Théorie et pratique

La théorie, c’est quand on sait tout et que rien ne fonctionne.
La pratique, c’est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi.

Si vous vous demandez ce que vient faire là cette citation du grand Albert (Einstein, pas l’ex roi des Belges), rassurez vous, il n’y a pas que vous. Mais vous allez comprendre plus bas. Peut-être.


Les écoliers

Ils sont mignons comme tout, les gamins. En passant devant une école primaire de Makinohara, on les voit en train de s’activer dans la cour, ils répètent un spectacle pour un festival à venir le week-end suivant ; à part les tout petits qui préfèrent s’amuser avec les graviers de la cour, les autres suivent bien les consignes données par haut-parleur. Ils ont des casquettes de couleur différente selon la classe.

Dans une autre ville on en verra d’autres qui portent des casques, on se demande bien pourquoi. Il tombe souvent des trucs du ciel dans leur coin ? Tant que ça ne vient pas de Corée du Nord, les casques peuvent suffire.

Pour les cartables, ce n’est pas compliqué, ils ont tous la même forme. C’est d’ailleurs assez cher ces accessoires là, et en fonction des modèles plus ou moins décorés les prix peuvent grimper fort haut. Par contre, pas d’inégalité pour les vêtements, les uniformes sont identiques pour tous les enfants d’une même école. Nous sommes frappés de voir qu’ils sont autonomes pour leurs trajets domicile-école de très bonne heure, que ce soit en ville (métro, bus) ou en campagne (au bord des routes).

Le long de la route

Comme d’habitude, on s’arrête à tout bout de champ, notamment devant de magnifiques maisons dans lesquelles on entrerait volontiers si on y était invités.

On s’arrête aussi, mais là on s’en passerait bien, quand ça grimpe de trop et qu’une pause s’impose. Sur cet itinéraire ce n’est pas fréquent mais ça arrive car c’est loin d’être plat, même si c’est sur un plateau qu’on arrive. Et qu’y-a-t’il sur ce plateau ?

Du thé !

Dans la région autour de Kakegawa on reconnait de loin les plantations de thé à leur myriade de ventilateurs perchés sur des poteaux. Cette région est réputée pour la qualité de ses thés verts. Très intéressés, nous assistons à la récolte selon différents procédés, du plus simple au plus élaboré : de la cisaille à main (pour les finitions en bout de rangée), au « taille haie » porté à deux, à la machine auto-portée ultra-moderne. Nous avons de la chance d’observer tout ça le même jour, c’est donc un jour de bon thé…

Les feuilles mises en sac sont ensuite emmenées par de petits camions à l’atelier qui va les faire sécher après lavage (pas de sale thé…). Les femmes qui travaillent aux champs sont coiffées de petits chapeaux qui leur cachent le visage tellement il se rabat sur les joues et le front, elles ont protégées à la fois du soleil et de la pluie.

Si, comme nous, vous vous demandez à quoi servent tous ces ventilateurs, est-ce pour donner un peu de brise lorsque le soleil tape fort ? Pas du tout ! C’est au cœur de l’hiver que les ventilateurs vont jouer leur rôle. On va alors les actionner pour remuer un peu l’atmosphère et éviter que les nappes d’air froid stagnent au-dessus des théiers. En effet, ces nappes d’air froid pourraient endommager les arbustes, ou bien freiner leur pousse.

Du riz !

Dès qu’on redescend du plateau, les plantations de  thé cèdent la place aux rizières. On trouve le riz à tous les stades de son évolution, depuis les jeunes pousses les pieds dans l’eau jusqu’aux bottes de paille mises à sécher, il n’y a apparemment pas de rythme saisonnier. A noter que le thé aussi se récolte toute l’année, ils ont aussi ça en commun.

Nous sommes donc passés très rapidement du thé au riz, ce qui explique la première partie du titre génial de cet article. Quand à la seconde partie, c'est parce que les japonais ont une pratique multi-séculaire de la culture de ces deux plantes. CQFD.

Fliqués

Quoi, que se passe-t-il donc soudain pour que nous soyons priés de nous arrêter ? C’est en sortie de ville en fin de journée, et pressés de nous trouver un bivouac pour la nuit qui arrive, qu’une voiture de police nous fait signe de stopper. C’est certain que nous avons du brûler un feu « par inadvertance ». Gyrophare et bras tendu du policier nous obligent à stopper sur le trottoir. On va se prendre une belle prune, voire finir dans une geôle (au moins plus de soucis de bivouac) ! Mais que nenni, ce sont deux braves policiers qui nous avaient déjà croisés et ont eu une petite envie d’assouvir leur curiosité en allant voir de plus près ces deux énergumènes chevauchant des vélos pas du tout académiques. En fait ils nous rassurent tout de suite par un franc sourire, sans doute en voyant les têtes déconfites que nous affichons…
On se taille une bonne bavette comme on dit chez nous, mais pendant ce temps là le jour baisse et on a encore 20 bornes à faire pour trouver enfin un coin où dormir, allez salut les gars contents de vous avoir rencontrés !!!

Kakegawa

 

C’est ici que nous allons nous poser pour une nuit pluvieuse dans un petit hôtel « smile ». Armés de parapluie on s’en va arpenter la ville histoire de voir à quoi elle ressemble. On arrive trop tard pour visiter le château perché sur les hauteurs et de toute façon il tombe des trombes d’eau alors on se rentre vite fait au sec après avoir avalé un plat de nouilles dans la première bicoque ouverte.

On remettra le couvert le lendemain matin par ciel bleu et soleil éblouissant. Franchement ce château est superbe mais faut dire qu’il a été entièrement restauré grâce aux 1 milliard de yens (7.750.000 euros) de dons privés !!! Une tour centrale « tendu-kaku » (pour les puristes) de 5 étages où on va grimper des escaliers bien raides et aux marches hautes, à croire que les seigneurs de l’époque 1469 avaient des jambes de géants. De la haut on a une vue à 360° sur toute la ville qui n’est, hélas, pas vraiment belle par son architecture. Sans doute à l’époque le château veillait sur des demeures dispersées dans un environnement boisé entouré de rivières. Aujourd’hui c’est dense, construit un peu n’importe comment (c’est notre avis) et le béton prédomine étouffant les dernières vieilles demeures anciennes dont les toits se dessinent ici ou la et tant bien que mal.

Le pont des soupirs

Toujours de méfier des dépliants touristiques, on avait oublié cette règle élémentaire. On tombe sur un où on voit un magnifique pont aux arches inversées qui nous tente d’autant plus que c’est une passerelle pour cyclistes. L’ouvrage est intéressant du point de vue technique (c’est un béton très fin), sur la photo il est superbe, se découpant sur un magnifique soleil couchant. Il se situe entre Hamamatsu et Omaezaki et offre une vue imprenable sur la mer.
Bien que ça fasse un sacré détour, en fait on revient quasiment sur nos pas, on y va de bonne humeur et pleins d’entrain, en suivant au plus près la rivière Kakagawa à l’embouchure de laquelle il se trouve. Tellement près qu’on finit par s’égarer dans un chemin qui n’a pas du être entretenu depuis deux ou trois empereurs, mais un demi-tour plus tard on arrive enfin à ce fameux pont.
Et au panneau avec un bonhomme qui a l’air de s’excuser et des tas de trucs écrits tout en japonais qu’on ne comprend pas, mais les barrières sont très explicites : Le pont est en travaux, on ne passe pas ! Et pas moyen de se faufiler, tout est très efficacement cadenassé.

Damned ! Tout ça pour ça, en plus le ciel n’est pas comme sur le dépliant. Re-demi-tour pour aller traverser cette satanée rivière plus en amont, avec les voitures. Gros soupirs…en fait des ponts il y en a plein partout dans cette région, les ingénieurs japonais s’en donnent à coeur joie, à se demander s’ils n’en construisent pas pour le plaisir,  comme ceux de chez nous qui parsèment la France de rond-points comme s’il en pleuvait.

 

Pour arriver à Fukuroi notre point final du jour on va traverser une zone moche comme tout le long d’une route côtière maraichère où s’élèvent des usines agro alimentaires et de produits chimiques, c’est carrément déprimant. Irène s’ingénie à trouver un peu de couleur dans ce morne paysage. Avec quand même des fermiers qui travaillent la terre à l’ancienne sur de petites parcelles.
On finira dans un jardin public pour enfants avec toilettes, eau et une prise électrique. Il y a encore quelques enfants quand nous arrivons dans ce quartier résidentiel entouré de petites maisons et de jardinets. Puis à 17h quand la musique carillonne, ils s’envolent tous comme une volée de moineaux et on se retrouve tous seuls dans notre petit jardin.

 

La maison zarbi

Contrairement au « pont des soupirs », ici le détour vaut le coup, pas de déception. C’est à Hamamatsu que nous découvrons la maison des sorcières « Samantha Martha ». Elle est farfelue à souhait, tout à fait dans l’ambiance Halloween qui prédomine en ce moment. C’est très bien fait, la qualité de réalisation est remarquable, ça a dû d’ailleurs sacrément augmenter le prix par rapport à une maison classique. Les règles d’urbanisme sont ici sans doute moins strictes que chez nous, on se demande si on va pouvoir en faire autant en transformant notre maison du Val Froment à l’image de celle çi ?
Elle ne se visite pas, à moins d’y loger car il y a des chambres d’hôtes. Pas de chance, on a prévu un bivouac ce soir…

Effet de serres

Comme nous sommes sur une bande de terre plate entre mer et montagne, le moindre espace est cultivé. Ici on ne fait pas dans le maraichage artisanal, les parcelles sont grandes et on voit qu’il y a du monde à travailler dans ce secteur. A priori, ce n’est pas franchement bio, pas une « mauvaise » herbe ne dépasse, par contre les pulvérisateurs fonctionnent à pleins tubes.

Et pour le dessert, des serres : La production de fraises est intensive, il y a des stands de vente tous les cent mètres. Sauf que, contrairement au thé et au riz, c’est très saisonnier donc en ce moment les serres sont vides, tout comme les stands. Privés de dessert !

Des panneaux solaires photovoltaïques couvrent des espaces non cultivés, alors que des « chauffe eau solaires » occupent les flancs de montagne pour chauffer les serres. Pas bête, si ce n’est que c’est assez marginal, l’immense majorité des serres est chauffée au mazout.

A l’occasion d’Halloween on voit que les cultivateurs nippons ne manquent pas d’humour :

Côte et côte

Après ces digressions végétales, revenons le long de la côte. Laquelle n’est pas mirobolante, ça ne donne guère envie de se baigner. D’ailleurs les panneaux menaçants à propos des tsunamis n’incitent pas trop à trainer dans le coin, alors on se paye une belle côte pour filer de là.

Toutefois on va quand même jouer les intrépides en plantant la tente devant la mer pour un bivouac des plus ravissants. Les pêcheurs à la ligne sont présents, les bateaux s’agitent sur l’eau, on ramasse du bois mort pour le feu de camp du soir et on s’endort bercés par le bruit du ressac.

Au réveil nous sommes surpris de voir des « civils » arpenter la plage gants blancs et sacs plastiques. Ce sont des bénévoles qui viennent ramasser les déchets rejetés par la mer. Ni une ni deux, nous allons les rejoindre et nous remplissons nous aussi notre sac plastique d’objets en plastique qui trainent sur le sable. Une photo finale clôturera ce bon moment et le monsieur en chemise blanche et cravate nous dira travailler pour Carrefour France… nous ne savons pas si ce sont tous des salariés de chez carrefour ou bien si ce rendez vous était fixé par un groupe de bénévoles réalisant leur B.A. avant d’aller au boulot.

Pas eu de tsunami et c’est tant mieux. Nous ne sommes qu’à 40 kms de Irago où nous allons prendre le ferry pour Toba. Ce ne seront que des serres de tomates cerises, de chrysanthèmes et autres végétaux non identifiés, des champs de choux à tel point qu’on se croirait dans le Finistère. C’est ici une part du garde-manger nippon.

Sur ce petit ferry les employés prennent grand soin de nos vélos. Dans d’autres pays, que nous ne nommerons pas pour ne pas vexer nos lecteurs qui en seraient citoyens, c’est « mettez-les là et débrouillez vous ». Ici les marins leurs mettent des cales (comme pour les voitures) et les attachent en faisant attention que la corde n’endommage rien, mettant même des protections là où ils le jugent nécessaire.  et allons arriver à Toba.

La traversée vers Toba n’est pas bien longue : 45 minutes, on arrivera en soirée mais on ne se fait pas de souci pour trouver un endroit où dormir. En fait ça ne va pas être si simple, comme vous le verrez la prochaine fois.

6 Comments

  1. Coucou mes amis migrateurs
    Bon j’avoue, j’ai au moins loupé les 2 précédents posts… il va falloir que je rattrape mon retard … aucune obligation, mais le Japon me surprend.
    Je suis curieuse du pays, des autochtones, de leur civilité apparente, des us et coutumes, des paysages surprenants, la culture, l’histoire, des ThéAuRiz à leurs pratiques ….
    Oui c’est avec beaucoup de plaisir que je découvre grâce à vous et avec vous, tout cela.
    Je le dis à chaque fois : du fond du cœur Merci Merci Merci

    J’ai piqué :
    – le Chat Nippon (chenapan) il aura sa place dans mon livre d’or de mariage (4 ans déjà) Pensée pour vous à l’occasion car vous étiez là et à la veille de votre départ du tour du monde à vélo … pour 2 ans … vous nous avez bien eu sur ce coup là 😉
    – et autres citrouilles que je vais mettre sur mon site, Halloween oblige !
    avec la signature des « Cyclomigrateurs, capteurs d’images et saisisseurs d’instants »

    Tendresses
    Nathalie

  2. Bonjour
    Bien aimé les maisons « des sorcières »…comment peux-t’on réaliser d’une façon pratique !!j’imagine le plan !et à l’intérieur est-ce du m^me style!!
    Vous êtes bien des » capteurs »d’histoire et d’images ..
    Des « pêcheurs »d’images et de rencontres .
    Bye bye

  3. Bonjour, à force de vous lire on se demande ce que l’on fait dans nos petites vies immobiles et pourquoi nous ne sommes pas sur les routes du monde comme vous ; la frousse de l’inconnu peut-être ? Merci d’être nos ambassadeurs et de nous ouvrir l’esprit et les yeux. J’ai beaucoup aimé le passage sur la théorie. Faites gaffe quand même aux tsunamis ! Pour ma part je reviens de trois jours en Creuse, c’est exotique à sa façon, avec des paysages verts et moutonneux comme la Nouvelle Zélande ; de plus les creusois sont fort sympathiques. Bizouilles Ann Mary

Répondre à Bernard à Rochefort sur Mer "Charente-Maritime" Annuler la réponse

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*