Retour à Cairns : Et après ?

Après nos pérégrinations automobistiques dans la forêt tropicale, nous sommes de retour sur Cairns par le chemin des écoliers car nous ne sommes guère pressés de rentrer. Mais il faut bien, et surtout nous avons une décision importante à prendre. Récit :


Du rab d’eau, du rab d’auto

Au départ, nous avions réservé la voiture pour trois jours. Evidemment nous avons trainé en route et dû appeler l’agence pour demander un jour supplémentaire ; c’est alors que nous avons appris qu’on avait déjà dépassé d’un jour, on aurait dû la rendre la veille…(on ne voit pas le temps passer). Bon, alors ce sera deux jours, comme ça on peut faire un grand détour par les Tablelands.

Les paysages sont bien différents, c’est une immense région de plateaux, très vallonnée et fort agréable. Comme d’habitude, les distances sont importantes entre deux localités mais le paysage est loin d’être monotone.

Le taux d’humidité est à la hausse après les précipitations de la nuit passée, difficile de faire sécher, tente, voiture et vêtements, en plus pour bien arroser la végétation abondante et ne pas faire faillir la réputation de la rain forest, il pleut des cordes par intermittence, comme ca, tout d’un coup, la haut c’est le bazard, ca nous arrose au moment où on croit enfin que les robinets vont fermer.
Alors on se décide à prendre une chambre au motel « Demi wiew  » à  Mosman. Nous y recevons un super accueil (ça c’est pour les futurs voyageurs à la recherche de bon plan), endroit très calme, propre et bien aménagé, on le recommande fortement.

La cuisine est dans la cour, très bien équipée et bien abritée des éléments !
Pendant qu’Irène s’active à mettre tout ce qui pue l’humidité en machine, Joël dresse la tente sous un abri. La soirée se termine mal, on découvre un mail annonçant une mauvaise nouvelle dans la famille d’Irène. Heureusement que Skype nous aide à joindre nos proches, ca ne console pas vraiment mais ca fait sacrément du bien.

Le lendemain matin, secs et dispos, nous prenons la direction des Atherton Tablelands, ces plateaux de  montagnes rondes verdoyantes on se croirait en Suisse sauf que les vaches n’ont pas de cloches au cou… la Valaisanne ne va pas nous contredire !!!

Mareeba

La petite localité de Mareeba (« La rencontre des eaux » en langage Aborigène) abrite un très joli musée. Vous n’êtes pas sans avoir remarqué qu’on aime bien ce genre d’endroit.
Celui là est très étendu et la vie des pionniers de l’époque où est née Mareeba est reconstituée en différentes petites maisons, l’école, la gare, la fabrique de tabac, la poste, la forge, le travail de la  mine et le pub bien sûr ! On fait un plongeon en arrière de 150 ans (141 ans exactement) c’est tellement déconcertant qu’on y passe la matinée. L’histoire de cette région est représentative des villes australiennes par leur « jeunesse » finalement ça  n’est pas si loin.
On se croirait dans la série « une petite maison dans la prairie » manque plus que Hariette Olson et la famille Ingalls.

Dans un registre un peu plus dramatique, Mareeda a perdu une grande partie de ses hommes le 19 septembre 1921. Une série d’explosions dans la mine située sous le Mont Mulligan à tué 75 personnes. Ce drame à changé la donne pour de nombreuses familles qui se sont retrouvées sans revenu, veuves, orphelins, personnes âgées à charge.
Les conditions de travail étaient difficiles, les mineurs prenaient des risques et les familles n’avaient pas d’autre source de revenus.
Coïncidence  extraordinaire, il n’y avait pas de cimetière au Mont Mulligan et la veille de cette tragédie la communauté avait voté son emplacement.
Mais heureusement le reste du musée est bien plus joyeux. Nous découvrons une salle de classe reconstituée et pouvons feuilleter à loisir un classeur avec toutes les photos de classes depuis 1875. Impensable chez nous de pouvoir feuilleter des archives aussi facilement !

Cacahuète City

De passage à Tonga on découvre la maison de la cacahuète, c’est vrai que la cacahuète géante sur le bord de la route est impressionnante, tout comme les prix des sacs de cette arachide qui est cultivée dans les fermes de la région, ils en sont très fiers. On en mangeait des nettement moins onéreuses et aussi bonnes sur Madagascar.

 

Nous arrivons sur le lac Tinaroo au moment où se forme un arc en ciel, les couleurs du ciel sont enchanteresses, le lac s’étend aux pieds de la petite bourgade et nous offre des couleurs étonnantes, évidemment le ciel se décharge d’un trop plein au moment où on prend des photos.

La rencontre des eaux, en effet les eaux de la rivière Barron ont été retenues dans ce lac artificiel situé dans une vallée dont les villages ont été engloutis et les fermiers déplacés. Ce lac permet d’alimenter aujourd’hui 475 km de terre agricoles par 176 km de canaux. En amont se situe le barrage construit sur la rivière en 1958 qui est impressionnant par ses 41 mètres de hauteur.

Nous planterons la tente à Lake Echeam dans un petit camping très familial, isolé faisant à la fois épicerie, café, bureau de tabac presse, une pompe à essence (moins chère que là où nous avons fait le plein ). Les volailles courent partout, on adore ça.

Et comme la région regorge de cascades on ne va pas s’en priver, d’autant plus que les petites routes pour y accéder sont bucoliques au possible, c’est parfois un peu « patouillou » pour y arriver mais ces falls se méritent.

Le figuier en rideau

On fait un détour pour aller admirer le « Cathedral Fig Tree » âgé de 500 ans le pauvre, il tient encore debout. C’est un figuier étrangleur qui a grainé sur un autre arbre, celui-ci est mort étranglé comme il se doit. La chance du figuier étrangleur est qu’il a pu trouver un second arbre plus jeune pour ne pas s’écrouler, depuis il vit sa vie de centenaire ayant échappé de justesse à la destruction car il est placé sur une parcelle qui était promise à l’exploitation du bois. Cette parcelle est devenue Parc Naturel.

La très longue descente sur Cairns par une route comptant plus de lacets qu’on ne soit capable de les compter est un bon moyen de revenir à la « civilisation » progressivement.

Back to Cairns

Nous rendons notre petite voiture et retrouvons nos vélos dan le bureau où ils étaient stockés, sous l’oeil surpris et amusé du personnel et des clients de l’Office du Tourisme.

Vu que cette fois-ci ils nous ont mis dans une chambre qui ne nous plait pas, nous décidons de quitter le lendemain notre hôtel sur le front de mer pour aller un peu plus loin du centre dans un backpacker sympa et plus agréable :

Oasis Travellers Backpackers

Car nous n’en avons pas fini avec cette ville, vous n’avez pas pu l’oublier que nous avions le projet de retourner découvrir le jardin botanique, notamment. Cette fois-ci nous nous y prenons de manière à avoir tout le temps de se balader et c’est vrai que l’endroit est carrément remarquable, un régal :

Le Skyrail

Contrairement à ce que son nom suggère, ce n’est pas un train qui monte au ciel, mais un téléphérique. Mais pas n’importe quel téléphérique, naturellement il détient un record, c’est le plus long du monde, avec ses 7,5 km. Ce qui en soit n’est pas un argument suffisant pour nous décider à l’emprunter, mais l’endroit où il se trouve est remarquable car on « survole » une forêt tropicale et ça permet de faire comme les oiseaux. Cette « animation » a été primée « earth cheek platine » une sorte de ISO de chez nous suite à un programme de 10 années d’étalonnage et de certification. C’est le seul téléphérique au monde à remporter ce statut. Notre cabine a un plancher de verre (c’est l’option Diamant, on fait dans le luxe), voir ainsi des arbres et plantes défiler sous nos pieds est une expérience unique, surtout quand ces végétaux poussent chez nous dans de simples pots alors qu’ici ils sont gigantesques.

La nacelle survole notamment la Barron River, dans le parc national de Barron Gorge, ce qui va nous donner l’occasion d’en apprendre plus sur la signification de cet endroit important pour les aborigènes (cf. plus bas). Nous aurons 3 arrêts dans des petites gares nous permettant de visiter la foret humide.

Le trajet en nacelles se termine dans le village de Kuranda, lieu évidemment très touristique mais non dénué d’intérêt, il s’en dégage un charme suranné et paisible, entouré d’arbres et de jardins ombragés. Il n’y a pas que des boutiques de trucs australiens fabriqués en Chine, il y a également de superbes magasins et notamment celui d’un photographe au talent incroyable, Peter Jarver : Ce type hélas décédé en 2003 avant ses 50 ans ne travaillait que l’argentique, pas question de retouches Photoshop, et les résultats sont bluffants.

Le Kuranda scenic Railway

Le retour se fera en train, sur une voie ferrée dont la construction reste une prouesse d’ingénierie d’ampleur considérable. Cette ligne nous intéresse fortement parce qu’elle date et qu’elle est le résultat d’un travail titanesque.

Un peu d’histoire :
Le captivant chapitre de l’histoire du nord du Queensland témoigne de la formidable ambition, du courage et de la souffrance de centaines d’hommes qui ont participé à sa construction. Cette ligne est un hommage aux nombreux ouvriers qui ont perdu la vie sur cet incroyable projet. La majorité d’entre eux étaient d’origine Irlandaise et Italienne.
En 1873 quand on entendit « de l’or ! » raisonner à travers les montagnes les voies d’approvisionnement reliant la côte aux champs aurifères étaient lentes et périlleuses.
En 1882 une saison de pluies dévastatrice réduisit les petites villes florissantes à la misère. Les voies d’approvisionnement étaient impraticables et des milliers de personnes moururent presque de faim.
C’est à James Palmerston, un légendaire homme du bush que fut confié le soin de trouver une voie fiable pouvant accueillir une voie ferrée.
Quand on utilise cette ligne aujourd’hui, on se dit qu’il était sacrément gonflé et sans doute un peu fou, en tout cas il ne doutait de rien. La ligne est construite à flan de montagne. Sur 37 km entre Cairns et Kuranda, elle s’élève à 327 mètres au dessus du niveau de la mer.
Il a fallu y creuser 15 tunnels de 1746 mètres au total à la main, à la pioche quoi ! Un travail démentiel !
Quand on sort du tunnel 14 on a une vue spectaculaire sur la mer de Corail et la ville de Cairns. Pour les vertigineux s’abstenir !

Nous sommes installés dans des wagons datant de 1900, construits en bois de la région, le grevillea, ils sont spacieux et d’une couleur rouge chaude, nous sommes dans le numéro 4 et il y en a 16.
A un moment nous passons sur le pont de Stoney Creek Falls et ça c’est un moment magique, le clou de cette descente en train.
Achevé dans les années 1890 cet ouvrage en charpente métallique repose sur 3 piliers chevalets. Il a un rayon de faible courbure (de 4 chaines, 80,46m) ça c’est pour ceux à qui ça cause, nous ce qu’on voit c’est qu’on est dans un train qui semble suspendu dans les airs, de plus on voit la locomotive dans notre champ de vison au terme de la courbe… frissons garantis avec 98 virages !!!

Les Locomotives de classe 1720 ( pour les connaisseurs) qui tirent le petit train de Kuranda arborent les couleurs bariolées de Buda-dji. C’est une œuvre qui a été créée par un artiste Aborigène local Georges Riley et qui représente la légende de Buda-Dji le Python-tapis qui aurait creusé les gorges de la rivière Barron (cf. plus bas).

Kuranda est une gare historique construite en béton préfabriqué, aujourd’hui elle est entourée d’un jardin tropical et fait partie des 9 gares du Queensland ayant encore une cabine de signalisation à manettes en parfait état de marche. On dirait une maquette, vous ne trouvez pas ? :

Le parcours est somptueux, les paysages grandioses, les pionniers avaient bien fait les choses (Même s’ils auraient certainement préféré tracer une voie toute droite au lieu de se décarcasser avec tous ces tunnels et ponts).

Page de pub

C’est un français Daniel, un « percheron » résidant à Cairns et sa compagne Janes qui nous ont donné l’adresse de ce pub irlandais, rue Shield, où un petit groupe de passionnés se réunit fréquemment pour des sessions musicales. Nous les retrouvons pour une partie de soirée haute en couleurs de musique Irlandaise. C’est l’occasion pour Irène de gouter une bière brune « White Rabbit », elle n’a rien de blanc pourtant.

Cairns City

Quelques mots tout de même sur cette ville qui na manque pas d’attraits, il y a tout ce qu’il faut, même les magasins de luxe mais pas autant que sur la Gold Coast (On n’a pas vu de serviettes de bain Ralf Lauren, quelle misère !).

Le Lagoon

Comme il n’y a pas moyen de se baigner en mer, sauf à être candidat au suicide, la municipalité a créé un lagon artificiel. L’endroit est vraiment sympa, en bord de mer évidemment, pour un peu on s’y croirait, les odeurs de chlore en plus. C’est éclairé et animé le soir ; aquagym en soirée pour les nageurs qui se trémoussent au rythme de la musique en suivant plus ou moins les mouvements des Gentils Animateurs, lesquels ont pour certains un look pas possible, jugez-en par vous-mêmes :

La légende du Python Tapis

Puisque vous avez été bien sages jusqu’ici, nous allons vous raconter une histoire :

Buda Dji est le python tapis qui, selon la légende Aborigène du temps du rêve, creusa la roche pour former la Barron River et ses affluents, de la côte jusqu’aux Tablelands.
Buda Dji le python tapis voyagea souvent le long des gorges de la Barron avec ses magnifiques coquilles de nautile. Il troquait ces coquilles  avec les différentes tribus le long de la rivière contre des paniers tressés, des pièges à anguilles et d’autres objets utiles.
Trois hommes-oiseaux suivirent Buda-dji, convoitant ses superbes coquilles. Ils demandèrent à Buda-dji de leur donner les coquilles mais il répondit  » je dois les donner aux gens en amont de la rivière et ils me donneront des paniers tressés, des pièges à anguilles et d’autres objets ».
Furieux et avides, les trois hommes-oiseaux partirent et décidèrent de tendre un piège à Buda-dji. Ils l’attendirent en amont de la rivière. Avant que Buda-dji ne puisse arriver à la tribu, les trois hommes-oiseaux lui tendirent une embuscade près de Barron Falls (« Din Din ») et de Kuranda (« Ngunbay »). Ils le coupèrent en de nombreux morceaux avec leurs haches de pierre. Il s’éparpillèrent ces morceaux un peu partout sur les terres tribales  des Djabuganydji, les terres avoisinantes de la côte et à l’intérieur des Tablelands.
L’esprit de Buda-dji retourna quant à lui vers les eaux de Double Island (« Wangal Dungay »), où  il repose encore.
Cette version de l’histoire de Buda-dji a été transmise à l’artiste par son arrière arrière grand-mère Queen Maggie Donahue « Nuwarri », et sa  tribu des Djabugay.
Les peuples aborigènes des Tablelands, de Mareeba, de Kuranda, de Mossman, de Cairns et de  Yarrabah sont tous affiliés à la légende du Temps du Rêve racontant l’ histoire du python Buda-dji. L’histoire elle-même varie entre les  différentes tribus de chaque région.

 

Et après ?

La question qui se pose à présent que nous avons atteint le point limite de la côte Est est de savoir où on va aller, et comment. Réponse dans le prochain article, vous risquez d’être surpris… (Car nous on connait la suite de l’histoire, évidemment, mais c’est un plaisir d’entretenir le suspens).

Question de taille...
Question de taille…

6 Comments

  1. En parlant de mine puisque vous êtes dans cette contrée qui semble en avoir fait sa spécialité jusque dans les tunnels creusés à la main, les vôtres d’aventuriers burinées par le soleil semblent vraiment plus reposées depuis qu’elles sont rincées par les pluies et que vous voyagez en voiture ou en transports collectifs.
    L’occasion sans doute de mieux apprécier toutes ces beautés naturelles qui vous entourent.
    Pour la suite, puisque suspens il y a, je penche pour la Nouvelle Zélande!

  2. Super sous les Tropiques ..un véritable coktail d’aventures…il nous manque que les odeurs..on vous suit
    cordialement Bernard Rochefort sur mer

  3. Merci pour ces récits à la fois drôles et passionnants, vos photos sont magnifiques, j’ai un coup de coeur pour le jardin botanique !

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