En route vers l’Ouest

En voiture et en direction de l’ouest, cette fois-ci vers des contrées que nous n’avons encore jamais parcourues. Il n’y aura donc pas d’autre « Retour vers le futur » avant fort longtemps.

Premier arrêt sur cette route de l’ouest au niveau de la Victoria River, la plus grande du Northern Territory, avec ses 800 km et de l’eau en permanence, même en cette fin de saison sèche (le Dry). Elle serpente au milieu de falaises de grès rouge qui agrémentent un paysage qui était plutôt plat depuis Katherine.

La Victoria River Roadhouse qui fait à la fois camping, hôtel avec cabines, station d’essence et magasin (petit) d’épicerie basique est le seul endroit de ravitaillement à 300 km à la ronde. A part le carburant, il n’y a pas grand chose dans la boutique mais comme on a des provisions plein la voiture, ce n’est pas un problème. On perçoit tout de suite la difficulté quand on est à vélo dans cette région…
Ce n’est pas un paradis pour camper, mais pour une seule nuit ça ira, même si le propriétaire des lieux est un ours : Nous lui avons remis des brochures de part de la Katherine School of the Air, c’est tout juste s’il a grommelé un remerciement, un vrai sauvage du coin, les avis des campeurs sur WIKICAMP sont d’ailleurs dans ce sens, on le confirme.
Le lendemain matin, petite rando pour bien commencer la journée, comme on ne pédale plus il faut bien entretenir la forme. L’Escarpement Walk a l’avantage de permettre de découvrir la région depuis un point escarpé (d’où son nom, comme quoi c’est bien fait), mais aussi les croyances des peuples Nungali et Wardaman concernant la création des lieux et notamment les légendes mythiques à propos de l’arrivée et la disparition des eaux.
Les Aborigènes ont un lien très étroit avec leur terre nourricière, pour eux tout est lié elle fait partie d’eux même comme les animaux, les plantes et les arbres, ou les éléments.

Timber Creek

La petite ville de Timber Creek est bien vite parcourue : Avec ses 230 habitants elle a tout de même deux stations-services, lesquelles sont quasiment sa seule raison d’être aujourd’hui, sans cela personne ne s’y arrêterait. Accessoirement, ces stations-services permettent de camper et d’acheter des victuailles, comme il se doit. Et notre petite tente parait carrément minuscule à côté des caravanes monstrueuses qui nous entourent. On y croise ceux qui montent vers le Nord et ceux qui vont vers l’Ouest avec forcément échanges d’informations sur les sites où camper et les curiosités à découvrir, c’est facile d’engager la conversation ; peu importe le moyen de transport, tous ces voyageurs sont là en train de sillonner les routes de cet outback sauvage et désolé.
« Vous venez d’ou ? », « Vous allez ou ? » « Ou vivez vous ? » « Depuis combien de temps êtes vous sur la route ? » « Vous comptez voyager encore combien de temps ? »
Cet endroit fut découvert par hasard en 1885 quand Sir Augustus Gregory naviguait sur la Victoria River sur son navire Tom Tough à la recherche d’une hypothétique « mer intérieure ». Il a installé un camp et a coupé du bois (timber) pour réparer son bateau endommagé , d’où le nom de la ville. Pour l’anecdote, il a laissé trace de son passage en gravant son nom sur un baobab (Ce n’était pas du vandalisme comme on voit aujourd’hui, mais un moyen de faire connaître aux autres membres de son expédition l’endroit où il avait laissé des instructions (il n’y avait pas encore de coordonnées GPS à l’époque), lequel baobab existe toujours et constitue une des rares attractions locales.
l’arbre de Grégory

Bien que sa quête d’une mer intérieure soit demeurée sans succès (en fait de mer, l’intérieur du pays est plutôt constitué d’immenses déserts), Gregory relate que peu après fut établie la Victoria River cattle station (ferme d’élevage), une des plus grandes du pays.

Timber Creek est demeurée longtemps fort isolée, jusque dans les années 1930, elle n’était desservie que par des bateaux remontant la Victoria River, un service qui s’est interrompu avec la création de la route.
Le Judbarta Gregory National Park porte son nom. 13 000 km2 entre région tropicale et semi-aride, plaines d’élevages, c’est tentant, nous y partons dès le lendemain. Ce sera notre première expérience de piste en 4×4 et ça va être plutôt chaud…

Bizutage en 4×4

 Les documents sur le Parc indiquent que la piste est de difficulté modérée, ça devrait aller car on ne veut pas commencer par quelque chose de difficile.
En fait, ce n’est pas si facile que ça car la piste est extrêmement étroite, il y a de gros cailloux, parfois ça tape sous la voiture, on en a mal pour elle. Irène n’en mène pas large, Joël serre les fesses.
Puis on se retrouve carrément dans le lit d’une rivière (à sec, heureusement) sur 500 à 600 longs mètres pour Irène qui tient le volant  et là on progresse péniblement à la vitesse d’un escargot asthmatique  en étant secoués comme des pruniers.
Heureusement, le lieu de bivouac à Limestone est très agréable, nous y sommes seuls (évidemment pas d’autres fous comme nous !). Ramassage de bois, collecte d’eau dans la rivière (sans s’attarder car il y a des crocos). Au menu du dîner, comme tous les soirs en ce moment, il y a des oignons car il faut écouler le stock avant d’entrer en Australie Occidentale où sévit une quarantaine qui nous obligera à nous délester de certaines victuailles. Le passage des territoires du Nord vers l’Australie occidentale nous vaut de ne pas transporter certaines denrées, par contre dans l’autre sens ça n’est pas le cas. La crainte est de transporter des maladies via les fruits et légumes, insectes, champignons (ou autre grenouille empoisonneuse, on vous en parlera plus tard).
La région du Kimberley regorge de Baobabs énormes, nous avons en effet a surprise d’en découvrir de très beaux spécimens.
Les kapokiers, ces arbres menus aux fleurs jaunes qui perdent leurs feuilles dès la floraison sont les « garde manger » des honney birds et autres zozios aux plumes multicolores, sont en partie en fleurs comestibles et riches en vitamine C, en fruits de couleur verte et en « bogues » prêtes à éclore et laissent échapper leur petit duvet soyeux dans lequel sont enfermées des graines. Les Aborigènes n’utilisent plus que rarement cette fibre végétale, imperméable, naturelle et surtout imputrescible pour bourrer les matelas, coussins et oreillers. Quel dommage c’est gratuit, mais les fibres synthétiques ont fait leur apparition depuis longtemps. Ceci dit ils ne ressemblent d’aucune façon aux kapokiers africains qui eux sont des arbres énorrrrrmes !
La flore est riche sur ce plateau, on en connait qui se régaleraient, n’est-ce pas Louis ? Des eucalyptus qui ne portent pas le même nom et pourtant à nos yeux de novices les feuilles sont très ressemblantes, il faut regarder les troncs pour les distinguer les uns des autres. Un peu trop compliqué pour nous de retenir tous ces noms : Il y en a plus de 700 espèces !
Nous sommes quand même bien surpris de voir qu’un kangourou local porte le nom d« euro« .
Pour nous un kangourou c’est un marsupial qui fait des bonds, et qu’il soit roux, gris, géant, des roches ou des arbres c’est du pareil au même, on aime les voir nous regarder avec curiosité et se sauver montés sur des ressorts !!!

Back to Mada

Outre les baobabs, qui sont originaires de Madagascar et sont arrivés là on ne sait trop comment, et les kapokiers qu’on avait aussi découverts là bas, d’autres éléments nous rappellent cette île magnifique, notamment des formations rocheuses qui ressemblent aux tsingy : les « rimmenkarren »

On reprend la route pour retraverser en sens inverse le lit de la rivière et cette fois c’est Joël qui s’y colle mais ça secoue toujours autant car les roches ne se sont pas aplaties pendant la nuit.

Bullita

Bon, c’est bien gentil de rouler dans des rivières mais on va s’intéresser à autre chose, la Bullita Stok Road, ancienne route qui servait à acheminer les troupeaux de vaches à travers des immenses lieux de pâtures. Eh oui, même dans ce coin reculé il y avait des vaches et il fallait bien les transporter car le but était tout de même d’en faire de la viande au bout du compte.
Et ces vaches étaient (On en parle au passé car l’exploitation est aujourd’hui fermée, vous allez savoir pourquoi dans quelques lignes, mais y’a toujours des tas de ruminants partout, sur d’autres stations.  notamment élevées dans les stations (ranchs).
The homestead, le ranch, le domaine ou la propriété de Bullita est devenu aujourd’hui un « musée » qui se visite, genre opération portes ouvertes. Quand on y arrive on découvre un ancien coral tout en bois fait avec des arbres locaux, divisé en plusieurs parties, avec notamment un passage très étroit où passaient les vaches quand elles devaient être triées pour le marquage, en partance pour l’abattoir ou pour d’autres ranchs.
Un km plus loin on arrive dans une immense cour où subsistent une maison d’habitation, des hangars, une buanderie, les communs des travailleurs, une salle de bain et toilettes, le tout en bois et en tôles. Un immense et vieux baobab monte la garde et témoigne du passé par ses inscriptions sur son tronc.
En 1977 Lyn Berkowitz  a failli perdre la vie, lors d’une montée des eaux hors du commun. Elle était seule sur la propriété, tout le monde était parti conduire les animaux vers d’autres pâtures. Quand elle s’est levée la nuit elle a pu constater que la rivière était sortie de son lit, elle est  allée chercher les chiots de sa chienne « Princesse » qui étaient près de la basse cour, elle a ouvert aux poules et aux canards pour qu’ils puissent sortir hors de leur enclos déjà inondé, et en allant voir ses chèvres elle a perdu l’équilibre et a été emportée par les flots de la rivière.
Elle a eu  la vie sauve en restant accrochée par un pied dans un  arbre pendant 3 jours, de l’eau jusqu’au cou, tout en étant que peu vêtue… de toute façon trempée jusqu’aux os.
Elle a écrit une lettre à son fils qui est exposée dans sa maison laissée à l’abandon depuis qu’elle et son mari ont quitté les lieux, elle y décrit ce drame et les frayeurs qui ont été les siennes mais aussi la générosité et l’entraide des habitants de la région venus en aide quand les eaux se sont retirées.
Cette lettre poignante est traduite ici par google avec toutes les approximations dues à ses lacunes en français.

10 km/h

Après cette visite intéressante pleine d’émotion car ce passé n’est pas si lointain, il est temps d’aller parcourir cette Bullita Stock road et on va vite se rendre compte que ce n’est pas du gâteau, il nous faudra 5 heures pour en parcourir les 50 km, la moyenne est encore plus basse que quand on est à vélos, c’est dire…

Ça commence par la traversée d’une rivière fort large, à sec comme la précédente mais ces fichus cours d’eau ont la mauvaise manie d’avoir un lit fort accidenté (pas comme le notre). Bon, on pense qu’après ça va être plus cool mais pas vraiment, la piste serpente dans la savane, entre les herbes sèches et parfois brûlées, avec un peu de relief. Ce qui est compliqué, c’est que c’est extrêmement étroit, pas question de croiser un autre véhicule ni même de faire demi-tour (la piste est d’ailleurs à sens unique), et certains passages sont horribles. Ça allait peut-être pour les vaches, mais pour nous autres c’est la galère à chaque fois qu’il faut passer dans des zones rocheuses ou des gués qui paraissent impraticables. Flippant, montée d’adrénaline, trou à droite, rocher en face, cailloux saillants, troupeau dans la rivière, taureau au regard noir, chevaux sauvages surpris !!!!
Pour une première nous voilà vaccinés, Joël a bien assuré la conduite, Irène ne voulant pas porter la responsabilité (dégonflée) de la casse sur la voiture, au final tout s’est bien passé sans bobo, juste sentis un poil esseulés.

Un mini Purnululu

Qu’est-ce donc que ce machin là, un Purnululu ? Il s’agit d’une endroit merveilleux et inaccessible, LE lieu où il faut aller mais où on n’ira pas, et ce n’est pas faute d’avoir essayé. Vous apprendrez pourquoi dans un article ultérieur, sachez toutefois que c’est un Parc National incontournable qu’on va réussir à contourner sans jamais y entrer.

Par contre, le Keep River National Park, qui ne jouit pas du tout de la même notoriété, va nous permettre d’en découvrir une version miniature car il s’agit du même type de formations rocheuses.

Dès l’entrée, c’est sympa : Le Kokatoo Lagoon est une oasis de verdure, un paradis pour les oiseaux et autres animaux qui viennent s’y abreuver. Avec ses nénuphars et ses fleurs, il tranche agréablement avec l’ambiance générale dans la région, qui se compose surtout d’ocres et de vert poussiéreux. Comme c’est bon de revoir la verdure, du vert, du vert, du vert mayennais qui n’a pas son pareil comme couleur de vert…. ah Irène en rêve, en rêve……

Un peu plus loin, une drôle de hutte en pierre intrigue, on se demande à quoi elle pouvait bien servir, surtout que les aborigènes ne construisaient pas, leur vie étant nomade. En fait, il s’agit d’un piège pour attraper les oiseaux : Un type se tenait accroupi sous les branchages et agitait au travers un bâton garni de plumes, ce qui attirait certains volatiles ; une fois l’imprudente bestiole posée sur les branches, il n’y avait plus qu’à l’embrocher avec une lance, l’attraper et le repas du soir était assuré.
Ce qui est moins clair, par contre, c’est le rôle du type avec des oreilles en feuilles de choux…

Gurrandalng

Encore un lieu de bivouac comme on les aime, avec du mobilier multi-usages, même chez Ikea ils n’en ont pas du comme ça : La table sert… de table (ce qui est déjà bien pratique) puis de lit (avec sommier lattes) : C’est le luxe, pas besoin de monter la tente, et pour observer la lune et les étoiles il n’y a pas mieux. On cachera quand même les chaussures au cas où les dingos viendraient nous visiter pendant la nuit.
Mais avant le dîner, nous avons parcouru la rando qui chemine entre les formations rocheuses et nous sommes tombés sous le charme de ce si bel endroit. Le parcours, très bien fléché, serpente entre les falaises de grès rouge, un régal.

Un bon petit feu de camp et une nuit de repos plus tard, nous partons au lieu de bivouac suivant, qui n’est pas crado non plus, tout en faisant le long de la route le plein de bois pour le feu du soir (où on voit qui ramasse du bon gros bois et qui se contente de brindilles…) :

Jarnem

Une nouvelle rando bien fléchée nous attend à travers la savane pour commencer sur un sentier sableux puis sous une forêt d’eucalyptus et enfin de pandanus ; végétation tropicale aux pieds de ces effleurements rocheux, c’est tout simplement beau. Le contraste des couleurs verte des arbres, le rouge flamboyant de la roche et le ciel d’un bleu pur est un émerveillement pour nos yeux avides. C’est l’heure du diner pour les oiseaux qui s’en donnent à coeur joie, ça piaille la dedans, on regrette de ne pas avoir de jumelles parce que les perroquets sont présents ainsi que les petits poney birds au long bec qui piochent au fond des calices des fleurs.
Vous n’allez peut-être pas nous croire, mais les photos ci-dessous (ci-dessus aussi d’ailleurs) sont en couleurs naturelles. Et encore, à l’écran c’est terne par rapport à la réalité. Quand on vous dit que c’est BÔOOOOOOOOOO !!!
Contrairement à Kingsley (notre hôte wormshawer) nous ne sommes pas géologues mais ça n’empêche de penser que ce pays doit être un paradis pour eux. Et pour nous aussi, c’est un véritable enchantement pour les yeux, ces roches ont des allures et des couleurs pas possibles, on n’a pas ça en Bretagne (par contre ici on ne voit guère de granit, chacun son truc).
Le soleil se couchant, nous irions bien en faire autant, d’autant qu’il faut faire la popote avant qu’il ne fasse nuit noire. Nous faisons donc demi-tour avant d’arriver aux peintures rupestres.
Le lendemain, on fait la même rando en sens inverse et en version complète, en passant par un lookout (panorama) dont le sentier est en cours d’aménagement, comme en témoigne la remorque et les outils laissés là par les rangers (on se demande comment ils ont pu amener cette remorque ici, peut-être par hélicoptère).

Les peintures rupestres que nous avions ratées la veille étant toujours là, nous en profitons avec enthousiasme, c’est toujours émouvant de voir ces oeuvres datant de milliers d’années pour certaines. Et elles ne sont pas protégées, en Europe il y aurait des barrières et des caméras, un guichet pour faire payer l’accès et des tas de touristes, ici rien. La nature, l’histoire brute et le respect des lieux par les visiteurs, superbe.

En résumé, ce petit Keep River National Park est tout à fait remarquable, on en a fait une abondante publicité auprès de tous les voyageurs qu’on a croisés ensuite. Et encore, on n’est pas dans le Kimberley, ça promet…

Et voilà, c’en est fini du Territoire du Nord, nous y avons passé presque deux mois. Un petit bilan s’impose, vous aurez le plaisir et l’avantage de le lire incessamment sous peu, bande de veinards.

5 Comments

  1. Coucou les voyageurs
    Encore de belles photos , vous me faites peur , aller par des pistes completement défoncées c’est pas un peu risqué , j’éspère que vous avez croisés quelques humains …..lol ……..J’attends la suite …..Bisous a vous 2 Lili

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