Albanie, le retour

Après notre escapade macédonienne, nous voici donc de retour en Albanie et on ne va certes pas regretter ce choix. C’est même avec un pincement au coeur qu’on quittera finalement ce pays si attachant, malgré les difficultés rencontrées.

Nous avons fait le choix d’une route importante, du moins sur la carte, dans la pratique ça ressemble à une grosse départementale. Un avantage de ce type de route est que les pentes y sont généralement moins abruptes que sur les petites routes que nous affectionnons. En quittant la Macédoine, ça ne se vérifie pas, mais c’est normal puisqu’on s’éloigne du lac pour traverser le massif montagneux ; bien que partis de bonne heure, on a déjà bien chaud en montant, les pauses sont nombreuses mais on sait qu’après la frontière ça redescendra bien. En effet, une fois passés les 1100 m, la pente s’inverse et nous aurons le plaisir d’être en situation de descente durant plus de 50 km !

Route et rails

Que c’est agréable, ça récompense des efforts des jours précédents, on n’a qu’à laisser aller tout en faisant toutefois attention à l’état de la route ; généralement, c’est très roulant, mais on n’est jamais à l’abri d’un passage soudainement très dégradé ou d’un véhicule arrêté n’importe comment (la notion de stationnement est ici assez floue, et les clignotants figurent au rayon des accessoires inutiles), voire de vaches, ânes, chevaux ou autres bestioles s’en allant paître allègrement sur le bord de la route.

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A la sortie d’un virage très prononcé, une grosse grue est en train de sortir du ravin la remorque d’un camion, lequel est déjà sur la dépanneuse et dans un sale état ; l’habitacle est bien enfoncé mais la place du chauffeur semble préservée, espérons qu’il s’en soit bien sorti.

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On peut aussi, et ça ne manquera pas de nous surprendre, voir des tortues sur la route. Au début, on n’en revient pas, on va même jusqu’à s’arrêter pour les remettre sur la bas-coté afin qu’elles ne se fassent pas culbuter, mais c’est inutile : les automobilistes ont l’habitude, ils les évitent en roulant à coté ou par dessus !

Outre la rivière qui coule au fond de cette longue vallée, la route côtoie une voie de chemin de fer qui est visiblement à l’abandon depuis un certain nombre d’années ; c’est dommage car elle emprunte de nombreux tunnels et ponts, mais tout ceci est dans un état pitoyable et ne sert plus que de chemin aux gens du coin. Il ne subsiste en Albanie que quatre liaisons ferroviaires, avec du matériel roulant très vétuste (parfois il n’y a plus de fenêtres) sur des voies elles-mêmes dans un état de délabrement avancé; ceci explique la vitesse des trains, jusqu’à quatre heures pour parcourir 90 km. Par contre, les billets sont d’un prix très minime…

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Tout le trafic se fait donc par la route, notamment grâce à de très nombreux minibus qui sont tous pleins et s’arrêtent à la demande. Il suffit de se poster sur le bas côté et d’attendre qu’il y en ait un qui passe. Même si on trouve des véhicules en parfait état et très confortables, nombre d’entre eux sont dans un état tel qu’ils ne pourraient jamais passer avec succès un contrôle technique à la française, les pare-brises sont fêlés, mieux vaut ne pas regarder les pneus, et nombre de conducteurs roulent sans assurance. Notre courte expérience de ce type de trajet nous a suffi, notamment avec un chauffeur qui doublait n’importe comment, roulait à toute allure même sur des chaussées très dégradées, puis s’est soudainement calmé quand nous avons commencé à discuter avec lui (peut-être essayait-il de nous impressionner, c’était réussi).

Il y a quelques cars de lignes régulières, certains sont assez récents, d’autres sont si antiques qu’on se demande comment ils roulent encore mais, comme les voitures, ce sont des Mercedes, c’est increvable.

Une réflexion dérisoire d’un Albanais vivant en Italie et de retour au pays pour les vacances : « 1 mois sur les pistes d’Albanie = 1 voiture à changer » !!! C’est dire s’il a conscience qu’il y a des travaux à faire. Ceci dit le réseaux routier est un vaste chantier, partout on voit des travaux en cours, des machines et des hommes qui bossent en plein soleil et qui n’ont certes pas les pauses syndicales à la française !

Au rythme du thermomètre

Comme chaque jour, la chaleur est tellement intense à partir de midi que nous nous arrêtons à une terrasse pour nous rafraîchir et boire un coup. Nous rendant compte que c’est un hôtel, nous optons pour une chambre, le prix est très modique et ça nous permettra de mettre à jour le blog et prendre du repos. Bien que l’établissement soit un peu clinquant d’aspect, il ne faut pas trop regarder derrière la façade, la chambre n’est pas impeccable (Irène commencera à nettoyer la salle de bain…pourquoi pas Joël ???) mais on appréciera tout même une bonne nuit dans un vrai lit. Un orage ayant le bon goût d’arriver dans l’après-midi, notre choix est validé, on est bien là. Le repas du soir au restaurant de l’hôtel n’est pas terrible, ça tient plutôt de la cafétéria à bas prix, mais il ne faut pas trop en demander. Cet endroit est un lieu où s’arrêtent beaucoup de cars et de mini bus pour les pauses, un va et vient incroyable propice aux rencontres, on échangera avec des personnes parlant très bien français (travaillent en Suisse) et qui ont affrété 2 cars (ça vous rappelle quelque chose ?) pour aller chercher le marié qui habite à une centaine de kilomètres, c’est la tradition.

7h30, c’est reparti pour continuer la descente après un petit-déjeûner assorti à l’hôtel, c’est à dire qu’il n’y en a pas de proposé du tout. Il y avait bien des croissants au chocolat à la boutique, mais rien à voir avec les nôtres, de tout petits trucs industriels riquiquis, et le chocolat chaud n’était même pas bon. Ce n’est pas qu’on devienne difficiles, mais c’est quand même plus agréable quand on a des produits de bonne qualité à boulotter, ce qui n’est pas toujours aisé à trouver. (Vous ne trouvez pas que Joël est vraiment délicat) ?

La traversée de Librazhd ne nous laissera pas de souvenirs impérissables en dehors du fait qu’on puisse y trouver un distributeur de billets et de découvrir deux sculptures de grandes têtes de poètes martyrs, torturés, assassinés et enterrés clandestinement dans les montagnes avoisinantes par un régime qui ne supportait aucune contradiction.

Vilson Blloshmi & Genc Leka
Vilson Blloshmi & Genc Leka

La ville d’Elbasan est bien plus intéressante : une ville fortifiée étonne par la taille de ses remparts, il règne une activité intense dans le centre, les points d’intérêts ne manquent pas. Et, comme cela ne nous surprend même plus, les propositions d’aide aux voyageurs que nous sommes sont spontanées et désintéressées de la part des passants. Bon, dès qu’on s’éloigne des rues les plus fréquentées, on tombe sur des endroits moins glamour mais on ne se sent jamais mal à l’aise, le seul aspect auquel il faut faire attention est l’endroit où on met nos roues, les trous sont parfois plus nombreux que les portions carrossables. On remarque nombre de petits commerces et métiers, du cireur de chaussures (pas de succès avec nous avec nos sandales) au vendeur de cigarettes et bananes, le marchand de tout un tas de fourbi qui peut servir (comme quoi il ne faut jamais rien jeter), les étals de vêtements, etc.

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La circulation en ville est un peu chaotique, les feux de circulation ne fonctionnent pas, mais ça se passe bien, tout le monde arrive à se frayer un passage et nous aussi, quand on a compris le truc on s’adapte.
Quelques anciens bus français assurent le transport vers les villes environnantes. Mais comment sait-on qu’ils sont français ? Facile, les afficheurs lumineux sont bloqués sur des phrases comme « Bonne année », « Ne prend pas de voyageurs » ou même « En panne » (prémonitoire ?). Heureusement qu’ici quasiment personne ne comprend le français…

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La vallée ici s’élargit considérablement, elle est bordée par la rivière Shkumbin, et l’agriculture fait son apparition, disons des prairies un peu plus fournies, l’herbe est fauchée, les champs de mais ne sont pas maigrelets, apparaissent des serres de tomates et autres légumes, les maisons sont terminées avec un toit et les abords sont aménagés, pourtant on passe encore dans des portions de villages où l’habitat est compact et en piteux état, l’état des routes laissant à désirer. Ca ne fait rien, on roule paisiblement maintenant depuis bientôt 45 km et on se mangerait bien un petit quelque chose (les minis croissants de ce matin sont loin) en se réfugiant dans un endroit frais et ombragé, si possible avec un hamac et une piscine…..heu on rêve à vélo couché !
En quittant le village un peu triste de Cërrik on stoppe (littéralement) devant un café resto dans la campagne, une terrasse ombragée nous tend les bras, le patron est en train de lire son journal et s’empresse gentiment auprès de nous, il est midi.
Vu qu’on est les seuls clients, on lui demande ce qu’il est possible de manger et de simple à préparer pour lui, il nous propose du cochon, de la salade et des patates frites !!!!
On ne va pas être déçus : un vrai repas de petites côtelettes grillées qui sentent bons, des frites en quantité (on n’en aura jamais autant mangé), de la salade « mixte » comme ils la font içi avec tomates, oignons, poivrons, concombres et féta, un plat de poivrons jaunes assaisonnés de crème sûre et huile d’olives….on ne peut pas tout finir quel dommage…..quant à emporter le reste pour ce soir mieux vaut ne pas y penser à cause de la chaleur….

Burp !
Burp !

Petit à petit arrivent des clients, des habitués, des gens de passage qui reviennent d’un mariage, ça s’agite autour de nous mais ça ne va pas nous empêcher de faire chacun notre tour une petite sieste réparatrice les bras sur la table et la tête dans les bras (vous connaissez déjà la pratique, voir article précédent), Joël s’en donne à coeur joie de ronflements (donc il dort….!!!).
Des clients chantent à l’intérieur, d’autres, un peu avancés par la bière, chantent aussi près de nous, une bonne ambiance, on échange quelques mots, tout le monde va bien et est content d’être là.
Voilà un petit resto qui vaut le détour, c’est d’ailleurs le cas d’un albanais expatrié en Angleterre et revenant en vacances au pays qui nous confirme qu’il vient de faire un sacré bout de route avec sa famille pour venir manger spécialement dans cet endroit, le patron tout gentil en est extrêmement ému.
A titre indicatif, quelques prix dans les cafés ou les restos :
1 soda (coca, lemon soda ou autre) 100 leks = 0,72€
1 petite bouteille d’eau de 25 cl 50 leks = 0,38€
4 bananes : 100 leks = 0,72€
1 gros pain : 50 leks = 0,38€
autant dire qu’on se nourrit pour pas cher, d’autant plus qu’on ne mange pas tous les jours au restaurant.

L’architecture

Mis à part en quelques lieux historiques dans les villes et dans de tout petits hameaux, nous ne voyons pas de constructions anciennes, pas même les maisons d’habitation. Tout n’a pas l’air neuf, loin de là, mais rien ne semble dater de plus qu’une cinquantaine d’années ; peut-être les anciennes maisons sont-elles systématiquement rasées pour construire par dessus, on ne sait pas, mais ça nous change considérablement de nos villes françaises chargées d’histoire et de nos villages souvent restaurés avec soin.
En ville, les immeubles n’ont rien de transcendant, c’est fonctionnel et généralement banal lorsque c’est en bon état, fort triste lorsque c’est tout délabré.

Ailleurs, les maisons sont quasiment systématiquement très grandes, souvent sur trois niveaux, destinées à héberger la famille au sens large. Mais bien souvent elles ne sont pas terminées, il y a au moins un niveau qui n’est pas occupé.

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On voit un peu partout d’immenses constructions dont le chantier est à l’abandon, souvent il n’y a que les piliers et les planchers qui sont coulés, les briques sont en attente d’être montées mais elles risquent d’attendre longtemps. C’est particulièrement vrai en ville ou en périphérie, mais parfois aussi en pleine campagne. Il semble que ce soit une conséquence de la crise financière qui a conduit les investisseurs grecs et autres à abandonner tout investissement en Albanie. Quant aux maisons individuelles, nombre d’Albanais émigrés (plus de la moitié de la population !) ont vu leur situation se dégrader dans les pays où ils se sont installés, les chantiers en pâtissent.

La maison du capitaine du Concordia ? (avant le naufrage)
La maison du capitaine du Concordia ? (avant le naufrage)

Un autre élément d’architecture très particulier ne peut manquer de frapper : les bunkers construits durant l’ère communiste, à l’initiative d’un gouvernement paranoïaque qui pensait que le monde entier voulait envahir l’Albanie. Il y en a eu plus de 700 000, et si certains ont été démolis depuis 1990, la plupart encombrent le pays, y compris en ville où ils sont parfois recyclés pour des usages inattendus (cafés, abris pour SDF, entrepôts).

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Histoires d’eau

Tout comme l’approvisionnement en électricité est un peu aléatoire (il y a souvent des coupures, d’où la présence de groupes électrogènes sur les trottoirs des villes), celui en eau laisse un peu à désirer. D’où les réservoirs d’eau sur les toits, au début ça surprend, puis on s’y fait. En l’absence de réseau de distribution d’eau, les habitations sont équipées de pompes individuelles, l’eau n’est pas bien loin sous le sol. D’ailleurs elle est si abondante qu’on trouve des stations de lavage de voitures à tout bout de champ.
Sur les constructions les plus récentes, les réservoirs sont accompagnés de chauffe-eau solaires, comme quoi la nécessité et le bon sens font bon ménage, quand on voit qu’en France on continue à gâcher de l’électricité pour faire chauffer de l’eau.

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Les stations services

Eh oui, on ne peut pas passer sous silence cette particularité : il y a des statuions services partout, même dans les endroits les plus reculés. Et ici, ce n’est pas comme en France, le mot Service a un sens : non seulement on vous remplit le réservoir, mais il y a généralement un bar et une boutique, voire un restaurant, c’est d’ailleurs un lieu de convivialité ; les gens boivent un coup, jouent aux dominos, discutent, se restaurent.
Nous y avons passé des heures chaudes (au sens du thermomètre, s’entend) avec un accueil remarquable, les gérants étaient aux petits soins pour nous.

Ce qui est drôle aussi, c’est qu’à part une poignée de marques nationales, les stations ont chacune leur marque avec un logo flamboyant : Aigle, cheval, avion, fusée. Il y a même une marque « internationale » qui affirme qu’avec eux on va s’envoler ! Heureusement que ça ne marche pas, il y a bien assez d’accidents comme ça sur les routes, si en plus il fallait redouter qu’une voiture nous tombe sur la tête…

Il est temps pour nous de chercher un endroit pour la nuit, lorsqu’on passe devant une station isolée en pleine campagne, on avise un champ fauché avec un peu d’ombre, le soleil est encore chaud… On vient de saluer l’homme qui nous regarde passer, étonné. Vite demi tour pour lui demander l’autorisation de nous installer et comme à l’accoutumée « no problem ».

On descend donc dans le champ et plantons la tente, l’homme vient voir comment dorment deux cyclistes voyageurs, on lui montre nos matelas, il doute que ce soit confortable, pour lui ça n’est pas bien épais. Il veut savoir si nous n’avons pas de problème avec les « animaux », il pense aux serpents et autres insectes qui pourraient nous rendre visite nuitamment… On s’empresse de le rassurer.

Ca klaxonne à la station, il retourne servir ses clients et nous fait comprendre de venir le rejoindre si on veut.

Le plein, s'il vous plait
Le plein, s’il vous plait

Vous pensez bien qu’on ne va pas laisser passer une occasion pareille, on s’empare de nos bidons vides (pour revenir avec assez d’eau pour se laver) et on va retrouver pour une soirée mémorable avec Bardhyl.

La station, comme c’est le cas dans beaucoup d’endroits reculés dans ce pays, est encore en construction. Seule une partie du bâtiment est terminée, une pièce qui sert de bureau et de cafétéria et une autre qui sert au veilleur et qui est dotée d’un lit. A part cela 1 table et 4 chaises sont disponibles devant la pompe à essence. Bardhyl nous présente son frère, assis sur une chaise avec sa canne, il est âgé de 75 ans, lui même en a 68. Son frère est en train de perdre la vue, il n’habite pas très loin et vient tenir compagnie à Bardhyl et peut ainsi rencontrer et bavarder avec les clients de passage.

C’est ainsi que tous les quatre nous commençons à nous raconter nos vies si différentes, et malgré le barrage de la langue nous arrivons à nous comprendre, entre quelques mots d’italien, de français, d’anglais, d’albanais et de nos mains….. Nous apprenons ainsi qu’ils sont « pensionnés » de l’équivalent de 80€/mois, on comprend la douleur d’avoir été brimés par presque un demi siècle de communisme, les familles séparées qui ne pouvaient se rencontrer si l’autre moitié n’adhérait pas au parti, dans ce cas également il n’y avait pas d’accès aux soins ni à l’éducation. La famille de Bardhyl s’est vue confisquer les 200 ha de terrains, il nous montre les collines environnantes et nous explique que c’était son grand père qui avait planté les oliviers et travaillé la terre pour la rendre cultivable; à la chute du communisme, les terres ont été redistribuées de manière inégale, sa famille n’a pu en récupérer qu’une infime partie. Il se lève et va servir ses clients de passage, des petites quantités dans des bouteilles en plastiques pour les engins agricoles ou des scooters, il revient dubitatif en nous montrant la menue monnaie qu’il vient de recevoir…. fort heureusement quelques voitures passent aussi….

Cool, la station service
Cool, la station service

C’est alors qu’arrive Arber, le petit neveu, habitant en Italie et parlant bien anglais, ce qui va nettement améliorer nos échanges verbaux un peu fastidieux jusqu’ici. Ce jeune homme brillant va nous servir de traducteur durant toute la soirée et même le lendemain matin. En effet, son père arrive et nous propose aussitôt de venir manger avec eux à la casa à un kilomètre d’ici. Allez hop, on laisse la tente aux bons soins du veilleur de nuit et nous voila partis pour ce hameau que nous n’aurions jamais découvert seuls, vu que la route qui y mène est fort pentue et n’est pas goudronnée, c’est une piste caillouteuse (la construction intensive des blockhaus explique en partie le retard du pays sur les infrastructures routières).
Nous retrouvons là deux des fils de Bardhyl qui arrivent d’Italie avec leurs femmes et leurs enfants, Ismete l’épouse de Bardhyl qui s’affaire pour nous apporter des boissons fraiches, on nous colle d’office confortablement dans le canapé « piano, piano » nous conseille t-on. Il y a aussi Hidri le jeune cousin qui vient de terminer ses études d’avocat et son frère de 22 ans qui est sourd. C’est alors qu’Irène devient « spécialiste » de la surdité, la discussion porte sur les soins pour les déficients auditifs dans nos pays respectifs. Il est clair que l’Albanie fait ce qu’elle peut sans doute, mais que la prise en charge reste minimum. Il est scolarisé dans une école spécialisée et sait lire et écrire. Ce jeune homme a une bonne lecture labiale, il signe avec ses proches mais ceux ci sont préoccupés de son avenir et de la possibilité d’être autonome. Ils ont pris des renseignements auprès d’ un oncle expatrié au Canada, mais c’est onéreux de l’envoyer la bas. L’Italie plus proche est une piste à explorer, ils veulent en savoir plus sur l’appareillage, sur les implants, les examens à faire pour avoir ce qui conviendrait le mieux. ils sont bien informés et le jeune homme sourd aussi car il s’exprime bien et nous fait comprendre les inconvénients des implants, notamment les maux de tête. Nous arrivons à signer ensemble, c’est très émouvant. Sa famille le croit muet, incapable d’émettre un son, pourtant avec des exercices il arrive à répéter après moi les voyelles, il entend donc un petit peu… Il n’est pas sourd profond. Tout le monde est étonné et il me tape de joie dans les mains, on devient une belle paire de complices. Irène leur donne autant d’informations possibles de ce qu’elle connait de son expérience professionnelle passée, mais il y a quand même des limites, elle ne peut que leur suggérer des pistes.

Ismete et Bardhyl
Ismete et Bardhyl

On va passer une superbe soirée autour d’un énorme Barbecue dans la cour de cette maison où l’ambiance familiale et chaleureuse nous réjouit par sa simplicité, on a l’impression que nous les connaissons depuis longtemps, c’est tellement facile de se laisser aller et porter par les rencontres de ce type.

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C’est Arber qui nous étonne, ce jeune Italien qui continue toujours de traduire et qui est obligé de calmer cousins, oncles et tantes quand les questions fusent de toute part. Quand on le lui fait remarquer, il nous répond qu’ils n’ont jamais eu l’opportunité de recevoir des cyclistes, qui plus est des français, l’accueil de l’étranger c’est quelque chose de normal.

Bardhyl, le grand oncle pompiste s’inquiète de savoir pourquoi nous traversons son pays à bicyclette alors que nous avons les moyens de rouler en voiture ? Quelle est donc la malédiction qui pèse sur nous ?

On retrouve la petite famille le lendemain matin autour de la pompe au moment du petit jeuner, on s’embrasse comme du bon pain après quelques essais de vélo couché et on repart pourvu d’un élixir précieux offert par le frère de Barhyl, l’homme presque aveugle, « un bon médicament en cas de froid » nous dit-il, il est presque 9h et il fait déjà 28° !!

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Pétrole en vue

Changement de décor, la route sillonne gentiment dans un décor verdoyant, de petites collines, des vallées, c’est très agréable mais petit à petit une drôle d’odeur nous assaille. On ne tarde pas à en voir l’origine, ce sont des forages pétroliers en grand nombre, les installations sont antédiluviennes et certaines sont encore en activité mais ça grince et fuit de partout. Les gens qui habitent là sont peut-être habitués, néanmoins ils sont dans une atmosphère bien polluée.

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Demi tour

Une fois n’est pas coutume, nous allons faire demi-tour ! Non que nous nous soyons trompés de route, mais notre trajet passait près de la ville de Berat que nous avons ignorée car ça faisait un détour et nous ne savions pas qu’elle présentait un certain intérêt. C’est un jeune qui travaille sur la réfection des routes (il y a de quoi faire) qui nous en parle le soir, dans l’hôtel où nous avons trouvé refuge (pas cher, 14 € la nuit).
Le lendemain, donc, on part en sens inverse mais pas à vélos : la route est difficile, on la connait, alors on attend 10 mn au bord de la route que passe un minibus, et c’est parti, on voyage comme les Albanais.

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C’est vrai qu’elle est particulière, cette ville construite par les turcs (comme quoi ils ont envahi, massacré, pillé mais aussi construit). Son classement UNESCO aurait dû nous la faire repérer, il faudra qu’on se renseigne mieux à l’avenir. A l’issue de notre visite, nous cherchons vainement un restaurant, on finira par atterrir dans une pizzeria après avoir marché longtemps sous le soleil (il y avait bien une crêperie mais elle ne faisait pas de crêpes…). Le retour en minibus est un peu agité, mais nous rentrons entiers à notre hôtel.

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Pas Fier

C’est une grande ville, Fier, mais elle ne nous a pas laissé une grande impression. Beaucoup de monde, beaucoup de trafic, un Crédit Agricole et une Société Générale côte à côte, même un Carrefour Market dans lequel les prix sont prohibitifs mais on ne peut résister à quelques produits français ; seul le beurre demi-sel échappera à notre convoitise, chaleur oblige.

La route qui quitte la ville est à son image, très encombrée, bruyante et poussiéreuse. Joël se prend d’ailleurs une gamelle en glissant sur une plaque de béton, heureusement les camions et voitures qui suivaient ont fait un écart, le temps de relever le bonhomme, le vélo et le chargement éparpillés sur la chaussée. Juste un petit bobo à la main qu’Irène désinfecte (elle a oublié d’utiliser le raccu précieux), ça va.

Si la route est inintéressante, les gens sont toujours aussi gentils et serviables. Le marchand de légumes nous fait cadeau des tomates. Le pompiste nous installe confortablement et prend soin de nous dans son bar chaud mais ombragé. On fait connaissance de Medhi qui parle très bien français puisqu’il est entraineur de chevaux, notamment à Vincennes. Il nous raconte sa vie sur les champs de courses et dans les meilleures écuries du monde entier, il apprécie que nous nous arrêtions sans plus de manière et partagions la vie des albanais en restant un moment avec eux. Après avoir décliné une suggestion de prendre l’autoroute, puisqu’ici ça se fait en vélo, nous poursuivons sur l’ancienne nationale qui n’est plus très fréquentée et traverse de petites bourgades.

C’est ainsi que nous arrivons dans un autre monde : Vlore est une grande ville côtière avec de grands boulevards, de grands immeubles, des embouteillages, des boutiques de luxe, etc. Ce n’est certes pas là que nous allons bivouaquer, ni même trouver un camping. Quant aux hôtels, ils ont beaucoup d’étoiles mais nous finirons par en trouver un qui nous va bien, avec un emplacement sécurisé pour les vélos et un seul étage à monter pour le barda. L’hôtel précédent nous proposait de les laisser dans la rue, soit disant sûre, et était situé au dessus d’une discothèque…

Quand on fait le tour des immeubles clinquants des boulevards, qu’on va dans les rues derrières, on voit l’envers du décor : rues défoncées, locaux miteux, petits commerces sympas, petits boulots, vie de quartier.

Coté cour
Coté cour

Plein de cyclistes

Enfin, nous allons rencontrer des cyclistes voyageurs , des vrais avec des bagages, des bidons d’eau et tout. Et ça se passe dans un endroit où les cyclistes n’ont habituellement pas grand chose à faire, une station service.

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Nicole est américaine, roule seule depuis que son mari a du rentrer pour reprendre le boulot, et est sacrément pêchue : Elle a déjà fait le Paris-Brest-Paris et compte revenir pour le prochain. Un truc de dingues, ça nous épate qu’elle vienne des USA pour cette épreuve si difficile. Peu après nous rejoignent quatre roumains, ils sont jeunes et ont la pêche aussi, ceux-là. Rendez-vous est pris avec Nicole en Californie, puisqu’elle est hôtesse Warmshower.

Comme on sait que la route va passer par un col à 1 100 m bien difficile parce que la montée se fait sur une dizaine de kilomètres seulement, on laisse les plus jeunes filer et on se met à faire du stop. Ca marche tout de suite, un pickup s’arrête et nous emmène illico. On ne regrettera pas, les pentes sont si raides que les voitures montent en première, on n’est pas capables de monter de tels pourcentages. Notre chauffeur récupère au passage son jeune neveu qui parle anglais, ça facilite bien les échanges.

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Arrivés en haut, le panorama est magnifique, pour un peu on se dirait que ça valait les efforts qu’on n’a pas faits. Et on voit la descente qui nous attend : impressionnant ! Irène en a mal aux freins d’avance.

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Pour une descente, c’est une descente ! Grisante à souhait, la route est belle, peu de voitures, des paysages magiques, ça roule.

Les freins chauffent
Les freins chauffent

Il fait toutefois bien chaud, ça monte parfois, on s’arrête comme d’habitude l’après-midi dans un café pour se mettre à l’ombre avant de reprendre la route. C’est là que les quatre roumains vont nous rattraper, eux qui ont grimpé le col vaillamment, de même que Nicole qui n’est pas bien loin.
On se retrouve tous le soir au camping de Himare, établissement un peu bizarre situé derrière des immeubles pas terminés mais trop cool … Beaucoup de jeunes dont un couple français (à qui on va laisser un livre lu, offert précédamment par David). Bon, quand on est fatigués on dort n’importe où. N’empêche qu’on aurait apprécié un peu d’eau chaude dans les douches (spartiates).

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On quitte le camping trop tard, on a bavardé avec les jeunes roumains, avec le couple de jeunes français (auto stop) et aussi Nicole qui traine mais Irène a également repéré 3 personnes sourdes qui signent, alors elle va leur causer tiens donc…. et ça gesticule et ça gesticule….. ce qui fait qu’on prend la montée, encore une, alors que le soleil nous chauffe déjà la couenne ! On sera rattrapés par 2 couples de jeunes anglais qui nous ont déjà vus plus bas, encore une occasion de faire une pause et d’échanger sur les expériences des uns et des autres, tout le monde s’accorde à dit que cette partie de la côte est sacrément difficile….. Et nous on s’accorde une pause de 4 heures, il fait 40°!

les grimpettes reprennent et nous stopperons dans le village de Lukor avec un soleil couchant des plus éblouissants qu’on ait vu jusqu’içi.

Coucher de soleil sur Lukove
Coucher de soleil sur Lukove

Un peu de difficulté pour trouver un toit, il n’y a pas de camping, nous sommes dans une toute petite ville et pentue s’il vous plait. Après s’être renseignés dans un bar un homme nous conduit dans un appartement mais il n’y a qu’un petit lit pour deux, Joël fait la tête, quand on lui demande s’il y a de l’eau chaude, il s’aperçoit qu’il n’y a pas encore l’électricité, faut dire que l’immeuble est en phase de finition….. bref, on se retrouve dans un petit appartement de l’autre côté de la rue et en plus au RDC chose que l’on apprécie grandement. Bien sur on se fait cuire nos pâtes favorites sur un feu à gaz parce que les plombs sautent quand on utilise la cuisinière électrique…. Ah mince alors c’était trop beau…..

N’empêche qu’après une bonne nuit on part à la fraiche à l’assaut des dernières montées et qui nous conduisent vers le port de Sarande, grande ville touristique de la mer Ionienne avec beaucoup de voitures et des sens de circulations uniques sur de longues avenues étroites, Joël se casse à nouveau la figure en traversant un passage avec des grilles, quant à Irène elle coince sa roue arrière dans le même genre de piège un peu plus tard…. Nous trainons un peu dans cette ville en attendant de prendre un bateau qui nous mène sur la côte Grecque et plus précisément sur l’Ile de Corfou.

Dernier cliché à Sarande
Dernier cliché à Sarande
Il a fière allure, le drapeau albanais
Il a fière allure, le drapeau albanais

C’est avec nostalgie que nous nous apprêtons à quitter l’Albanie, la découverte de ce pays nous a agréablement surpris, nous étions entrés avec un tas de préjugés tant au niveau de la criminalité, de l’hygiène, de l’état désastreux des routes. Nous avons étés comblés d’agréables rencontres, jamais nous ne nous sommes sentis en insécurité, jamais de geste ou de verbe déplacé, mais un accueil formidable de simplicité et de gentillesse. Les gens sont souriants, agréables, constamment prêts à rendre service, conscients que leur pays est pauvre, et par la même le sont aussi. Ils ont à coeur de nous donner la meilleure image possible et sont heureux de nous voir parcourir leur pays à vélo, même si pour certains d’entre eux pensent que pèse sur nous une malédiction (:)) Ils ont un coeur fier et généreux, tel ce jeune homme vendant son miel au sommet du col de Llogarasë qui s’excuse parce qu’il est cher mais que c’est le meilleur de la région. Quand on voit l’isolement du lieu et les kilomètres de montées pour arriver jusque là, il en faut de la motivation et il faut chérir son pays pour accepter de rester vivre ici malgré les contraintes liées aux déplacements.

Grandiose paysage
Grandiose paysage

Nous remercions les Medhi, Badhyl, Arber,Llagora et son cousin Shyqyri, Esmete, Flori, Hidri, la patronne du café qui nous a offert des pêches, le vendeur de légumes qui nous offre des tomates, les fermiers qui voulaient nous offrir une pastèque d’au moins 3 kg, et tous les anonymes rencontrés pour notre plus grand bonheur, nous avons déjà envie de revenir, conscients que nous venons d’avoir le privilège d’avoir parcouru une toute petite partie de ce pays au passé si tourmenté, qu’il va changer dans les années à venir et que nous avons la chance d’avoir côtoyé des gens pétris d’authenticité pas encore confrontés aux désavantages du tourisme de masse.

A vous qui lisez ces lignes si vous avez une envie de dépaysement venez voir l’Albanie, ses paysages, ses campagnes, ses plages et ses côtes découpées, ses brebis, ses petits ânes, ses troupeaux de dindons et ses vaches allant aux champs seules, ses sources d’eaux fraiches arrosant sans fin ce pays poussiéreux, ses odeurs de plantes inconnues, ses oliviers et ses fromages délicieux, ses stations essence implantées dans les coins les plus reculés, ses pastèques énormes rafraichissantes…. Mais surtout, surtout et par dessus tout ses habitants aux yeux à la fois rieurs et aux regards d’un bleu profond comme les eaux de la mer qui longe ses côtes ensoleillées.

Vous l’aurez compris on a A D O R É !!!

Coté mer, c'est bien aussi
Un régal pour les yeux

PS : jusqu’au bout on sera accompagné par Tatiana et Medhi qui nous ont simplement hélés à Vlore au volant de leur voiture, nous voyant prendre le même bateau Tatiana demande à Irène si elle la reconnait, bien sur qu’on la reconnue, ce fut un instant bref mais tellement spontané et un autre clin d’oeil d’être du même voyage pour quitter l’Albanie… décidément jusqu’au bout ils auront pris soin de nous.

Bilan Albanie

  • 483 km parcourus à vélo (4 345 km depuis le départ).
  • 54 km en moyenne par jour de déplacement.
  • 11 jours de voyage (130 jours depuis le départ).
  • 6 nuits sous tente, 5 nuits sous un toit.
  • Toujours aucune crevaison.
  • Matériel : RAS, rien cassé, rien perdu, et on s’en plaindra pas.

5 Comments

  1. Coucou …..J’ai tout lu ce grand commentaire sur l’albanie , c’est vrai que c’est un pays que je penserais pas aller , tout comme la roumanie et tout ses pays …… dans mon village il y a des gens qui viennent des pays de l’est et ils sont loins d’etre sympa !!!!!!Je suis contente que vous etes tombés sur des gens charmants mais vous l’etes donc c’est normal !!!!!!Arretez de dire que vous avez chaud car chez moi c’est 20 maxi , j’en ai marre ……… lol ……………………. Et c’est pas fini car vous allez vers le plus en plus chaud , la grece …….. Allez je vous souhaite pleins de belles choses ….. Et a la suite …………………………… Bisous Lili

  2. Elle a raison Lili! Nous aurions besoin de chaleur! Heureusement que vos récits sont plein de chaleur humaine de soleil et de plaisir… C’est un joli partage! Merci et bonne route

  3. Bonjour los amigos,
    Nous aussi nous sommes dans un paysage méditérannéen sur l’ile Taquille du lac Titicaca, le climat n’est pas tout a fait le meme et l’altitude non plus….
    Corfou ça nous rappelle de bons souvenirs, nous l’avions parcourru en scooter qui avait du mal a monter certaines petites cotes !
    Au Pérou aussi il y a des grilles posées dans le mauvais sens sur la route, on a planté une roue avant dedans ça fait bizarre mais plus de peur que de mal.
    Vous nous avez donné envie d’aller en Albanie, on va l’ajouter à notre longue listre de souhaits de voyage. Bonne route à vous et profitez bien de la Grece !

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