La Cappadoce intramuros

Tout ça, c’est de la faute à Marie & David ! S’ils ne nous avaient pas recommandée la Pension Köse à Göreme, nous n’aurions pas découvert cet endroit si sympathique où nous allons passer presque une semaine.
La commune en elle-même a beau être très (trop selon Jillian, on y reviendra) touristique, le site est tellement exceptionnel que ça vaut très largement le détour. Surtout qu’on ne l’a pas fait en vélo, le détour, car ça fait plus de 700 km depuis Istanbul et ça nous aurait pris tellement de temps qu’il aurait fait encore plus frais la nuit et surtout que les journées auraient été encore plus courtes.

C’est que ça ne plaisante pas avec la nuit, dans ces contrées : Dès 18 h (17 h en France) la clarté fait place à l’obscurité et la température chute drastiquement. Par contre, le soleil se lève de bon matin, à 6 h il réchauffe déjà bien l’atmosphère.

Quand on arrive en ville

Quand nous arrivons à Göreme (prononcer Gueurémé) nous venons de passer plus de douze heures en bus, inutile de vous dire que nous ne sommes pas frais, les arrêts pauses, les gares à desservir, on n’a pas les yeux en face des trous !!! 15 km en amont nous avons dû changer de bus, on ne nous avait pas dit qu’il y avait une correspondance mais ça a été vite fait. Une fois nos vélos sortis de la soute nous nous octroyons un petit déjeuner dans le premier café de la place. Nous trouvons facilement la pension Köse et y sommes accueillis par Sylvana tout sourire et parlant bien anglais. On va dormir jusqu’à 14h !!! C’est pas de tout repos, les trajets en bus finalement.

Le centre ville de Göreme n’est pas très grand, on en a vite fait le tour, nous sommes curieux de voir à quoi ressemble une ville troglodyte, on s’aperçoit bien vite que tout est organisé pour que le touriste y trouve son compte : location de quads, vélos, voitures, des restaurants et des boutiques « souvenirs », marchands de tapis, nombreuses agences de tours en montgolfières. Nous côtoierons cette semaine de nombreux asiatiques, Chinois, Coréens, c’est la période de vacances pour eux.

Première rando

En prévision de cette première randonnée terrestre, Irène avait pris soin d’acheter des  chaussures adéquates à Istanbul; Joël trimballant les siennes depuis 6 mois mais ne les ayant encore jamais utilisées, il était temps qu’elles servent enfin. Pour la première fois depuis le départ, nous ne sommes pas en sandales.

Il est extrêmement agréable de cheminer dans les vallées, d’admirer les étranges cheminées de fées, de grimper sur les concrétions rocheuses, d’entrer dans les multiples cavités, de se faufiler sous des arches de pierre. C’est vraiment un endroit extraordinaire, de plus il fait très beau et il n’y a quasiment personne.

 

Charlot(te) & Yilmaz

Heavens on earth
Heavens on earth

En voilà deux qui ont opté pour un mode de vie résolument différent : Yilmaz est artiste, il fait de magnifiques céramiques en compagnie de Charlot (prononcer Charlotte, en turc toutes les lettres se prononcent). Leur atelier est installé en bordure d’un petit chemin, au pied d’une falaise aux formes élégamment tortueuses, c’est à la fois sommaire et charmant. Mais le plus chouette est qu’ils vivent là, leur demeure troglodyte est à proximité immédiate, minuscule et aménagée sommairement, correspondant à leur style de vie. L’eau provient d’une petite retenue dans la roche, l’électricité est fournie par un petit panneau solaire, ils ont même accès à internet par une clé wifi accrochée dans un arbre. « Le paradis sur terre », affirme Charlot avec un grand sourire.

On s’envoie encore en l’air

Nous avions prévu d’aller de bon matin voir décoller les mongols fiers, mais ça ne va pas se passer exactement comme ça.
Alors qu’il est plus de 22 h, notre hôte nous fait une proposition : deux coréens s’étant désistés, on peut embarquer le lendemain matin; après la rituelle négociation, notre prix est accepté, tope là. Mais comme il faut se lever à 4h30, qu’on n’a guère éteint avant minuit et qu’on a mal dormi par peur de ne pas se réveiller à temps, inutile de dire qu’on n’a pas l’air très frais quand on rejoint le lieu de départ.
Il fait encore nuit noire, les préparatifs vont bon train, les ventilateurs gonflent les toiles, les brûleurs chauffent l’air (ca nous réchauffe par la même occasion) les montgolfières prennent forme et bientôt décollent tout doucement, nous sommes 24 personnes suspendues dans un grand panier !

Le soleil se lève derrière la barrière rocheuse, éclaboussant de lumière dorée les roches aux formes alambiquées, c’est magique. Petit à petit le ciel de la vallée se couvre d’une centaine de gros ballons colorés illuminés de temps à autre par les flammes des bruleurs.

Progression tout en silence, à part de temps à autre le souffle des brûleurs qui permettent de regagner de l’altitude. On a l’impression de ne pas bouger, pourtant le sol se déplace sous la nacelle (en fait, ce doit à priori être la nacelle qui se déplace au dessus du sol, comme quoi tout est relatif).
On se trouve au dessus du piton rocheux d’Uçhisar qui nous apparaît impressionnant avec sa multitude de fenêtres et d’ouvertures dans la roche.

Au loin le village de Cavusin ressemble à un jouet liliputien et plus au nord Avanos, la ville des potiers, se réveille.

En survolant cette immense vallée on réalise combien sont nombreuses les cheminées de fées, les églises et les tombeaux qui rendent cette région si attractive, c’est un paysage grandiose qui s’offre à nous paré d’une lumière de toute beauté. On savoure au maximum ces instants précieux.

Retour sur le plancher des vaches, bien qu’il n’y en ait guère en ces contrées fort peu propices au pâturage bovin. C’était bien !

Waouh !
Waouh !

Mélodie en sous-sol

Nous nous rendons en bus dans la petite ville de Derimkuyu qui ne verrait probablement guère passer de visiteurs s’il n’y avait sous le sol cette surprenante cité souterraine. 11 niveaux de galeries creusées au fil des millénaires, qui pouvaient abriter jusqu’à 50 000 personnes qui se seraient ainsi protégées des agressions. Cependant, de nombreuses questions restent sans réponses au sujet du rôle de cette ville, nous vous recommandons de lire cet article fort intéressant sur le sujet.

Bien que cette visite soit particulièrement intéressante, nous sommes d’accord que nous n’aurions certes pas apprécié de vivre sous terre, en plus on ne sait pas non plus comment était réglé le problème des toilettes !!!

Une drôle de scène se déroule au 10° étage sous terre, le gardien arrive intrigué mais nous fera comprendre qu’il ferme les yeux sur cette entorse au règlement. Ceci fait partie d’une vidéo que vous verrez peut-être un jour, si vous êtes sages et patients.

CM sous terre
Kesfifon enkor ?

 

Avanos

C’est une ville plus importante que Göreme, surtout connue pour ses potiers. Il y en a en effet à foison, ainsi que quelques marchands de tapis sans lesquels le tableau ne serait pas complet. « La rivière rouge » qui traverse la commune est bien agréable, surtout pour les innombrables oies bernaches qui viennent se faire gaver du pain jeté par les visiteurs ; on sait maintenant pourquoi, comme nous, elles migrent de Bretagne en Turquie. Moralité, bretons : Si vous voulez garder vos bernaches, donnez leur du pain. Mais si vous voulez voir revenir vos Cyclomigrateurs, préparez de la galette parce que le pain, ici il y en a et il est bon.

L’ancienne ville, en partie haute, est bien différente. De nombreuses maisons se sont effondrées suite à des mouvements de terrain, celles qui sont restaurées le sont souvent par des américains, français, allemands…

Rencontres

Nous avons fait deux rencontres intéressantes à Göreme. La première, en trainant le soir le long de la rue aux boutiques, nous tombons sous le charme d’une cave tenue par un marchand de tapis, un vrai trésor et une réjouissance pour les yeux. Le monsieur s’adresse à nous en très bon français et de fil en aiguille (!) nous ne discutons pas que de tapis mais on vous le donne en mille : de la Bretagne ! et plus particulièrement du centre Bretagne, Corlaix…ça vous dit quelque chose ? Ce monsieur vient régulièrement à Corlaix où il a des amis et fait commerce de tapis aussi dans la région de St Brieuc. Nous apprenons également la différente entre le tissage turc et persan, la qualité des tapis, leur valeur, les traditions, etc.

La seconde rencontre est celle de Jillian, une femme d’origine Hollandaise qui vit une partie de l’année à Göreme et qui a retapé une maison cheminée de manière absolument fantastique. Nous l’avons rencontrée à la pension Köse où elle est venue rendre visite à ses amis, elle parle aussi pas trop mal le français. Elle est journaliste et voyage pas mal. Elle nous invite à passer voir sa « maison »  et nous reçoit chaleureusement autour d’une bonne bouteille de vin blanc, on fait le tour de la propriétaire et ce que l’on découvre est vraiment superbe. Sa demeure s’articule en effet autour de la partie plus ancienne de la cheminée troglodyte, laquelle comporte en hauteur une ancienne chapelle et une grande pièce qui abritait toute une famille. Jillian projette de complètement rénover ces deux cavités, mais c’est loin d’être simple car soumis à une stricte réglementation ; ainsi, si elle rénove la grande pièce, elle doit aussi rénover la chapelle selon les règles de l’art et il est interdit de procéder à des modifications structurelles.

C’est d’ailleurs un problème dans la région car nombre de cheminées de fées tombent en ruine faute d’entretien. Elles étaient depuis toujours occupées à titre gratuit, mais en 1986, l’État a exigé le paiement d’un loyer. Résultat : la majorité d’entre elles ont été abandonnées. Les mesures de sauvegarde, peu coûteuses, sont pourtant simples à mettre en œuvre : Boucher les trous, dévier l’écoulement de l’eau, appliquer une couche de chaux hydraulique afin d’étanchéifier les sols humides. Le problème dépasse les autorités locales, car elles ne sont pas autorisés à les réparer, il faut la permission du Comité des monuments (qui dépend de l’État). Hélas, l’administration ne s’y intéresse pas et poursuit en justice ceux qui tentent de les rénover…

Chez Jillian
Chez Jillian

Mais revenons en à la maison de Jillian. Absolument remarquable, c’est le résultat de sept ans de travaux considérables pour conserver la caractère si particulier de ce type d’habitat et le rendre lumineux et confortable. Nous sommes invités à venir nous installer ici quelques jours, mais l’appel du large est trop fort, les voyageurs vont reprendre la route le lendemain.

Enfin, à Avanos, une « rencontre du troisième type » : Dans la vieille ville, là où les touristes ne vont pas, nous trouvons Emine en train de changer une roue sur sa vieille carriole, en compagnie de son chien qui ne l’aide guère. Quelques minutes après, nous voici installés dans son gourbi atelier en train de l’écouter chanter après nous avoir barbouillés d’un drôle de parfum. Le personnage est très drôle, il nous fait visiter sa maison (on croyait qu’il voulait nous la vendre, non merci) dans laquelle il a aménagé des logements à louer.
Joël l’aidera finalement à changer ses roues, deux fois car il les avait montées à l’envers la première fois. Voilà, la carriole peut repartir pour trente ans, les pneus tiendront le coup. Le reste, par contre…

Encore

Il y aurait encore beaucoup à écrire sur cette région, mais on ne peut rédiger un roman ni un guide touristique, c’est pourquoi nous vous invitons à venir par vous-même passer une semaine dans le coin, vous ne le regretterez pas (ou alors c’est que vous êtes difficiles).

Kurban Bayrami

Durant notre séjour en Cappadoce, c’est la « fête du sacrifice » qui a lieu 70 jours après la fin du Ramadan, et qui rappelle Abraham qui s’apprêtait à sacrifier on fils (ça vous rappellera sans doute quelque chose). A l’occasion de cette importante fête qui dure 4 jours, chaque famille en ayant les moyens est censée sacrifier un animal et en distribuer les deux tiers d’abord aux « pauvres », ensuite aux voisins et aux amis. Le dernier tiers est réservé aux invités de la table familiale (On se dit que si tous les voisins font de même, ça fait plein de morceaux de moutons qui s’échangent de maison en maison, mais bon…)

Le seul qui n'est pas à la fête, c'est le mouton
Le seul qui n’est pas à la fête, c’est le mouton

Les animaux sont égorgés le jour de la fête, au retour de la mosquée. Selon la tradition, les meilleurs morceaux sont offerts en partage à ceux qui mangent rarement de la viande. Le boucher qui abat l’animal garde les tripes et les pieds. La famille garde les morceaux moins nobles, excepté un gigot réservé au kavurma. Dans ce plat traditionnel, la viande découpée en fines lamelles est cuite dans une grande casserole, dans son propre jus, avec un morceau de la queue grasse de l’animal. Saupoudré de thym et accompagné de riz pilav, ce kavurma est un délice, nous avons eu l’occasion d’en manger deux fois,

Mais le plus important n’est pas tant de se régaler que dans le sens de cette fête du partage et de la solidarité qui réunit les familles, à tel point qu’Istanbul se vide, même le grand bazar est fermé, ainsi que les banques, la poste et certains musées. Repas, loukoums et autres délices se partagent alors dans la bonne humeur. Certaines familles préfèrent de nos jours donner directement de l’argent aux œuvres caritatives plutôt que de sacrifier un animal, ce qui est sans doute plus commode pour ceux qui habitent en ville.

Maintes fois durant ces quatre jours on nous a offert des friandises, versé de l’eau parfumé sur les mains, et nous avons rencontré de nombreux jeunes qui étaient venus parfois de fort loin pour rendre visite à leurs parents et grand parents.

Remarques sur les remorques

Bien souvent, les remorques sont joliment décorées : Avis aux agriculteurs du Val Froment, quand on rentrera on aimerait voir les votres aussi belles. Au boulot ! Avec Cadet et Mali dessus, évidemment (les deux ânes emblématiques du Val).

Güle Güle, c’est reparti pour le vélo

Ce n’est pas sans regrets que nous quitterons la pension Köse et toute l’équipe, l’accueil a été formidable, la cuisine remarquable et l’ambiance très conviviale.

Depuis le temps qu’on se déplace en bateau, bus, métro, tram et même à pieds, il va être temps de reprendre le vélo sinon vous allez croire qu’on les a emmenés pour faire joli. Eh bien non, nous allons quitter Göreme et ça va monter dur, on sait que la reprise va être difficile. Juste après le Musée en plein air, la route grossièrement pavée est tellement pentue que lorsque nous l’avions descendue à pieds à la fin de la rando nous étions obligés de faire attention.

Mais on y arrivera, rien ne nous arrête !

7 Comments

  1. ZUT mon commentaire qui vous donnait une adresse super sympa est arrivé trop tard!!!!! vous allez trop vite on n’arrive pas à vous suivre!!!! bizz

  2. C’es pas juste , ceux qui suivent tout le temps on pas de cadeaux ….. snifffffffff …. lol
    Bon alors le velos va rouillés a ce train la ………..Ca m’a l’air super beau cette endroit …..
    Je vais lire la suite car j’ai vu un autre mail … vite ,vite …… Bisous Lili

  3. Hello
    Fan et accro de vos tribulations depuis 6 mois, je ne peux m’empêcher de vous adresser un petit signe suite à votre séjour cappadocien, me voilà retournée 30 ans en arrière: Göreme, Urgup, Avanos merveilleuses vacances turques sur 4 semaines ,à sillonner le pays avec mon Christian, sacs au dos,voyages en bus , coucher et lever de soleil au Nemrut tag et la générosité des turcs, des rencontres inoubliables, merci pour votre peps!!! Contente de vous voir au top!!
    Françoise Beucher-Dubois

  4. Eyh c’est vos deux enfant de voyage!!
    C’est vraiment drôle car en lisant vos articles, on se rend compte que nous avons rencontré les mêmes personnes!!! Par exemple: la journaliste de la pension Köse, nous avons discuté un moment avec elle dans la piscine de la pension. Elle nous avait conseillé un resto mais malheureusement, victime de leur succès, nous n’avions pu y aller!
    Ensuite peut être le marchand de tapis qui s’appelait Mehhmet (mais j’ai l’impression que tous les marchands de tapis s’appellent Mehmet!!) que nous sommes allés voir au moins trois fois! Il nous a servis vin rouge et raki si bien qu’à la fin de la négociation, nous étions tous un peu pompette!!
    Allez ciao!!

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