Phnom Penh à la peine

Deux millions d’habitants, un urbanisme anarchique, une circulation frénétique, voilà qui va nous changer des semaines précédentes passées loin de la foule.


C’est grâce à un ferry que l’on retraverse le Mékong pour arriver directement en centre-ville où les grands immeubles qui ont poussé comme des champignons après la pluie sont visibles de partout.

Comme la ville est au confluent du Tonle Sap et du Mékong, pour s’étendre elle a récemment urbanisé l’isthme entre les deux rivières. Face à nous qui arrivons des terres se dressent des constructions énormes, tout à fait dans le style chinois qui prédomine dans toute l’Asie du Sud-Est. On se demande qui va bien pouvoir aller habiter là bas, il n’y a qu’un pont pour s’y rendre et il est loin, même si un autre est en construction juste à coté de l’ancien.

Il y a un peu d’activité sur le fleuve, essentiellement des péniches qui descendent le courant à vide et remontent pleines comme des oeufs, mais aussi de modestes petits bateaux de pêcheurs arrivant avec leur chargement de marchandises à vendre en ville.

Ce qui frappe lorsqu’on parcourt un peu les quartiers derrière les belles façades, c’est le contraste entre le « bling-bling » et la pauvreté des habitats derrière ces belles façades. On découvre un cours d’eau assimilable à un égout à ciel ouvert, les gens qui circulent sur les avenues ne le voient pas mais ceux qui habitent là doivent composer avec les ordures, la pourriture, les odeurs, les rats dans des habitats faits de bric et de brocs. Les bidonvilles existent aussi à Phnom Penh.

Comme souvent en Asie, les installations électriques sont pour le moins étranges, les électriciens locaux ont du mérite de s’y retrouver dans ces sacs de noeuds :

I went to the market mon p’tit panier sous mon bras

Les marchés sont des incontournables , commençons par le central dont le bâtiment assez particulier a été créé par les français. Sa coupole est célèbre, néanmoins rien à voir avec celle des Galeries Lafayette, ici c’est loin d’être le luxe. Les commerçant(e)s ne sont pas tous stressés, c’est au client de se manifester pour les réveiller le cas échéant. Nous déciderons de ne pas déjeuner là, non que l’offre soit insuffisante mais il fait une chaleur étouffante sous les toits de tôle avec tous les réchauds à charbon de bois qui cuisent la popote.

Le marché russe vaut le détour aussi, là on trouve absolument tout ce dont on a besoin et surtout ce dont on n’a nul besoin : Bétonnières, moteurs d’occasion, boulons en vrac, vêtements divers (et non d’hiver) et variés, tout ceci dans un enchevêtrement d’allées si étroites qu’on s’y croise à grand peine.

Mais le spectacle est aussi à l’extérieur où la foule se presse, les stands de nourriture sont appétissants (pas tous toutefois pour nos yeux d’occidentaux) et ont un grand succès. Certains clients viennent faire leurs courses sans descendre de leur scooter, ça ajoute à la bousculade ambiante.

Les produits proposés ne sont pas vraiment les mêmes que sur nos marchés français, certains sont déconcertants, d’autres totalement inconnus, dans tous les cas les commerçants sont super sympas et comprennent généralement qu’on ne va pas acheter leurs truc vu qu’on n’est pas en mesure de cuisiner (Surtout qu’on serait bien en peine de les cuisiner, de toute manière). Plutôt que d’acheter viande ou poissons frais, sauterelles, larves et grenouilles, nous nous contenterons de fruits bien jolis et appétissants.

Décidément, où que l’on soit il faut aller au marché, c’est une expérience irremplaçable. Quelle tristesse les pays qui n’ont pas cette pratique, les « super »marchés n’auront jamais cet attrait avec leurs produits aussi aseptisés que leur ambiance.

C’est au marché ruse que nous retrouvons Caroline et Christian, qui habitent près de Rennes mais on n’arrive à se voir qu’en Asie, la fois précédente c’était au Laos en 2019. Nous avions roulé quelques jours ensemble, c’était assez hétéroclite comme convoi avec leurs petits vélos pliables Brompton, nos deux vélos couchés et le tandem couché de Tim.

Fake luxe

Il n’y a qu’ici qu’on puisse se payer du luxe sans se ruiner : Christian Doir, Lonis Vniton , Chanel, Gucgi, etc. Pourquoi dépenser plus pour être chic ?

Il y a aussi de curieux mélanges de marques, nous aurons droit plus tard, sur un bateau, à des gilets de sauvetage portant à la fois un logo Puma et une étiquette Nike : Ça inspire vachement confiance !

Circuler à Phnom Penh

Contre toute attente, la circulation à vélo dans cette ville est assez facile, voire même agréable. Il suffit d’assimiler les règles, et c’est vite fait puisqu’il n’y en a pas, les panneaux stop ont un usage purement décoratif.

A chaque intersection les diverses sortes de véhicules (voitures, tuktuks, motos et nous) se faufilent allègrement, sans aucune agressivité, on n’entend pas un klaxon ; plutôt que de forcer le passage et rester bêtement coincé au milieu du carrefour, l’idée est d’essayer d’avancer tout en laissant passer les autres, c’est très efficace et avec le sourire en prime. On a un peu l’impression d’être dans un jeu vidéo où il faut éviter les obstacles qui se mettent sur votre passage, mais comme tout le monde fait comme ça c’est fluide. Finalement on apprécie bien de slalomer, et de se laisser porter par ce flot de véhicules le plus souvent à deux roues motorisés.

Le palais royal

Il n’y a pas beaucoup de lieux historiques à visiter dans cette capitale, son histoire très tourmentée expliquant peut-être cela. Le choix est donc limité, comme tout le monde nous optons pour le palais royal. Comme les bâtiments datent essentiellement du début du XX° siècle, l’intérêt historique est limité, d’autant qu’on ne peut pas visiter la plupart d’entre eux, la famille royale s’en réservant l’usage.

Nous retiendrons néanmoins de très belles fresques murales qui s’étendent sur plus de 600 m, certaines ont été restaurées, le dessin est d’une finesse remarquable sur la plupart (une quarantaine de peintres y ont travaillé, notamment des polonais). Elles représentent essentiellement des scènes de la vie de palais d’antan, avec pas mal de scènes de guerre, la mythologie locale n’est pas plus pacifique qu’ailleurs.

Autre lieu de visite incontournable, particulièrement émouvant celui-là, le camp S-21 :

L’ère des barbares

De 1975 à 1979 les tristement célèbres khmers rouges ont torturé entre 14 000 et 20 000 personnes dans le camp « S-21 » situé en plein centre ville. La visite est bouleversante, on n’imaginait pas le niveau de cruauté des tortionnaires qui sévissaient ici comme dans de nombreux autres camps dans le pays.

Les victimes étaient amenées ici dans le but de leur extorquer des aveux sur des « crimes contre-révolutionnaires » le plus souvent imaginaires, puis les abattre systématiquement. Même des enfants y sont passés, le régime totalitaire étant embarqué dans une spirale de violence inouïe. Durant ces quatre années, près des deux millions de Cambodgiens (sur une population de sept millions) meurent, victimes de tortures ou emportés par l’épuisement, la maladie et la famine.
On ne sort pas indemne d’une telle visite, et pourtant elle était nécessaire. Vous comprendrez qu’on n’ait pas eu le coeur à prendre de nombreuses photos, celle ci-dessus est prise dans une salle de torture.

Pour un sourire d’enfant

Cette visite ne figure pas dans les guides touristiques, pourtant on y tenait. L’association scolarise 7 000 enfants défavorisés, un pensionnant en héberge 160 qui sont en grand danger dans leurs familles, et a de nombreuses autres actions d’aide médicale et sociale.

Reconnaissons que nous sommes intéressés par leur restaurant d’application, le Lotus Blanc, dans lequel les élèves font de leur mieux pour assurer un service impeccable sous l’oeil attentif de leurs professeurs, ceci dans une salle remarquable. En plus la cuisine est bonne, ce qui ne gâte rien. L’association forme également 1 500 étudiants à de nombreux autres métiers (mécanique, bâtiment, cinéma, etc.) mais là il n’y a rien à tester pour le grand public (on n’a pas envie de goûter des boulons ou des parpaings).

Clic clac, merci Ko Dach !

Terminons notre séjour par la découverte de l’île de Ko Dach, très rurale bien qui située à seulement une vingtaine de kilomètres de la capitale. Il n’y a pas de pont pour s’y rendre, il faut emprunter un bac, c’est peut-être pour cela qu’elle est préservée de la folie immobilière (pour le moment). Mais pour peu de temps sans doute car 70% des terres ont été achetées par des investisseurs, les familles ayant été « indemnisées » par de l’argent vite dépensé, sans qu’elles ne se rendent compte qu’elles avaient perdu leur capital.

La spécialité de l’île est le tissage de la soie, on entend le claquement caractéristique des métiers vieux métiers à tisser retentir un peu partout. C’est un travail très artisanal qui demande une bonne dextérité, nous sommes épatés de voir à quelle vitesse les tisserandes manipulent le métier, avec les mains et les pieds. Une occasion de plus pour les échanges avec ces dames tisserandes mais aussi avec les habitants.

Irène se lance dans le tissage, le rythme est toutefois un peu moins rapide…

La meilleure pour la fin

Au détour d’une petite route (non goudronné évidemment, comme partout sur l’île), nous sommes interpellés par un panneau indiquant, en français dans le texte, « La meilleure ». Il s’agit d’une école de langues que Dum, porté par un bel enthousiasme, a ouvert pour enseigner le français pour pallier aux défaillances du système scolaire public.

Nous allons essayer de lui faire parvenir des ouvrages scolaires adaptés à son public, car il en manque cruellement et ce n’est pas localement qu’il va en trouver, sans compter le problème du financement. Un sujet à cogiter lorsque nous serons de retour…

12 Comments

  1. Il va vous en falloir du temps pour digérer tout ça à votre retour… Vous allez mettre du temps à atterrir… Tellement de choses paraissent futiles en France…. 😉😉bisous😘😘😘😘

  2. Bonjour Irène et Joël, Comme toujours de bien beau commentaires et images, mais je suis perturbé par le défilement automatique des images que je n’arrive pas à arrêter.
    Bon séjour dans ces pays attachants.
    Emile

  3. Bonjour près du pays du soleil levant..superbe reportage à multi facettes …attachant…
    ps pour faire un stop sur image pour Emile…vous allez avec la souris en haut et à droite de l’image ..il y a un petit carré blanc presque transparent ..faite un clic sur celui-ci et ça devrait fonctionner!
    Amitiés ..Bernard

  4. Bonjour à tout le monde ..superbe reportage à multi facettes ..très attachant ..
    Ps pour Emile en particulier..pour stopper les images ..il suffit d’aller en haut et à droite ..apparaît un carré blanc presque transparent..et là un Clic sur ce dernier pour faire défiler image par image !
    Bonne fin de semaine

  5. Souvenirs ,souvenirs,!!bien résumé cette capitale qui a l’image de L’Asie va exploser en population et anarchie .contraste avec la campagne Cambodgienne bien calme et flat
    Bonne continuation..

  6. Bonjour tout le monde ..merci pour ce superbe reportage à multi facettes ..très attachant..

    PS: Pour Emile pour faire défiler les images une par une ..Allez dans le haut de la faute à droite et cliquer sur le rectangle blanc presque transparent et ça fonctionne !!
    Amitiès

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