Un avant gout de Taïwan

Si vous n’avez pas réussi à tout comprendre à nos pérégrinations ces derniers temps, ne vous inquiétez pas, c’est normal : On ne vous raconte pas les choses dans l’ordre, tout pour vous embrouiller la tête.
Bref retour en arrière, flash-back : Nous avons quitté le Japon le 13 décembre pour atteindre Taipei, capitale de la « République de Chine », nettement plus connue sous le nom de Taïwan.
Nous y avons passé quelques jours avant de prendre cinq semaines de vacances en France, lesquelles se sont finalement prolongées à l’insu de notre plein gré.
Ce sont ces quelques jours que nous allons vous conter maintenant.


Bien que nous ayons emballés les vélos à l’arrache, après un vol nippon ni bon, ni mauvais ils arrivent en bon état, tout comme nous. Contrairement à nous, par contre, il faut les remonter avant de remonter dessus, mais là on a tout notre temps et on commence à bien maitriser la procédure.

Taipei n’est qu’à 37 km de l’aéroport en coupant au plus court, ce qui fait passer par une sacrée montée mais si on veut contourner la zone de relief ça double la distance alors le choix est vite fait. Comme on n’a pas le droit de sortir de l’aéroport en vélo, un garde nous fait monter dans un bus qui nous dépose un peu plus loin en toute sécurité, c’est gratuit alors pourquoi pas ?

On perçoit vite les différences avec le Japon : Ici on roule à droite, les voitures archi-compactes sont remplacées par des modèles plus encombrants, les camions sont souvent vieux, il y a même des épaves sur le bord des routes. Il y a des chiens aussi, comme les épaves ils ne sont pas attachés, mais se contentent d’aboyer sans prendre la peine de nous courir après, alors ça va.
L’habitat est plus pauvre, il y a des déchets, des égouts nauséabonds, ça fait bizarre. De jolis petits temples très colorés agrémentent les lieux. Les gens ont l’air très sympas, on reçoit des encouragements d’automobilistes et de scooters, lesquels semblent très nombreux alors qu’au Japon il n’y en a guère, le vélo est roi.

Welcome Taïwan !

On passe Tougian et Shanjiao, comme prévu ça monte bien vers Maoweiqi lorsqu’un type en scooter nous double rapidement (jusque là c’est normal), s’arrête un peu plus loin et nous attend avec un grand sourire et un sac (c’est déjà moins normal). Il nous avait repérés sur la route et a acheté en vitesse quatre canettes de boissons énergisantes pour nous aider à monter la côte. On discute comme on peut, il ne parle pas anglais à part pour dire « Welcome Taiwan », et au moment de se quitter il fourre dans la main d’Irène des dollars soigneusement pliés (là ce n’est plus normal du tout, on ne nous avait jamais fait ce coup là). Impossible de refuser, on sent qu’il serait offensé, il nous fait comprendre que c’est pour manger au kombini. Sur le coup on ne sait pas ce que représentent ses 1 100 dollars, il s’avère que c’est 31 €, imaginez-vous un Français donner ça spontanément à des inconnus sur la route ? Eh bien nous on n’en connait pas ! Maintenant chers lectrices et lecteurs vous pouvez mettre la main au porte monnaie quand vous verrez des cyclo voyageurs sur votre route.

Avec un sacré vent de face, sur cette côte raide on a l’impression de ne pas avancer, la boisson énergisante ne fait pas de miracles. Soudain revoilà notre bienfaiteur qui nous re-double (c’est un redoublant !) et re-tend un autre sac avec cette fois-ci deux oranges et deux pommes. Pour le remercier, Irène le force à accepter son bracelet, lequel lui avait été offert par une marchande du cap Manzamo, au Japon. Les cadeaux sont comme la gentillesse, sans frontière.

Une fois cette fichue côte terminée, on se retrouve dans une zone de forêts en redescendant, traversée par d’impressionnants ponts autoroutiers. Et on se dit que ça descend tellement que quand on devra faire le trajet inverse pour aller à l’aéroport en quittant le pays, on fera peut-être le détour, tant pis si c’est long.

Taipei

Sept millions d’habitants, des tours et immeubles très serrés, certains ressemblent à des nids à courants d’air. Partout des scooters, les adultes portent des casques mais pas tous les enfants, les chiens non plus. La courtoisie japonaise n’est plus de mise, on dirait que le plus fort passe mais c’est sans agressivité et les feux sont bien respectés. Les avenues sont larges, du coup ça roule bien, on progresse sans difficulté malgré une pluie fine.

Les trottoirs envahis de scooters, au point que c’est difficile de trouver où garer nos vélos devant un « 7/11 », supérette similaire aux kombini nippons de la même enseigne.

Nous avons une chambre en plein coeur de la ville (« icomme », section 4, Xinyir road, près de la station de métro Daan), un escalier escarpé entre deux boutiques. Il n’y a personne à la réception, c’est fermé à clé, on n’a pas de téléphone et il pleut dru. Nous voyant dans l’embarras, une jeune femme nous vient en aide et ne nous quitte que lorsqu’elle est sûre que le propriétaire va arriver. On constatera par la suite que ce n’est pas exceptionnel, les Taïwanais sont très serviables.

La cuisine de rue

Contrairement au Japon, ici on peut manger dans la rue et c’est bien commode. Nous allons à la découverte des échoppes, de nombreux stands de cuisine de rue se partagent le trottoir. La vaisselle est empilée dans des seaux, lavée sur le trottoir comme en Inde. Pour notre premier repas nous apprécions des Shui Jianbao (raviolis cuits à la vapeur) et des crêpes ciboule et à la viande, conseillés par couple taiwainais bien sympathique avec qui nous partageons un bout de table.

La nuit n’est pas moins animée que le jour, les night markets sont très fréquentés, il y a un choix de nourritures très variées mais certaines ne nous tentent vraiment pas, surtout les pattes de poulet et les tripes qui ont cependant l’air très populaires. Les pattes de poulet ont cependant l’avantage de ne rien sentir, alors que les tripes, beurk !

La boutique de José

Nous avons rendez-vous avec José, qui tient une boutique de vélos couchés à une dizaine de kilomètres de notre logement. Le parcours sur des pistes cyclables le long d’une rivière, surplombée d’ immenses noeuds autoroutiers, grands espaces verts bordés d’immeubles s’avère fort agréable, on ne s’attendait pas à ça, vu la densité urbaine. Des meutes de chiens assoupis dans l’herbe ne lèvent même pas l’oeil pour nous voir passer, sans doute blasés des cyclistes.

L’accueil chez José dans sa belle boutique « iCycling » est chaleureux. En compagnie de son épouse Grace ils ont préparé des plateaux de fruits et de gâteaux, on n’a pas ça quand on va chez « D4 long ».

S’ensuit une balade le long de la rivière, après une traversée d’un magnifique pont suspendu et une vue superbe sur les gratte ciels dans la belle lumière du soir. Nous en profitons pour nous amuser avec le trike de Grace avant un retour de nuit. On en profite également pour faire faire des essais aux passants curieux. Les cieux sont splendides.

Il y a vraiment de beaux parcours cyclables le long de cette rivière ; quand on lit que les automobilistes parisiens s’insurgent parce qu’on leur a supprimé les voies le long de la Seine pour les rendre aux piétons et cyclistes, on se dit qu’ils devraient venir ici.

Les incontournables


Comme dans toute grande ville, il y a des sites qu’on ne saurait manquer tant ils sont remarquables. Ici ce sont notamment le Théâtre national et le Concert Hall, ainsi que le mémorial Chiang Kai Shek. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’ont pas fait dans la demi mesure, c’est gigantesque.

Nous achetons une carte de métro rechargeable car nous reviendrons après notre escapade en France. Ici les transports ne sont pas chers du tout, profitons en. Et puis c’est plus commode que le vélo car les distances ne sont pas négligeables. On se la joue un peu en touristes ; nous avons revêtu nos tenues de ville pour la circonstance.

Les temples sont absolument superbes, très colorés et pimpants, ils se détachent de la grisaille des bâtiments tel le temple de Longsan dont les couleurs dominantes sont l’or et le rouge. Des dragons et statues surveillent les dévots qui apportent leurs offrandes de fleurs, de nourriture et d’encens. Certains d’entre eux, les plus âgés, sont assis et lisent les soutras de leurs livres de prières, indifférents à l’activité touristique autour d’eux.

Les jeunes gens viennent prier devant « l’homme sous la lune » qui est censé les aider à rencontrer l’âme soeur.

Une pratique nous surprend beaucoup : Des petites pièces en bois peintes en forme de croissant de lune  sont posées sur une table. Certaines personnes en choisissent avec beaucoup d’attention,  elles se concentrent en fermant les yeux et  les laissent tomber sur le sol, puis les ramassent. La première fois, puis la deuxième, on a cru à une maladresse, mais ce n’est pas possible d’être maladroit à ce point donc il s’avère que ces chutes sont volontaires. Nous avons eu l’explication par une adepte de cette pratique qui était en train de choisir soigneusement ses deux demi-lunes : On fait une demande à la divinité, puis on laisse tomber les demi-lunes et si elles tombent sur le même coté c’est que la réponse est positive, sinon c’est non (une sorte de pile ou face mais avec deux chances sur trois de gagner).

De grandes tables accueillent les offrandes de fruits, de fleurs et de gâteaux ; jusque là ça va, mais il y a même du chocolat, à ce stade là ce n’est plus de l’offrande mais du sacrifice. Irène doit retenir Joël qui se demande si les divinités ont vraiment des envies de chocolat aussi tenaces que les siennes !!!

On marche beaucoup le nez au vent dans un dédale de ruelles bordées de petites échoppes anciennes, des boutiques de dépannage de scooters, d’épiceries, drogueries, tissus, cuisine de rue. Des quartiers qui vivent et qui sentent bon l’Asie. Quartier de la Red House, ambiance.

A l’occasion de la rencontre d’une dame et son frère sourd, nous constatons que la langue des signes étant différente d’un pays à l’autre, de sacrés quiprocos sont possibles; par exemple le signe de mettre le poing sur le nez signifie « Comment allez-vous ? » en chinois et « Je veux faire l’amour » en français !!!

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Nous cherchons le célèbre Temple d’Or (Xia Hai City God), retournant la carte dans tous les sens quand on finit par se rendre compte qu’on est assis devant ! Ici aussi on vient pour trouver l’âme soeur et bénir les couples mariés pour que leur union soit durable. C’est un très vieux quartier, avec de jolis magasins d’artisanat dans la Dihua street, des herboristeries et marchands de médecine chinoise dont les produits sont des plus étranges pour nous autres occidentaux.

En matière de look, il y a de tout, du plus déjanté au plus traditionnel, tout se côtoie allègrement :

La garde

Bien à l’écart du centre-ville, le « sanctuaire des martyrs révolutionnaires » est un lieu étonnant, évidemment gigantesque, dédié à la mémoire des 330 000 jeunes soldats (la majorité avait moins de 33 ans) morts pendant la guerre contre le Japon et la guerre civile avec les communistes.

La relève de la garde toutes les demi heures se fait dans une chorégraphie parfaite, avec comme partout l’aspect un peu ridicule de ces bonhommes qui marchent comme des automates et font des moulinets avec leurs armes. Albert Einstein n’était pas tendre avec ce genre d’exercice : « Si un homme peut éprouver quelque plaisir à défiler en rang au son d’une musique, je méprise cet homme… Il ne mérite pas un cerveau humain puisqu’une moelle épinière le satisfait. »

Des fresques retracent les grandes batailles, bien entendu on n’y voit que des triomphes des gentils soldats d’ici qui terrassent les méchants soldats de là bas. Comme disait Pierre Desproges, « L’ennemi est bête : il croit que c’est nous l’ennemi alors que c’est lui !  » (c’était la seconde et dernière citation du jour, n’abusons pas des bonnes choses).

Shopping

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Un petit tour dans le quartier de l’électronique pour trouver un disque dur de 4 To, de quoi stocker toutes nos photos et vidéos. C’est immense, des centaines de boutiques qui vendent tout ce qu’on peut imaginer et même ce qu’on n’imagine pas, à des prix intéressants puisque c’est « made in Taiwan » (ou « made in China », on verra plus tard la nuance).
Une visite à la Tour 101, la 3° plus grande du monde. Un comble, on ne va pas en haut mais au sous-sol essayer de trouver le restaurant Din Tai Fung, réputé pour faire les meilleurs Xiaolongbao (raviolis cuits à la vapeur) de tout Taiwan mais il s’avère introuvable alors on se rabat sur des sushis japonais.

Ce n’est qu’un au-revoir

C’est bien la première fois :

  • Qu’on quitte un pays si tôt après y être arrivés (4 jours !)
  • Qu’on part sans les vélos ni notre barda
  • Qu’on va dans un autre pays (la Chine) dans lequel on va rester encore moins longtemps (1 nuit !)
  • Qu’on a un billet retour (pour revenir dans cinq semaines)

Après quelques derniers achats (des sandales Keen, une carte du pays, des cadeaux de Noël), on prend le train jusqu’à l’aéroport, ce qui ne dure qu’une heure et demie. Comme on n’a pas de visa chinois, la nana de la compagnie aérienne couine mais le chef accepte puisqu’on a un vol de continuité jusqu’à Paris. Du coup on est à la bourre (comment ça « Comme d’habitude » ?), on doit se presser pour embarquer. Deux heures de vol jusqu’à Nanjing, en Chine, où l’accueil est réfrigérant, notre absence de visa fait tiquer vu qu’on veut quitter l’aéroport, on est presque menacés, ça ne rigole pas. De plus un bagage est manquant ! Réclamations, la procédure est bizarre, on ne croit pas trop qu’on retrouvera un jour cette sacoche. Avec tout ça on se prend une navette très tardive, la chambre est luxueuse au Ramada Hotel mais la nuit fort courte, on n’en profitera guère. Cogitations intenses d’Irène qui l’empêcheront de trouver le sommeil : « Mais qu’est-ce qu’il pouvait bien y avoir dans cette sacoche ? ».
Le lendemain matin nouveau vol direction Shangai, puis douze heures de vol jusqu’à Paris. Sept heures de décalage, c’est le début des vacances. Les trois sacoches sont là, celle qui est perdue est bien notée, il faut attendre.
Elle sera finalement livrée au Val Froment chez nos amis et voisins, on a constaté ce qu’il y avait dedans : Les cadeaux de Noël, le duvet, la doudoune… Ouf, rien ne manque !

Patisseries Taiwanaises cosmopolites, que des pays où on a pédalé sauf un, lequel ?

10 Comments

  1. Coucou mes amis voyageurs
    Trop contente d’avoir des nouvelles en plus je pensais a vous cet après midi j’allais vous
    envoyez un mail , les grands esprit ce font signe …lolllll
    Attention aux chiens c’est méchants ils aiment pas les vélos bon apparament ceux que vous avez vu sont sous traitement pour dormir….lolll
    Vous etes ou exactement maintenant car j’arrive plus a suivre ….
    Bisous a vous 2 Lili

  2. Bonsoir à vous et à tous les suiveurs….suiveuses
    Oui nous avons un avant goût des prochaines escales et aventures sympathiques….Comment occupez vous vos journées avant le prochain saut vers l’Orient.!!!..bye bye

  3. Hello les amis. Très content de vous retrouver après ces semaines difficiles, de silence, sans nouvelles aventures.. et voici que vous nous faites baver devant ces beaux gâteaux. J’aimerais bien goûter à celui qu’on déguste à la fenêtre…
    Nous sommes impatients de découvrir la Chine en votre compagnie. Alors bonne reprise de votre voyage. Attention aux premières montées !
    On vous embrasse

  4. Superbe récit. Mais comment faites vous pour nourrir vos textes de toute cette documentation ? Vous redigez en décalé dans le temps ? Vous semblez vous déplacer (avion pays vélo bateau…) aussi aisément qu’un fakir sur son tapis (rouge). Oui je le vois rouge vif votre tapis. La bise

  5. Ben… C’est le drapeau grec qui manque bien sur (j’ai gagne?)
    Heureuse de vous savoir a nouveau sur les routes et la mine rejouie! Isabelle

  6. Je garde un super souvenir de Taïwan, et effectivement ce qui nous a le plus marqué est la gentillesse et la générosité des habitants, nous avons reçu au moins un cadeau par jour ! J’ai hâte de lire la suite de votre voyage la bas, merci pour vos photos magnifiques et vos récits passionnnants ! Belle continuation

  7. Plaisir de vous relire…quel décalage entre vos derniers jours de viste et vous savoir en Bretagne..on est presque ds la 24 éme dimension…
    Les filles de et gin

  8. Excellent, y compris les citations!
    Bon, ne fermez votre poing devant votre nez uniquement quand vous êtres sous la tente.
    Au fait, comme vous le savez sans doute, les commissariats de police ont souvent des douches et des abris gratuits pour camper: on est loin de la France…
    Transmettez notre amitié à José, Grace et leurs deux filles.

  9. Bonjour à tous! Et merci Bernard de penser à tous les suiveurs, c’est sympa!! Toujours aussi gourmand Joël.. dis j’arrive à Shangai le 28 … je prends du choc suisse??? Si par hasard on se croise!!!!
    Merci pour ce partage et bonne suite

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