Zapping

L’avantage quand on ne prévoit rien, c’est que l’imprévu n’est pas une surprise. Tant mieux, parce que notre traversée de la Basse Californie ne va pas se passer comme on aurait pu l’envisager, mais ce n’est pas un problème, on trouve toujours une solution.
En l’occurence, c’est la chaleur excessive qui va nous amener à trouver des moyens d’avancer autrement qu’à vélo, alors on va se tourner vers l’auto-stop, le bus, le bateau et le train. Mais même en zappant comme ça, on va avoir des surprises.


Jésus, le Père et le Saint Esprit

Alfonsinas, Basse Californie du Sud. Loin des images pieuses, en lisière d’un désert inhospitalier, alors que nous trainons sous un abri ombragé avec la flemme d’aller affronter le soleil de nouveau sous les 38°, voici que le miracle se produit : Il n’y a que fort peu de véhicules à passer sur cette route, mais ils s’arrêtent quasiment tous ici parce qu’il y a une épicerie, seul point de ravitaillement de la région avec un bar à borritos  et parmi ceux-ci il y a un pickup d’un âge respectable mais suffisamment grand pour y caser des vélos ; Jesùs, un jeune homme de seize ans, pense qu’il pourrait nous emmener, on va ensemble voir son père, lequel s’appelle Jesùs lui aussi. En quelques mots l’affaire est réglée, ils vont vers le sud et proposent de nous embarquer avec eux, on prend un repas de borritos ensemble qu’on leur offre et c’est parti pour l’aventure.

En fait il n’y a pas un mais deux pickups (aussi antiques l’un que l’autre), chaque Jesùs conduit le sien, Irène va voyager avec le père, Joël avec le fils. C’est très pratique parce que ça permet d’être confortablement assis dans la cabine au lieu de voyager dans la benne, et heureusement parce que ça va être assez sportif comme parcours.

On savait que la route n’est pas goudronnée après Alfonsinas, mais on était loin d’imaginer à quoi elle pouvait bien ressembler. Au début c’est tout beau, puis ça se gâte soudainement parce qu’il y a des travaux et que le trafic est dévié sur des chemins tortueux et bosselés à souhaits. Il y a même des endroits où on se demande par où il faut passer, il n’y a évidemment aucun panneau, mais nos chauffeurs connaissent le trajet par coeur à travers ce désert désolé.

Après soixante kilomètres, une fois à nouveau sur le goudron, au carrefour de Chapala, on retrouve la route n°1, nos chauffeurs foncent alors à toute allure, il n’y a visiblement pas de contrôles de vitesse dans ce pays. Le long de la route on rencontre des chevaux, des ânes et des vaches qui se baladent librement. Elles sont signalées par des panneaux et même si le Jesùs d’Irène freine brutalement dans un virage parce qu’une vache est au milieu de la route, ça ne va pas l’empêcher de continuer à rouler à vive allure. Irène avouera plus tard qu’elle a serré les fesses et fermé les yeux en se disant que de toute façon son Jesùs n’a pas envie de mourrir et qu’il connait parfaitement tous les virages de cette route sinueuse.

Nous allons ainsi parcourir plus de 650 km ensemble, ce qui n’est guère que la moitié de leur parcours de la journée car ils arrivent de Californie où ils ont acheté les pickups qu’ils vont revendre en Basse Californie du Sud. Ils font ça régulièrement, maintenant on sait comment les vieilles bagnoles américaines arrivent au Mexique.

Nous aurons droit à une fouille de la voiture par l’armée, armes aux poing, ça refroidit un peu. Cette route est empruntée par les trafiquants de drogue, ouf nos chauffeurs n’en transportent pas, on peut repartir. Nous traversons des étendues incroyables de cactus géants, c’est fantastique. Le Mexique est parait il le seul pays où on mange les cactus, nous n’avons pas encore eu l’occasion d’y gouter. Ils sont précieux dans ces zones arides car sources d’eau et d’une diversité dont on ne se doutait pas.

On va faire une pause bien méritée au village de Rosario : 140 âmes, un petit resto à l’entrée du village « La Cenecia » nous accueille avec un plat en sauce absolument délicieux, un « ranchero bistec ». Il est étonnant qu’au milieu de nulle part on puisse trouver des endroits comme celui ci où deux dames s’activent derrière leur fourneau pour le plus grand bonheur des voyageurs.

C’est donc ainsi que pour l’anniversaire de Joël nous aurons passé la journée dans deux vieux pickups conduits par deux Jesùs, dont l’un âgé de de seize ans, filant à toute berzingue sur les pas de son père et néanmoins sans aucun problème. Comme quoi le Saint Esprit était là aussi ce jour là.

Loreto

Nos deux Jesùs auraient aimé nous conduire juste chez eux à Ciudad Insurgentes, mais cette cité ne présente aucun intérêt particulier alors que le long de la route il y a Loreto qui nous tend les bras. C’est donc ici qu’ils vont nous laisser la nuit tombée. On va trouver un petit hôtel et nous écrouler sur le lit confortable après une bonne douche méritée depuis trois jours sans !!! (on pue la sueur et on colle )

En voilà une ville qu’elle est belle, ça change ! A tel point que nous allons y rester une semaine, ce qui est une éternité pour des Cyclomigratos qui bougent tout le temps. C’est ici que les Jésuites établirent la première mission de toute la péninsule de Californie, ils ont bien choisi. Forcément il y avait et il y a toujours de l’eau en abondance.

La vieille ville est très agréable avec ses maisons bien conservées pour la plupart, une belle église, des places ombragées, un front de mer sur lequel il fait bon se balader, beaucoup d’arbres et de fleurs. Seul bémol, mais personne n’y peut rien, la chaleur étouffante qui nous conduit à ne sortir que le matin et en fin d’après-midi. On a vraiment du mal à supporter plus de 35° surtout quand il n’y a pas un brin d’air. Un baisse de moral vient nous atteindre de plein fouet avec une mauvaise nouvelle : notre ami Francis de Chantepie vient de partir pour son dernier voyage, c’est un méchant cancer qui l’a emporté. Il nous faut l’accepter et prendre sur nous pour continuer. De nouveau un ami qui ne sera pas là à notre retour, la tristesse nous envahi.

Chez Orlando

On élit domicile à la Casamangos, chez Orlando qui a par ailleurs un excellent restaurant à deux pas. Après avoir testé un certain nombre de restos de Loreto, on peut affirmer que la meilleure table est chez Orlando, et ce n’est pas la plus chère, peut-être parce que ce n’est pas sur la place principale, là où vont tous les touristes.

La fête de l’indépendance

Si nous restons à Loreto, c’est aussi pour assister à la fête de l’indépendance qui a lieu ce week-end, ce serait dommage d’être en plein désert à ce moment là. La commune est en effervescence : Un coup de peinture sur tout ce qui se voit, accrochage des drapeaux et des éclairages, répétition du défilé pour les enfants. Irène va profiter de l’occasion pour aller chez une coiffeuse se faire couper les cheveux à grand peine , cette dernière hésitant à couper franchement va devoir s’y prendre à plusieurs reprises « poedes cortar mas » « Vous pouvez couper d’avantage ! »

Le soir venu, tout le monde a pris place sur les chaises devant la mairie, à commencer par les officiels ; le spectacle peut commencer. Curieusement, il n’y a pas de scène et les acteurs ne sont pas éclairés, on ne distingue que leurs silhouettes, c’est dommage car ils se démènent. Question musique, c’est évidemment très mexicain donc avec des trompettes, des violons et des guitares, ça nous change de la bombarde et du biniou mais ça fait autant de bruit.

Les groupes folkloriques vont se succéder. Les femmes ont revêtu pour la circonstance leurs robes de danse à volants, colorées, qu’elles agitent gracieusement. Les hommes ne sont pas en reste puisqu’ils portent eux aussi des ornements à leurs pantalons moulants. Les festivités se terminent par l’hymne national durant lequel tout le monde porte la main à sa poitrine, les autorités qui déclament du haut du balcon, le tout ponctué de « Viva ! » scandés par la foule, puis un feu d’artifice comme chez nous pour le 14 juillet. Mais pas de bal des pompiers…

Le lendemain il y a la parade militaire,  le défilé avec les enfants et tout ça. Mais comme on n’avait pas compris que c’était de bonne heure le matin, quand on se pointe c’est terminé. C’est ballot, n’est-ce pas ?

La Mission San Javier

A une quarantaine de kilomètres de là se trouve la Mission San Javier, qui date de trois siècles. C’est dans la montagne, on pourrait y aller en taxi mais ça coûte moins cher de louer une voiture pour la journée.
Les paysages sont étonnamment verts, grâce aux arroyos, ces cours d’eau temporaires qui sont à sec une partie de l’année mais se remplissent dès qu’il pleut.

A part la mission elle-même, il n’y a pas grand chose, quelques boutiques d’artisanat, vente de miel, un petit restaurant où la viande sèche au soleil. Le village est tout petit mais c’est bien comme ça.

On pousse jusqu’aux anciens vergers sous l’ombre des oliviers. Un tricentenaire tient encore le coup, il a belle allure avec ses branches et ses racines tortueuses. Les moines qui vivaient ici ont essayé de vivre en autarcie mais les sécheresses successives ont vaincu leurs bonnes résolutions.

Nous ne descendons pas de la montagne à cheval, mais nous en rencontrons ainsi que des vaches. Il y a quelques ranchs dans les environs. Les habitants qui vivent là sont pour le moins isolés, il nous a fallu près de 1 heure pour faire 40 kms.

 

 

Le paradis

L’île Coronado toute proche de Loreto est réputée pour ses eaux cristallines et sa faune marine. Il faut dire qu’elle se situe dans une vaste aire naturelle protégée, excellente initiative. Nous partons sur le petit bateau rouge de Francisco.

Les dauphins pullulent, ils jouent à suivre puis dépasser le bateau, c’est incroyable à quelle vitesse ils peuvent se déplacer.

Ensuite ce sont les phoques, amusants à observer avec leur museau de chien, et aussi agiles dans l’eau qu’ils sont patauds sur terre. Nager avec eux dans une eau cristalline est un plaisir, ce n’est pas en Bretagne qu’on pourrait faire ça. Il y a plein de poissons, pour la plus grande joie des phoques et des pélicans, pour eux aussi cet endroit est un paradis.

Après cette baignade, Francisco nous emmène dans une crique sublime, un coin incroyable.

Jusqu’ici on trouvait que la côte n’avait pas de très belles plages, que ce soit en Californie américaine ou Basse Californie mexicaine, rien qui puisse rivaliser avec la Nouvelle Calédonie.
Eh bien ici on doit changer d’avis, la mer de Cortès nous offre des couleurs fabuleuses, une eau à la température idéale et parfaitement transparente, et il n’y a ni crocodiles, ni requins ni méduses, quelle merveille !

Et ceci seulement à quelques encablures d’une ville bien agréable, que demande le peuple ? Ça ne vous tenterait pas de venir passer quelques semaines chaque année dans ce coin là ? Il y a des maisons à vendre, c’est bien moins cher que dans d’autres pays, on peut envisager une maison partagée si vous voulez, il suffit de demander.

Mais pour le moment, même si on se plait bien à Loreto, on ne va pas y prendre racine, donc nous partons pour La Paz à 350 kilomètres plus au sud. Et pour cela nous allons zapper un grand coup en prenant un car, ce qui est super facile parce que les soutes sont vastes et les chauffeurs très cool : On se débrouille pour caser notre fourbi là dedans, il n’y a rien à payer en supplément. C’est étrange le temps change, il fait toujours aussi chaud mais le ciel se charge de nuages, il pleut sur la montagne et la pluie va nous accompagner une grande partie du voyage.

La Paz

Quel contraste après avoir encore traversé d’immenses déserts, ici il y a de l’eau partout, un peu trop même ! Les rues sont inondées, certaines ressemblent à des rivières (heureusement peu profondes). Notre hôte nous explique qu’il ne pleut que trois ou quatre fois par an, nous sommes arrivés juste au « bon » moment. heureusement que nous n’étions pas à vélos parce que les routes sont impraticables, d’ailleurs les écoles sont fermées et les gens qui habitent à l’extérieur de la ville ne peuvent y venir.

C’est assez cocasse de déambuler dans ces conditions, heureusement que nous sommes toujours en sandales, ça ne nous gêne pas d’avoir les pieds mouillés. Par contre, lors d’une balade nous oublions de prendre des imperméables et il se met à tomber des trombes ; qu’à cela ne tienne, un restaurateur nous donne des sacs poubelle , c’est super élégant.

La ville n’est pas splendide mais a cependant quelques beaux monuments. En front de mer, un immense hôtel est à l’abandon, son propriétaire a décidé du jour au lendemain de le fermer parce que les employés réclamaient un meilleur salaire…

Une immense basilique a l’air d’être inachevée, avec des appels aux dons pour financer des mètres carrés de carrelage destiné à recouvrir le sol en béton. Une autre église, plus ancienne et moins démesurée, a nettement plus de charme.

Malgré la pluie persistante, d’agréables touches de couleur égaient les quartiers, au Mexique on ne fait pas dans l’uniformité, c’est gai et agréable.

Extrêmement peu de tags ou dégradations, par contre beaucoup de belles fresques. La tête de mort (la Catrina) est omniprésente, aussi bien sur les murs que les objets en vente dans les commerces. Nous vous expliquerons pourquoi le 2 novembre, jour des morts.

L’ambiance en ville est décontractée, les gens vaquent à leurs occupations sans se bousculer ; ce n’est pas la richesse ni la misère non plus, les différences sociales semblent moins grandes que dans d’autres pays même s’il y a hélas des personnes en grande difficulté mais où n’y en a-t-il pas ?

Après trois jours à La Paz, le beau temps est revenu, nous quittons la péninsule et là il n’y a pas le choix, pas moyen de pédaler à moins d’opter pour le pédalo mais il n’y en a pas. Le port se trouve à une vingtaine de kilomètres, la route pour y mener est agréable et longe la côte mais les camions y sont nombreux parce qu’une bonne partie de l’approvisionnement se fait par voie maritime.

¡ Caramba, raté !

Pour une fois, nous sommes très en avance pour le ferry qui part à 12h30 et doit arriver à 23 h, notre hôtel est réservé à l’arrivée, tout va bien. Sauf qu’en fait non, pour une raison qu’on ignore ledit ferry ne partira qu’à 20h, on se retrouve à poireauter pendant des heures avec deux choix : A l’extérieur où on cuit littéralement ou à l’intérieur où la clim poussée à fond évoque une chambre froide.

On embarque finalement sur ce gros machin où on n’a pas de cabine, mais comme on a nos matelas et duvets ce n’est pas un problème, on trouve à se caser. Les vélos sont bien attachés mais c’était comique parce que les gars nous ont demandé si on avait des cordes, comme si on se trimballait avec ce genre d’accessoire ; visiblement ils ne sont pas habitués à voir embarquer des cyclistes.

Demain nous irons à la gare de El Mochis pour prendre des billets pour LE fameux train « El Chepe ». Ça promet d’être drôlement chouette car il traverse toute la Sierra Madre, la voie passe sur 37 ponts et 86 tunnels, et s’élève depuis le niveau de la mer jusqu’à 2 438 m d’altitude, avec en particulier un passage hélicoïdal. Le trajet dure environ 16 heures. On a hâte d’y être, mais est-ce que ça va se passer comme prévu ?…

9 Comments

    • Oui c’est bien un coin de paradis, pour les soins on n’a heureusement pas testé.
      Les prix de l’immobilier sont très variables, les gringos recherchent des trucs de luxe et restent entre eux dans des résidences « hors sol » mais dans le vieux centre il y a de vieilles bâtisses bien plus abordables.

  1. Bjr les cousins 😏
    La Basse Californie, j’en rêve !
    Partante pour une maison partagée 🤪
    Vous écris mail, promis , craché.
    J’aurais bien aimé partager votre périple avec les Jesus , au milieu de rien , c’est top !
    Des bizh du Golfe. Soleil, pas de vent.

  2. Que de beaux paysages vous partagez avec nous, c’est gentil de partager ces journées merveilleuses même s’il pleut : petit souvenir de la Bretagne…
    Mamie Nicole

  3. Comme Bernard je me suis demandée quel moyen de transport vous aviez utilisé pour aller si vite jusqu’en Bolivie ! Et j’ai même demandé à Stéfan de me communiquer les adresses des casa del cyclo dans ce coin!!!😂😂

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