Tahiti, notamment Boerou, qui mourut dans un hôpital de Papeete en 1879, et le grand chef Oua-Tom, qui demeura en Polynésie jusqu’en 1888.
 À l’issue du second conflit qui opposa les factions catholiques et protestantes sur l’île de Maré, quinze meneurs protestants furent envoyés à Poulo Condor en 1881. Leurs lettres décrivent des conditions de vie ignobles, marquées par les coups, la privation de nourriture, l’isolement total, la maladie et la mort.
 En 1887, le chef Poindi-Patchili mourut à Obock, près de Djibouti, où il était retenu depuis l’année précédente. Le grand chef de Hienghène en 1894, le jeune Bouarate, endura l’exil sur l’île des Pins avant d’être amnistié en 1896. Il fut par la suite déporté à Tahiti, subissant ainsi le même sort que son grand-père.
Les premiers bateaux de prisonniers partis de France abordent en mai 1864 à Port-de-France (actuelle Nouméa) au terme d’une pénible traversée de  six mois par le cap de Bonne-Espérance. À l’arrivée, les forçats sont enfermés dans de vastes huttes sur l’île Nou en attendant l’achèvement du pénitencier. Ils travaillent aux ouvrages publics, notamment à la construction de routes et de la cathédrale Saint-Joseph à Nouméa. De 1887 à 1895, les plus récalcitrants sont envoyés au camp Brun, surnommé “l’abattoir”.

Jusqu’en 1897, près de 25 000 personnes, dont 1 000 femmes, seront ainsi déportées en Nouvelle-Calédonie pour divers crimes. Une fois libérés, la majorité des anciens forçats, ceux condamnés à une peine supérieure à huit ans, sont contraints de s’installer sur l’île. Certains reçoivent des terres tandis que d’autres reprennent des commerces. Ceux qui ne parviennent pas à se réinsérer dans la société finissent leurs jours à l’hospice du pénitencier.
La déportation s’arrête en 1897, mais la diminution des fonds alloués à la colonie pénitentiaire fait empirer les conditions de détention, notamment l’accès aux soins médicaux. Le pénitencier est finalement fermé en 1928 et l’île Nou rebaptisée Nouville.

Extrait du Lonely Planet Nouvelle-Calédonie

On se penche un peu plus sur les différentes dénominations des colons arrivés sur le Caillou :

  • Les transportés ou forçats, arrivés par un premier bateau l’Iphigénie en 1864, ils seront 21 000 en tout. Ils purgeront des peines de travaux forcés de huit ans à perpétuité en effectuant des travaux importants : routes, ponts, ports, les bâtiments publics dont ceux de la pénitentiaire.
  • Les déportés politiques qui avaient commis des « crimes contre l’état » (comme les kabyles et les communards). Ces derniers ayant participé à l’insurrection de Paris en 1871 étaient pour la plupart des artisans, ouvriers ou employés qui défendaient des idées égalitaires. Ils n’étaient pas soumis aux travaux forcés (4 252 déportés, parmi lesquels Louise Michel et Henri Rochefort).
  • Les relégués ou récidivistes.
  • Les incorrigibles : les criminels endurcis qui sont affectés aux travaux les plus pénibles.
  • Les concessionnaires : les libérés qui choisissaient leurs épouses (« volontaires » des prisons francaises ou femmes kanak) en allant les observer au lavoir sous l’oeil vigilant des soeurs maristes qui veillaient à ce qu’il n’y ait pas d’impair avant le mariage !

Le musée évoque l’histoire de la colonisation française à travers les objets d’époque, lettres, manuscrits et photographies. Une vitrine (si petite) sur les condamnés kabils qui se sont retrouvés déportés ici parce qu’ils avaient protesté contre l’occupation française en Algérie. Notre histoire, telle que nous ne l’avons pas étudiée dans les manuels scolaires et qui nous fait poser questions. On s’était imaginé naïvement en découvrant l’histoire de la colonisation australienne que, contrairement aux Anglais, nos chers ancêtres auraient été incapables de cruauté envers les aborigènes. Nous découvrons ici que les dessous d’une colonisation, aux prétextes de religion ou de relégation de ses prisonniers sur des terres conquises par Napoléon III, ont provoqué leurs lots de souffrances et d’atrocités de part et d’autre. Les Kanak, les bâgnards, les colons volontaires, l’armée, les gouverneurs…..

Accessoirement, le musée expose la dernière guillotine, et son panier ! (celle qui avait servi à l’époque du bagne et que les gens du coin ont planquée lorsque l’Etat français a voulu la rapatrier en métropole). Il faut dire qu’elle avait fait du bel ouvrage , décapitant une bonne centaine de personnes entre 1867 et 1940, date de la dernière exécution.

Nous reprenons nos vélos avec la tête pleine de contradictions, ne pas se laisser démoraliser surtout en gageant qu’aujourd’hui, que demain peut être ce petit bout de France, ce Caillou aimé de tous ses habitants, vivra en parfaite harmonie.

Un truc si vous passez par Bourail, ce n’est pas dans nos habitudes mais là on va dézinguer un établissement : Evitez le snack Hibiscus, la viande est si peu fraiche que même la sauce n’arrive pas à en cacher le (mauvais) goût ! Quant aux frites, c’est du carton.

Le paradis d’Amédée

Nous entamons la montée vers l’Est, vers la ville de Houailou sur la transversale du Col des Roussettes.
Ce soir nous allons nous arrêter dans la tribu de Poté, au paradis d’Amédée.
Arrivés sur les terres de la tribu nous sommes conduits par de jeunes garçons et nous faisons d’abord connaissance de Marie l’épouse d’Amédée, qui nous emmène « là haut » où se trouve son « vieux », comme ils disent ici. Après avoir grimpé une sacrée $@÷&¥*/^ de montée, voilà qu’on se retrouve en pleine forêt. On laisse nos vélos à l’entrée d’un sentier pour suivre Marie qui nous précède (une vraie chevrette pieds nus). Impossible d’aller plus loin, trop casse goule, même à pied, c’est tout dire… mais où est-ce qu’elle nous emmène la « vieille » ? Au bout d’un chemin cahoteux à flancs de colline que si tu glisses tu te retrouves dans les fourrés une cinquantaine de mètres plus bas, la tête dans les buissons comme le pamplemousse qui sort on ne sait comment de la sacoche de Joël (va pourtant falloir aller le récupérer hein Joël !!!) On se retient comme on peut à une « barrière » de fils électriques de récupération sensée nous retenir de tomber, on suit le chemin fléché par des bouchons en plastique et nous voilà maintenant escaladant et traversant sur des gros rochers avec la rivière qui coule heureusement pas trop fort.

Surprise nous voici arrivés au « paradis ». Une petite maison domine la rivière, elle est construite sur la rivière, c’est insensé ! Une retenue en parpaings forme un grand bassin pour ceux qui veulent se baigner juste au dessous de la maison. Celle ci n’a ni portes, ni fenêtres, simplement les ouvertures. C’est Amédée qui l’a construite en transportant tous les matériaux sur son dos et on se dit que c’est un sacré bonhomme parce qu’il faut être une vraie gazelle pour venir jusqu’ici même avec une seule sacoche !

L’intérieur est décoré de bric et de broc, des tas de petites choses de toutes les couleurs, des coeurs dessinés sur les murs, des fleurs, des breloques en suspension, des petites lampes à piles dissimulées pour « faire l’ambiance » nous dit- il. Un coin cuisine avec l’évier le long de la falaise, l’eau arrive directement de la rivière ; c’est comme ce rideau de pluie qu’il met en route et qui tombe du toit juste devant la fenêtre avec vue sur la forêt. 2 lits de camps sont posés sur des parpaings et on ferme la fenêtre avec une pièce de tissu pour empêcher les courants d’airs. Amédée aime parler et rire, c’est un joyeux à l’oeil pétillant de malice, très curieux. Il rêve d’aller sur l’île de Pâques et voir les pyramides d’Égypte. En attendant il bichonne son petit paradis en y apportant des modifications et des décorations au gré de sa fantaisie. C’est ici, dans le jardin, sous les arbres entourés de bananiers et d’ananas qu’il fait cuire le bougna que Marie prépare, un vrai coin de Paradis et un vrai coup de coeur en pleine nature. Un seul bémol : Marie, sans doute très magnanime, doublera le prix prévu du départ 3000 francs (25 euros), on l’a un peu mauvaise….

Le gag classique

Les lunettes oubliées dans la tente, ce n’est pas la première fois, il n’y a plus qu’à la déplier et fouiller dedans… sous le regard amusé d’Amédée.

La petite traversée

On a viré de bord, exit la côte Ouest, direction la côte Est. Petit problème, entre les deux c’est une chaine montagneuse (la Nouvelle Calédonie a des points communs avec la Corse). Il n’y a pas cinquante routes pour traverser, seulement cinq, ça limite le choix. La première ayant été exclue parce qu’elle arrive sur une route fort peu adaptée aux vélos le long de la côte, nous sommes désormais au pied du col des Roussettes.

Eh bien ça grimpe mais ça se fait bien, les pourcentages sont raisonnables, on n’aura jamais besoin de pousser. Il faut dire que l’altitude reste très modeste avec 400 m, mais sur la journée ça fait 900 m de dénivelé et ça suffit largement.
Non seulement le trajet s’avère agréable, mais il y a des pauses bienvenues dont on ne bénéficierait pas en métropole : Les stands de fruits et légumes en libre-service, il suffit de mettre les sous dans la caisse, il y a même de la monnaie posée dessus pour ceux qui n’ont pas l’appoint.

Les pamplemousses sont énormes et très savoureux, par contre il faut être outillé pour s’y attaquer : La pelure est extrêmement épaisse, un bon couteau s’impose. On n’en trouve pas des comme ça chez nous, peut-être que ce ne serait pas rentable d’importer autant de pelure que de fruit mangeable, par contre ils sont autrement plus doux que ceux de Californie ou Israël.

Nous voici enfin en pays Kanak, on a lu et entendu beaucoup de choses à ce sujet, nous allons maintenant voir par nous-mêmes ce qu’il en est.

12 Comments

  1. Super reportage encore pour notre plus grand plaisir. J’avoue que la Nvelle Calédonie n’etait pas dans nos plans mais là on va y reflechir!
    Superbes photos… et … un truc qui m’intigre … vous avez un drône maintenant sur le vélo?
    A tout bientôt pour de nouvelles aventures!
    Bonne route! Take care!
    Corinne de Sydney

  2. Merci toujours aussi magnifique votre périple conté et photographique !
    Merci les artistes pour votre prose et vos photos.
    Dis donc Joël qu’est ce qui c’est passé en chemin : le tabac et la caisse n° 5 réservée à l’alcool ??? Je ne te reconnais plus !
    Bizh

  3. Bonsoir
    La diversité des rencontres est un cadeau d’humanité!Merci aussi pour tous ces paysages hors des sentiers « battus »
    Au plaisir d’un autre reportage..A très vite!
    Bernard

  4. Superbe, la maison d’Amédée. Des idées à piocher pour transformer la vôtre, à votre retour. Histoire de prolonger encore et encore votre périple. Bravo pour votre prose… Bisous

  5. bonjour les cousins , je lis vos commentaires c’est un régal , comment faites vous ?, je vous admire toujours la pêche un gros bisous de guy et josseline on vous aime

  6. Hello,
    Toujours aussi intéressant vos reportages,chaque km que vous nous faites partager ,la routine n est pas votre plat quotidien et c est pas fini…
    Bon vent du bon pommier

  7. De la fraicheur et de la bonne humeur !! C’est ça qu’on aime et c’est pour ça qu’on vous aime !!
    Que c’est bon de revoir des images de la Calédonie…
    PS : par pitié ne revenez pas avec l’accent caldoche 🙂
    F&M

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